Encapsulage de l’amiante : est-ce une solution efficace pour gérer les matériaux amiantés sans bloquer un chantier et pour un moindre coût ?
Il semblerait que oui.
Revenons un instant sur ce terme peu commun qui cache un acte technique dont nous sommes tous amenés à le maîtriser, le cas échéant.
Avant propos
L’amiante, autrefois largement utilisé dans la construction pour ses propriétés isolantes et résistantes au feu, est aujourd’hui reconnu comme un matériau hautement toxique. Lorsqu’il se dégrade ou est manipulé sans précaution, il libère des fibres microscopiques dangereuses pour la santé. Pour limiter les risques sans recourir systématiquement au désamiantage, une solution existe : l’encapsulage de l’amiante.
Cette technique consiste à confiner les matériaux contenant de l’amiante (MCA) sans les enlever. C’est une méthode moins invasive, moins coûteuse et parfois mieux adaptée que le retrait complet.
Dans ce dossier, je vous propose d’évoquer de manière exhaustive tout ce que vous devez savoir sur l’encapsulage de l’amiante : définition, réglementation, mise en œuvre, avantages, limites et coûts.
Qu’est-ce que l’encapsulage de l’amiante ?
L’encapsulage de l’amiante est un procédé qui consiste à appliquer un produit spécifique (résine, peinture ou vernis encapsulant) sur les matériaux amiantés afin d’emprisonner les fibres. Ce revêtement forme une barrière étanche empêchant la dispersion des particules dangereuses dans l’air.
L’objectif est de stabiliser l’amiante in situ, en évitant sa dégradation ou sa dispersion, tout en assurant la sécurité des occupants. L’encapsulage est souvent recommandé lorsque :
- Le matériau est en bon état et ne nécessite pas un remplacement (travaux annexes, ou impliquant le matériau).
- Le retrait est trop complexe ou dangereux (matériau impacté).
- Il s’agit d’une solution temporaire en attente d’un désamiantage futur.
La formation SS3 (Sous Section 3) permet aux métreurs, chargés d’affaires et experts en bâtiment de savoir identifier les supports amiantés.
Réglementation française sur l’encapsulage de l’amiante
En France, l’usage de l’amiante est interdit depuis 1997, mais des millions de bâtiments en contiennent encore. La gestion de ces matériaux est encadrée par le Code de la santé publique, le Code du travail et diverses normes techniques (comme la norme NF X46-020).
En après sinistre, la première chose que votre gestionnaire vous demande est l’année de construction de votre maison, justement afin d’écarter le « risque amiante ».
Lire le dossier de l’INRS sur le risque amiante. (Réglementation).
Exemple le plus courant : Les dalles fines de revêtements de sols dans les communs des immeubles.
Encapsulage : une des 3 méthodes réglementaires
Selon la réglementation, trois méthodes de traitement de l’amiante sont autorisées :
- Le retrait (désamiantage).
- Le confinement, qui comprend l’encapsulage et la mise en caisson.
- Le maintien en l’état sous surveillance, dans certains cas.
L’encapsulage, lorsqu’il est choisi, doit être :
- Réalisé par une entreprise certifiée SS3 (sous-section 3 du Code du travail).
- Suivi d’un contrôle de l’air après travaux.
- Documenté dans le Dossier Technique Amiante (DTA) du bâtiment.
Oui, nous sommes dans le cadre de la sous section 3 et non de la sous section 4 que j’évoque dans un précédent article :
Lire mon article sur la formation SS4 amiante
Processus d’encapsulage de l’amiante
1. Diagnostic préalable
Avant toute intervention, un diagnostic amiante doit être effectué par un professionnel certifié. Celui-ci identifie la présence, la localisation et l’état des matériaux amiantés.
C’est le fameux DAAT (Diagnostic Amiante Avant Travaux) que vous devez préconiser si vous êtes expert compagnie, ou expert d’assuré, en cas de suspicion de présence de matériau amianté.
2. Choix du type d’encapsulant
Il existe différents types de produits encapsulants, adaptés selon la nature du support et son état :
- Encapsulants pénétrants : pénètrent dans la structure pour renforcer le matériau (ex. : peintures acryliques).
- Encapsulants pelliculaires : forment une couche externe protectrice (ex. : vernis, résines époxy).
3. Préparation du chantier
Les mesures de sécurité sont strictes :
- Confinement de la zone.
- Équipements de protection individuelle (EPI) pour les opérateurs.
- Aspiration avec filtres HEPA.
