Peu connu du grand public et des professionnels, l’aluminium dans les installations électriques est un véritable sujet technique.
Si je vous dis installation électrique, vous pensez immédiatement au cuivre, et vous avez raison, enfin presque.
De nombreux raccordements de logements sont réalisés non pas en cuivre, mais en aluminium. En quoi est-ce problématique et comment intégrer cette particularité dans nos reconnaissances sur les chantiers ?
C’est mon sujet du jour.
Installations électriques en aluminium : ça existe !
Pendant de nombreuses décennies, le cuivre ne faisait pas nécessairement figure de standard comme matériau pour les raccordements électriques. Dans les années 70, une grande vague d’installations se réalisaient en aluminium (du moins pour l’alimentation principale).
Ce dernier a eu sa période de gloire, et tant que tout va bien, il est impossible d’en distinguer la présence sans ouvrir votre tableau électrique ou le TGBT (Tableau Générale Basse Tension).
En revanche, quand il s’agit d’après sinistre, ma spécialité, les choses se compliquent avec l’aluminium.
L’utilisation de l’aluminium dans les installations électriques, bien que moins courante que celle du cuivre, présente plusieurs avantages mais également des inconvénients.
Je vous propose de les passer en revue dans le troisième paragraphe.
Cas de figure concret
Ce sujet d’article vient appuyer un cas de figure concret, que j’ai du traiter à Saint Mitre les Remparts. Un départ d’incendie conséquent qui a totalement détruit le tableau principal.
Le disjoncteur abonné était situé à l’extérieur, séparé du tableau de quelques mètres (8 mètres).
Lors de mon métrage de reconnaissance, je n’ai pas réussi à distinguer l’arrivée d’alimentation électrique principale. Or dans bien des cas, celle-ci reste toujours visible, même si le gainage des câbles à totalement disparu.
En effet, le cuivre étant bien plus résistant que l’aluminium, dans les cas d’interventions suite à incendie, il est presque toujours possible de déterminer les sections de câbles et de les « récupérer », quelques mètres plus loin.
Tout du moins les fourreaux.
Avec l’aluminium, il en est tout autrement. Ce dernier se consume sur de grandes distances, et vous ne pourrez pas retirer dans les fourreaux existants, ces derniers étant eux-mêmes détruits non pas par le feu, mais par la combustion de l’aluminium.
Par conséquent, si l’aluminium est attractif sur le plan économique, il est une catastrophe lorsqu’il est question d’après sinistre.
En revue :
- Avantages et inconvénients de l’aluminium
- Notions générales sur les deux types de matériaux
- Cas concret à l’étude sur un dossier en après sinistre
- Conséquences sur le chiffrage
Les avantages de l’aluminium
Si l’aluminium a été utilisé pendant de nombreuses années, c’est en grande partie à cause de son faible coût.
Coût :
L’aluminium est généralement moins cher que le cuivre. Cela peut réduire significativement le coût des installations électriques, surtout pour les projets de grande envergure.
Poids :
L’aluminium est environ trois fois plus léger que le cuivre. Cela facilite la manipulation et l’installation des câbles, surtout pour les longues distances.
Conductivité :
Bien que l’aluminium ait une conductivité électrique inférieure à celle du cuivre (environ 61 % de celle du cuivre), il est souvent utilisé avec des sections transversales plus grandes pour compenser cette différence.
Abondance :
L’aluminium est l’un des métaux les plus abondants sur Terre, ce qui assure une disponibilité à long terme et une stabilité relative des prix.
Ci-dessus : La fabrication de câbles électriques en aluminium est toujours d’actualité. Crédit photo: NEXANS
Les inconvénients de l’aluminium
Conductivité inférieure :
Comme je l’évoque plus haut dans le texte, l’aluminium a une conductivité inférieure à celle du cuivre. Cela signifie que des câbles de plus grand diamètre sont nécessaires pour transporter la même quantité de courant.
Exemple pour une installation en type 2, la plus courante, si vous pouvez utiliser du 2 fils de 16 millimètres, sont équivalent en aluminium sera en 25 millimètres.
Cela peut entraîner des coûts de matériaux plus élevés et des câbles plus encombrants.
Expansion thermique :
L’aluminium a un coefficient de dilatation thermique plus élevé que le cuivre.
Cela signifie qu’il se dilate et se contracte davantage avec les variations de température, ce qui peut entraîner des problèmes de connexion et de desserrage des bornes. Je reviendrai sur ce point plus bas, dans mon analyse du risque incendie.
Oxydation :
L’aluminium s’oxyde lorsqu’il est exposé à l’air, formant une couche d’oxyde d’aluminium non conductrice.
Cela peut augmenter la résistance des connexions électriques si des précautions spécifiques ne sont pas prises, comme l’utilisation de pâte antioxydante.
Moins de ductilité :
L’aluminium est plus fragile que le cuivre et peut se casser plus facilement sous contrainte ou lors de la manipulation. Il est également plus susceptible d’être endommagé par des pliages ou des torsions répétés.
Utilisations spécifiques de l’aluminium
Lignes de transmission à haute tension :
L’aluminium est couramment utilisé pour les lignes de transmission d’électricité à haute tension, où son faible poids et son coût réduit sont des avantages significatifs.
Applications résidentielles et commerciales :
Dans les années 1960 et 1970, l’aluminium était utilisé dans les installations électriques résidentielles, mais des problèmes de sécurité ont conduit à une diminution de son utilisation dans ce domaine.
