Que ce soit la cathédrale Notre Dame de Paris, ou bien la cathédrale de Rouen, ces deux sinistres incendies aux dates rapprochées questionnent.
Dans tout raisonnement intellectuellement digne, nous gardant de l’affect, nous devons nous questionner à la manière de nos principes : Causes, conséquences et mise en œuvre.
Aucun complot, mais un problème plus grave encore.
Qu’une cathédrale prenne feu, ce n’est pas un scoop. Que deux cathédrales prennent feu à peu de temps d’intervalle, ce n’est toujours pas un scoop, mais cela éveille le questionnement.
Que ces deux cathédrales soient toutes deux en travaux lors des incendies, et le doute se transforme en « sans aucun doute ».
La première approche, intuitive
Comme vous, je découvre les images sur les chaînes d’information. Une épaisse fumée noire se dégage de la flèche de la cathédrale de Rouen.
La flèche de la cathédrale est faite d’acier. Ce n’est, par conséquent, ni le bois de charpente, ni la volige, ni les contreventements qui prennent feu.
C’est « autre chose ».
A la vue des images, mon premier ressenti est le même que le vôtre, très certainement : Autre chose brûle. Cette noirceur épaisse évoque des hydrocarbures, du plastique etc.
Nous saurons très prochainement j’imagine, quel est ce produit qui dégage cette épaisse fumée en brûlant, la bâche très certainement.
L’acier ne brûle pas, il fond.
La flèche et la structure étant en acier, il faut regarder ailleurs. L’acier ne brûle pas. Cela peut être la volige alors, ou un quelconque parement, isolant ou doublage. Mais en quoi est-il nécessaire de doubler une flèche ?
Le support de couverture, j’imagine en zinc ou bac acier, peut effectivement être en voligeage bois. Je n’ai cependant pas les détails.
En revanche, qui dit acier dit meuleuse. Et vous savez comment se comportent les scories quand on meule l’acier : Étincelles brûlantes et autant de briquets en mode puissance dix !
Le polyane, les bâches, les sacs de type « Big Bag » ou les simples « sacs à gravats », ça flambe ! Si par malheur, vous disposez d’un petit bidon de solvant à proximité (idéal pour traiter l’acier) voilà qui donne un excellent coupable.
L’essence, même si nous sommes d’accord, n’est pas dans ce cas utile pour une quelconque tronçonneuse, peut se trouver là pour curer les pièces d’acier.
Quand on meule, on vérifie que rien aux environs ne soit inflammable.
Tout charpentier sait ça.
Or nous évoquons un chantier de maître, géré par de prestigieuses entreprises qui ne souffrent pas de ce genre d’amateurisme.
En théorie.
La seconde approche, raisonnée mais pas raisonnable !
De prime abord, il semble inconcevable que l’erreur soit humaine.
Entreprises de renoms, maîtres expérimentés, encadrement professionnel.
Vraiment ?
En 2024, il est tout bonnement impossible de démarrer un chantier sans avoir toute une ribambelle de techniciens, coordinateurs SPS, bureaux de contrôle, et CPAM au pied du mur. Littéralement.
Conducteurs de travaux, superviseurs, experts, dont votre hôte, sont « H24 » sur le terrain, à rendre très dure la vie des intervenants.
Comment une erreur humaine serait elle possible dans ces conditions ?
La réflexion innocente et naïve voudrait que cela ne soit pas possible. Cependant, ce serait négliger certains éléments que de courir directement vers cette exemption de faute pour cause de surveillance accrue. Telle une « impossibilité divine, du fait de l’homme ».
Comme je l’écris souvent dans mes articles, la médiocrité est devenue un standard.
L’amateurisme est devenu un droit, clairement formulé dans les plus hautes sphères de l’état.
Ce n’est pas seulement valable pour les opératifs, les maçons, couvreurs et manœuvres, non. C’est valable pour tous les métiers du bâtiment, des ingénieurs structures aux intérimaires.
L’exemption de faute humaine est donc devenue tout à fait concevable, y compris lorsqu’elle est commise sous les yeux des donneurs d’ordres et autres responsables techniques.
Nul n’est épargné.
Entre coordinateurs qui refusent de monter sur les échelles (par peur ou manque d’expérience de terrain) et conducteurs de travaux qui sont issus de la vente à emporter : Nous sommes tous coupables.