- Système de ventilation en dépression.
4. Application de l’encapsulant
L’application se fait par pulvérisation, rouleau ou brosse, en plusieurs couches selon les recommandations du fabricant. La surface traitée doit être sèche, propre et stable.
5. Contrôle final et traçabilité
Après séchage complet :
- Des mesures d’empoussièrement sont réalisées pour vérifier l’absence de fibres dans l’air.
- Un rapport de fin de chantier est fourni.
- Le DTA est mis à jour avec toutes les informations du traitement.
Exemple de produits encapsulants :
Avantages de l’encapsulage de l’amiante
✅ Moins coûteux
L’encapsulage est généralement 30 à 70 % moins cher qu’un retrait complet.
✅ Moins invasif
Il n’y a pas de démolition ni de reconstruction. Les occupants peuvent parfois rester sur place.
✅ Rapide à mettre en œuvre
Le temps de chantier est plus court, surtout pour les surfaces accessibles.
✅ Efficace à court et moyen terme
Bien appliqué, le produit encapsulant peut protéger les matériaux pendant 10 à 20 ans, voire plus.
Limites et inconvénients de l’encapsulage
❌ Pas une solution définitive
Le matériau amianté reste en place. Il faudra surveiller son état régulièrement.
❌ Non adapté aux matériaux dégradés
Si les MCA sont friables, fissurés ou déjà endommagés, l’encapsulage est insuffisant.
❌ Impact sur les futurs travaux
Les surfaces encapsulées deviennent difficiles à percer, poncer ou modifier sans mesures strictes.
❌ Maintenance obligatoire
Une surveillance périodique est imposée (tous les 3 ans minimum), ce qui génère un suivi administratif et technique.
Comparaison : Encapsulage vs désamiantage
Critère | Encapsulage | Désamiantage |
---|---|---|
Coût | 💶 Moins élevé | 💰 Plus onéreux |
Durée des travaux | ⏱️ Rapide | ⌛ Plus long |
Impact sur le bâtiment | 🧱 Aucun | 🏗️ Travaux structurels possibles |
Pérennité | 📅 Temporaire (10-20 ans) | ✅ Définitif |
Risques résiduels | ⚠️ Faibles mais présents | ❌ Éliminés |
Autre exemple : La colle carrelage peut contenir de l’amiante. C’est un support auquel on pense rarement.
Coût d’un encapsulage de l’amiante en 2025
Le coût varie selon plusieurs facteurs :
- Type de matériau (plafond, canalisation, flocage…).
- Accessibilité de la zone.
- Surface à traiter.
- Type de produit encapsulant utilisé.
Fourchette indicative :
- Entre 40 et 100 € / m² (fourniture + main d’œuvre).
- À comparer aux 180 à 350 € / m² d’un désamiantage classique.
Exemples concrets d’utilisation
Bâtiments publics :
Dans de nombreuses écoles et hôpitaux construits avant 1997, l’encapsulage est utilisé pour les flocages de plafond ou les gaines techniques. Les dalles de revêtements de sols également.
Maisons individuelles :
Il est souvent employé pour des dalles de sol amiantées ou des conduits en fibrociment. Pour exemple, lors d’une de mes interventions en après sinistre à Fos sur Mer, les conduits d’eau chaude et froide dans les combles, étaient calorifugés avec un isolant amianté.
Sites industriels :
Les conduites, toitures ou équipements amiantés peuvent être encapsulés pour éviter l’arrêt de la production.
L’Encapsulage est-il autorisé pour une vente immobilière ?
Oui, à condition que :
- Le matériau soit en bon état.
- Le diagnostic amiante ait été réalisé.
- Le DTA soit à jour.
- Aucune obligation de retrait ne soit imposée par arrêté préfectoral.
Mais attention : certains acheteurs ou notaires peuvent exiger un retrait dans le cadre d’une négociation de prix.
Voici une liste complète et organisée des matériaux du bâtiment susceptibles de contenir de l’amiante, classés par catégorie. Cette liste est essentielle pour les diagnostics amiante et la gestion du risque dans les bâtiments construits avant 1997.
Liste des matériaux pouvant contenir de l’amiante dans le bâtiment
Toitures et couvertures :
- Plaques ondulées en fibrociment (type Everite, Eternit) : la fameuse PST.
- Ardoises en amiante-ciment.
- Bardeaux bitumineux renforcés à l’amiante.
- Sous-toitures et panneaux rigides.
