L’échantignole, parfois écrit « chantignole » est un élément de charpente qui même s’il est discret, est souvent indispensable : Définition, usages, variantes, règles empiriques de dimensionnement, mise en œuvre, pathologies et alternatives.
C’est notre dossier du jour. (Opuscule sur le traité de charpente moderne par S.Ustun, directeur de la Rédaction.)
Qu’est-ce qu’une échantignole ?
En charpente traditionnelle, une échantignole est un petit taquet triangulaire en bois, fixé sur une pièce porteuse (souvent un arbalétrier) pour créer un appui ou une butée. Sa fonction la plus courante est de soutenir et d’empêcher le glissement d’une panne posée à « devers ». Plutôt qu’un délardement important des pannes (à la pente), on ajoute ce bloc rapporté qui reprend les efforts au droit de l’appui.
En outre, cette pièce d’appui permet également de réaliser un aboutage de deux pannes distinctes (pour les grands franchissement), en leur offrant un « fond de clouage » solide. On rencontre aussi des échantignoles sécuriser le pied d’une pièce de contreventement, ou constituer un petit support ponctuel (par exemple, sous un blochet).
À quoi sert-elle exactement ? (Fonction technique)
- Appui et reprise de charge : L’échantignole offre une surface d’appui localisée pour caler et régler les pannes posées à la pente. Elle reprend l’écrasement perpendiculaire au fil et transmet la charge à l’arbalétrier.
- Fond de clouage : Cet appui permet de réaliser un aboutage de deux pannes distinctes au droit de l’échantignole, permettant de parcourir de plus longs franchissements.
- Anti-glissement : Sur un versant pentu, les pannes tendent naturellement à glisser vers l’égout. La forme triangulaire et la position de l’échantignole jouent le rôle de butée.
- Limitation des embrèvements : Au lieu d’un délardement profond (qui affaiblit section et contreventement), l’échantignole permet une solution rapportée et réversible, plus respectueuse de la pièce porteuse.
- Réglage fin : Parce que c’est un petit élément, on peut ajuster son épaisseur, son angle et sa position pour aligner la ligne de chevrons, compenser de faibles irrégularités ou rattraper des défauts d’équerrage.
Formes et variantes
- Triangulaire droite (la plus fréquente) : deux faces en angle droit ; l’une se plaque contre l’arbalétrier l’autre reçoit le chant de la panne.
- Triangulaire à angle adapté : l’angle de la face d’appui est coupé au rampant (au pas du toit) pour maximiser la surface de contact sous le chevron.
- Échantignole + renfort : le duo crée un « berceau » de maintien, avec une butée aval (sous le chevron) et une butée amont (au-dessus), utile sur fortes pentes ou en zones ventées.
- Pièce trapézoïdale ou taquet profilé : plus rare, destinée à offrir une surface d’appui allongée lorsque l’on cherche à limiter la pression de contact.
Généralement, l’échantignole permet de poser les pannes « à la pente ». Cependant, il existe de nombreux cas dans lesquels l’échantignole est délardée pour permettre une pose de panne à l’aplomb (plus rare). Dans ce cas précis, les charpentiers préfèrent délarder les pannes à devers, pour obtenir une pause d’aplomb. (Note interne / S.USTUN.)
NOTA : Une échantignole est toujours dans le sens de l’arbalétrier, au dessus de ce dernier sauf dans un unique cas : En charpente moderne, l’échantignole peut être SOUS l’arbalétrier, enclavée avec l’entrait, en limite de la jonction avec ce dernier au droit du talon d’une fermette. S.USTUN.
Matériaux et choix du bois
Traditionnellement, on taille l’échantignole dans le même bois que la charpente : résineux (épicéa, sapin, douglas) en charpente courante, parfois en chêne en restauration patrimoniale. Points d’attention :
- Bois sec : limite retraits et fentes.
- Fil droit, sans nœuds traversants au droit des fixations.
- Densité : plus le bois est dense, meilleure est la résistance à l’écrasement sous chevron.
- Traitement : en zone exposée (condensation, tuiles poreuses, combles peu ventilés), un traitement préventif contre insectes et champignons est judicieux.
Dimensionnement : règles empiriques (non normatives)
L’échantignole se dimensionne pour assurer suffisamment d’appui et éviter l’écrasement au droit du contact avec le chevron. Sans se substituer à un calcul selon l’Eurocode 5, quelques repères de terrain :
- Épaisseur : souvent du même ordre que l’épaisseur de l’arbalétrier, ou au moins la moitié. Une pièce trop mince travaille mal en compression et se fend au clouage.
- Longueur d’appui (le long du chevron) : viser ≈ 1× à 1,5× l’épaisseur du bois comme zone portante utile, pour abaisser la pression de contact.
- Hauteur : suffisante pour offrir une bonne surface de clouage/vissage dans la panne sans s’approcher des arêtes (risque de fente).
- Angle : dresser la face d’appui au pas du toit améliore nettement la portée de contact et la tenue anti-glissement.