Il y a peu de temps à Marseille, une année à peine, un ouvrage prenait feu du fait de la société qui devait justement le rénover. Prenez acte du ridicule de la situation :
C’est l’entreprise spécialisée en après sinistre incendie, qui est à l’origine du nouvel incendie de l’ouvrage rénové !
Cela a fait la une des journaux locaux, l’absurde prenant le pas sur la consternation.
La vétusté des ouvrages & le changement climatique : Incongru, vraiment ?
Évidemment, il n’y a pas de sujet. Pour le moins en ce qui concerne la vétusté.
Pour le climat, merci de ne pas vous déchainer en commentaires, je vais m’expliquer, soyez patients.
Les ouvrages sont vétustes.
Mais alors pourquoi ce sont-ils tous passés le mot, de prendre feu au même moment (dans la même période). Car ces deux cas ne sont pas les seuls, loin de là.
Si nous prenons l’exemple des deux cathédrales, Notre Dame de Paris et Rouen, elles ont toutes deux des décennies de conception et de mise en œuvre qui les séparent. Leurs matériaux de construction sont différents.
Se sont elles données le mot ? Ont elle décidé, toutes deux, de brûler à quelques années d’intervalle ?
Évidemment que non.
La vétusté soulève un problème certes, mais ce problème est insoupçonné, du moins très peu instinctif : Le climat et l’inadaptation des matériaux aux extrêmes que nous subissons actuellement.
Toujours aucun complot, juste de la physique !
Aussi, ne soyez pas inutilement critiques et comprenez bien ceci. Les matériaux ont des seuils de mise en œuvre (température) critiques lorsqu’ils sont neufs, et des seuils de stabilité limites lorsqu’ils sont vétustes.
Le bois brûle plus facilement s’il est extrêmement sec, par exemple.
Ces dernières années, j’ai du annuler plusieurs chantiers durant les fortes chaleurs, car les colles, enduits, et autres produits ne supportent plus la mise en œuvre comme durant les années précédentes. C’est du vécu.
Et c’est un souci que je rencontre seulement depuis une petite décennie.
Il n’est donc pas totalement incongru de faire un parallèle entre températures extrêmes, et stabilité des matériaux. Ce sont même les principaux critères qui permettent d’obtenir les agréments du CSTB, lorsqu’un industriel sort un nouveau produit dans le bâtiment.
Un concept culturel, mais aucun complot !
Je ne parle évidemment pas du « culte », mais du biais d’acceptation ontologique que cachent ces deux désastres.
Les ouvrages réalisés par des maîtres et des compagnons, dont la vie complète est faite d’apprentissage, sont aujourd’hui confiés à des entreprises qui sous traitent, à des entreprises qui sous traitent elles-mêmes.
Ainsi, il y a fort à parier que l’ouvrage construit par un érudit, dont l’expérience se compte en décennies, soit confié à un intérimaire dont le métier est très éloigné du bâtiment, qu’il découvre pour ainsi dire quelques jours avant d’enfiler les chaussures de sécurité.
Conjectures ? Oui. Je l’avoue.
Mais comment ne pas imaginer immédiatement ce scénario, quand on sait qu’un maître artisan compte les incidents (pas les accidents) sur le bout des doigts dans une carrière complète, tant l’ouvrage demeure sa principale priorité ?
Toujours aucun complot, mais c’est peut être pire encore !
Il suffit dans ce cas d’une bâche, d’un polyane, d’un bidon de solvant pour curer l’acier et d’une meuleuse. Si celui à qui on demande de meuler n’est pas issu du bâtiment, le résultat sera sans appel : Un incendie ! Ou du moins un départ de feu.
D’ailleurs, il semble que le départ de feu ait été très largement évoqué avant de se transformer en incendie (témoignages recueillis par les chaines d’information).
Ajoutez donc à cela un manque de discernement, un manque de vivacité d’esprit, très caractéristique à nos métiers depuis quelques années, et vous obtenez une belle flèche en flamme.
C’est donc nécessairement un problème d’approche de « la mise en œuvre », par un personnel non qualifié et non dédié. Toute la chaine de prise de décision est ici responsable, du donneur d’ordre à l’entreprise contractante. Je vous en fait le sain pari.
Un ouvrage de grande exigence est aujourd’hui déconsidéré au point d’être mis en œuvre par le plus offrant, ou le moins disant.
Alors, quel est votre avis ?