Façades et bardages :
- Bardages en amiante-ciment
- Enduits projetés extérieurs (souvent utilisés pour l’isolation thermique)
- Panneaux de façade préfabriqués
Plafonds, faux plafonds et revêtements :
- Dalles de plafond (dalles décoratives, acoustiques)
- Faux plafonds suspendus avec isolants contenant de l’amiante
- Flocages au plafond (isolation thermique ou acoustique)
Cloisons et murs intérieurs :
- Plaques de plâtre avec carton amianté
- Panneaux ou cloisons en amiante-ciment
- Enduits muraux (au plâtre, ciment, ou bitumineux)
- Colles et mastics utilisés pour fixer les cloisons
Sol et revêtements de sol :
- Dalles de sol en vinyle-amiante (ou thermoplastiques)
- Colles noires bitumineuses sous dalles de sol
- Mortiers de chape contenant de l’amiante
- Feutres ou sous-couches amiantées
Conduits, gaines et réseaux techniques :
- Conduits de ventilation ou d’évacuation en amiante-ciment
- Gaines techniques isolées à l’amiante
- Tuyauteries calorifugées avec coquilles ou flocages amiantés
- Joints et garnitures de conduites
Isolation thermique et acoustique :
- Flocages (fibres projetées sur les structures métalliques)
- Calorifugeages sur tuyaux, chaudières, cuves
- Panneaux isolants rigides à base d’amiante
Éléments électriques
- Gaine de câbles électriques renforcée à l’amiante
- Tableaux électriques avec isolants thermiques amiantés
- Interrupteurs, fusibles, contacteurs anciens avec composants amiantés
Colles, mastics, joints et peintures
- Colles à carrelage ou à dalles de sol
- Mastics d’étanchéité (fenêtres, tuyauteries)
- Joints de dilatation ou de bride (dans les systèmes de chauffage)
- Peintures ignifuges contenant de l’amiante (principalement avant 1980)
Chauffage et ventilation :
- Calorifugeages de chaufferies
- Enveloppes extérieures de chaudières
- Parois coupe-feu dans les gaines techniques
- Joints d’étanchéité d’appareils de chauffage
Autres matériaux et équipements :
- Parois de gaines d’ascenseur
- Cloisons dans les gaines techniques
- Capots de protection d’installations industrielles
- Anciennes hottes ou plaques murales derrière les cuisinières ou poêles
Remarque importante
L’amiante a été intégré à plus de 3 000 produits du bâtiment jusqu’à son interdiction en France en 1997. Son usage était apprécié pour ses propriétés :
- Incombustibles,
- Isolantes,
- Résistantes à la corrosion et à l’usure.
C’est pourquoi on le retrouve partout dans le bâtiment, notamment dans les immeubles construits entre 1950 et 1985.
FAQ – Encapsulage de l’amiante
1. L’encapsulage est-il légal en France ?
Oui, c’est une des méthodes reconnues par la réglementation pour traiter l’amiante.
2. Puis-je faire moi-même l’encapsulage ?
Non, seuls les professionnels certifiés SS3 peuvent le réaliser.
3. L’encapsulage peut-il suffire à long terme ?
Il est considéré comme une solution temporaire ou à moyen terme, avec une surveillance régulière obligatoire.
4. Quelle est la durée de vie d’un encapsulage ?
Environ 10 à 20 ans selon le produit et les conditions d’usage.
Ne percez, ne coupez, ni ne poncez aucun matériau sans diagnostic.
Liens divers
- Article sur Wikipédia : Non suffisamment documenté.
- Ce que dit la loi sur l’encapsulage de l’amiante : Texte sur Legifrance.
- Dossier sur PreventionBTP.
Conclusion
Si vous soupçonnez la présence d’amiante dans un bâtiment :
- Ne percez, ne coupez, ni ne poncez aucun matériau sans diagnostic.
- Faites appel à un diagnostiqueur certifié amiante.
- En cas de confirmation, contactez une entreprise spécialisée certifiée SS3.
L’encapsulage de l’amiante est une solution efficace, économique et réglementairement encadrée pour gérer les risques liés à l’amiante dans les bâtiments. Bien que cette méthode ne soit pas définitive, elle permet de sécuriser durablement les lieux, en évitant les coûts et les contraintes d’un désamiantage complet.
Avant toute décision, il est indispensable de faire appel à des professionnels certifiés pour réaliser un diagnostic précis et définir la meilleure stratégie. L’encapsulage, lorsqu’il est bien réalisé, allie sécurité, économie et praticité.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.