Aujourd’hui, il est encore utilisé dans certaines applications spécifiques comme les alimentations principales et les grands circuits.
Câblage aérien :
En raison de son poids léger, l’aluminium est souvent utilisé pour le câblage aérien et les lignes de transport d’énergie sur de longues distances.
L’aluminium est donc toujours utilisé, mais plus nécessairement pour les maisons individuelles ou logements en général, ce qui est une bonne chose. Pour le reste, de nouvelles filières se créent, notamment dans la revalorisation du recyclage.
Lire l’article de l’usine nouvelle sur le sujet
Mesures de sécurité & installation électrique en aluminium
Pour assurer la sécurité et l’efficacité des installations utilisant de l’aluminium, il faut considérer plusieurs mesures :
- Connexions appropriées : Utiliser des bornes et des dispositifs de connexion spécifiquement conçus pour l’aluminium.
- Pâte antioxydante : Appliquer une pâte antioxydante sur les connexions pour empêcher la formation d’oxyde d’aluminium.
- Maintenance régulière : Inspecter et resserrer régulièrement les connexions pour compenser l’expansion et la contraction thermiques.
En résumé, bien que le cuivre reste le matériau de choix pour de nombreuses applications électriques en raison de sa conductivité supérieure et de sa fiabilité, l’aluminium est une alternative viable dans certains cas spécifiques, principalement en raison de son coût et de son poids réduits.
Analyse de cas :
Dans mon exemple, le client avait effectivement entendu des « grésillements » dans le tableau peu avant le départ d’incendie. Il semble donc pertinent d’imaginer qu’un défaut de serrage du à une dilatation de l’aluminium soit en cause.
Cependant, il est important de rappeler que ce type « d’arc électrique » peut également survenir avec du cuivre, ce n’est donc pas le fond du sujet. Le réel problème réside dans la combustion du matériau. L’aluminium fond bien plus vite que le cuivre, et c’est ici que doit se porter notre attention.
Lors des incendies courants, le cuivre « reste » visible, même quand son gainage a totalement fondu par ailleurs. Il reste une espèce de forêt de câbles très fins et dénudés. C’est un avantage certain pour le cuivre.
Dans ces cas, les fourreaux sont très rapidement « rattrapables » à quelques centimètres du départ de feu, avec une légère démolition des parements.
Dans le cas de l’aluminium, les fourreaux vont fondre avec ce dernier, rendant dès lors le tirage de nouveaux câbles impossibles : Résultat, un coût de rénovation plus important.
Pour info :
- Point de fusion de l’aluminium : 660 degrés
- Point de fusion du cuivre : 1040 degrés.
Aluminium & installation électrique : Dans cet exemple précis
Pour reprendre le cas concret de Saint Mitre les Remparts, il faut bien intégrer la problématique liée à la combustion de l’aluminium dans votre raisonnement, et dans votre métrage.
Dans ce cas, il faut anticiper la démolition du sol sur plusieurs mètres pour tenter de récupérer un fourreau intègre, ou chiffrer une alimentation par ailleurs, ce qui n’est absolument pas anodin.
Les coûts seront donc très clairement plus importants que pour un réseau cuivre, dont on sait qu’au bout de quelques centimètres il sera plus facile de récupérer un fourreau intègre.
Il n’existe pas à proprement parler de BPU (Bordereau de Prix Unitaire) pour ce type d’intervention, il faudra donc le noter clairement sur votre chiffrage, en expliquant en quelques mots, l’impossibilité de retirer dans les fourreaux existants.
Dans l’exemple ci-dessus, l’intervention mal évaluée aurait conduit à une réouverture du dossier, son coût définitif étant 3 fois plus élevé. Autant envisager le sinistre sous un angle professionnel « dès le début » du métrage.
Lire mon article sur le respect des BPU en après sinistre
Ne vous faîtes pas retoquer avec Enedis
Dans le cadre d’un raccordement provisoire, en phase chantier pour votre maison ou pour une intervention en après sinistre, ne vous faites pas retoquer par le distributeur d’énergie.
La règlementation est très stricte en matière de raccordement, même provisoire.
Ci-dessus : Vente de câble sur leboncoin. L’aluminium est toujours d’actualité dans les installations électriques.
Si vous faites poser un coffret de chantier :
N’achetez pas du câble aluminium car il serait moins cher que le cuivre. L’opérateur ne vous autorisera pas l’installation et vous perdrez votre journée.
J’ai déjà vu ce cas de figure lors d’une inspection de chantier par des confrères, même lorsqu’il est question de quelques mètres de câble seulement. L’économie réalisée ne justifie clairement pas de se voir opposer un refus de raccordement.
Seul un câble en cuivre de 16 à 25 millimètre sera conforme à la pose.
Lire mon article sur les raccordements provisoires avec coffret de chantier
Conclusion
Les cas sont rares, l’aluminium en installation électrique étant de moins en moins présent dans les logements. Mais le risque est réel, et les inconvénients en terme d’interventions après sinistre mènent à un véritable surcoût.
Le présent sujet d’article est simple en définitive, il suggère une chose : Si vous ne distinguez pas le câble d’alimentation de l’installation électrique, alors ce dernier était en aluminium, et il a fondu !
Un expert, un métreur en bâtiment ou un chargé d’affaire sera forcément tôt ou tard confronté à ce problème.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.