Ces règles servent de point de départ ; en charges élevées (neige, vent, grandes portées), il faut vérifier la compression perpendiculaire au fil, l’arrachement des fixations et la stabilité globale de la charpente.
Fixations : clous, vis, combinaisons
- Clouage traditionnel : deux clous annelés ou torsadés, plantés en quinconce et en biais croisés pour partager l’effort et limiter l’arrachement.
- Vissage structurel : des vis à bois structurelles (diamètre et longueur adaptés) offrent une reprise d’arrachement supérieure et un contrôle de serrage.
- Clou + vis : combinaison appréciée en rénovation : le clou positionne et bloque immédiatement, la vis finit le serrage.
- Prédécoupage et préperçage : un préperçage (diamètre légèrement inférieur) réduit le risque de fente, surtout près des rives et dans les bois durs.
Bonnes pratiques : respecter des distances aux bords (2–3 × Ø de la fixation au minimum), diverger les axes des fixations pour créer un effet d’agrafe, et éviter les alignements qui fendent le bois.
Mise en œuvre pas à pas
1. Traçage : Présenter le chevron sur la panne et tracer la position d’appui. Reporter le pas du rampant sur la pièce de bois brut destinée à l’échantignole.
2. Découpe : Dégauchir une face d’appui plane. Débiter l’angle de l’échantignole au pas du toit pour épouser le chant de la panne au contact. Casser légèrement les arêtes pour éviter l’éclatement lors du serrage.
3. Présentation à blanc : Plaquer l’échantignole, poser la panne, vérifier l’alignement de la file (planéité des bois), corriger l’angle si nécessaire.
4. Fixation dans l’arbalétrier : Clouer ou visser l’échantignole avant la pose définitive de la panne, puis resserrer avec une ou deux vis supplémentaires si besoin.
Cas particuliers
- Forte pente et/ou zones ventées : privilégier l’angle d’appui réglé au pas du toit, le duo échantignole et vis structurelles à fort filetage d’ancrage.
- Bois ancien (rénovation) : la panne peut être fibrée ou partiellement dégradée. Chercher une zone saine pour le clouage, augmenter la longueur d’ancrage, ou ajouter une entretoise côté opposé si la panne est faible.
- Grand entraxe de pannes : la réaction au droit de l’échantignole augmente ; vérifier la compression perpendiculaire et, si nécessaire, allonger la surface d’appui (pièce trapézoïdale).
Pathologies fréquentes et prévention
1. Écrasement de l’appui (marques profondes sous chevron)
- Cause : surface trop réduite, bois tendre, charges lourdes.
2. Fendage de l’échantignole
- Cause : clouage trop près des bords, pas de préperçage, bois nerveux, présence de noeuds.
3. Arrachement sous succion du vent
- Cause : fixations insuffisantes, absence d’épaulement suffisant.
4. Humidité et attaques fongiques
- Cause : ventilation des combles insuffisante, remontées d’eau sous couverture.
Avantages et limites
Avantages :
- Mise en œuvre simple, économique, rapide.
- Réversible : remplaçable sans entailler lourdement panne/chevron.
- Réglable : permet un rattrapage fin des alignements.
Limites :
- Reprise d’efforts locale : à dimensionner correctement.
- Nécessite une pose soignée pour un appui pleinement porteur.
- Moins « monolithique » qu’un embrèvement bien calculé : dépend de la qualité des fixations.
Alternatives et combinaisons
- Entaille d’appui (embrèvement) dans l’arbalétrier (ou la panne) : solution intégrée et robuste, mais affaiblit la section si mal dimensionnée.
- Sabots/taquets métalliques : excellentes reprises d’arrachement, standardisées, mais coût et esthétique métalliques.
- Équerres + vis : utiles en renfort (vent, sismique), souvent en complément des échantignoles plutôt qu’en remplacement.
Bonnes pratiques de chantier
- Même essence que les pièces voisines, ou plus dense si l’effort l’exige. On préfère généralement débiter dans les chutes de coupes.
- Eviter les pièces avec des nœuds.
- Orientation au pas du rampant pour maximiser l’aire d’appui.
- Deux fixations minimum, en biais croisés, avec préperçage en bois dur.
- Poser des renforts d’épaulement quand la pente, le vent ou le local l’imposent, ou par simple prudence.
- Contrôle final au cordeau/règle pour garantir la rectitude du solivage sur tous les autres points d’appuis.
Liens divers et utiles
- Source photo et crédit de l’échantignole en acier : Sud Fixation / KNAG SIMPSON
- Equivalent en acier chez Würth (pas de jaloux !)
- Source Wikipédia : Peu d’informations mais le schéma explicatif demeure intéressant.
Conclusion
L’échantignole est l’exemple parfait de la petite pièce de bois qui fait toute la différence : simple, adaptable, réversible, elle épaule les pannes en offrant un appui franc et une butée efficace. Bien dimensionnée (surface d’appui suffisante, bois sain) et correctement fixée (clous/vis en biais, distances aux rives respectées), elle permet de régler l’ensemble de la poutraison en évitant de réaliser des embrèvements dans les fermes.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN. Crédit photo de couverture et infographie : S.USTUN.





