Quand il s’agit de construction ou de rénovation, il vous faudra tôt ou tard apprendre à couler un linteau. Dans ce dossier je me propose de vous donner ma méthode personnelle, très largement éprouvée, pour que vous ayez les bons réflexes le moment venu.
Comment couler un linteau béton : guide complet pas à pas
3 cas de figures peuvent se présenter couramment :
- Couler un linteau dans le neuf (construction ou extension). Ici on s’adresse évidemment aux autoconstructeurs.
- Couler un linteau béton en rénovation (la partie haute ne sera donc pas accessible).
- Couler le linteau en lieu et place de la ceinture (construction neuve).
Vous devez prendre le plus grand soin sur la préparation du chantier en termes de matériaux, mais aussi (et surtout) en termes de structure. Selon la zone sismique de votre lieu d’habitation (ou de votre chantier), les règles de dimensionnement et de ferraillage changent. Soyez prudents.
En quelques mots :
- Construction neuve standard ou extension : Vous pouvez demander au marchand de matériaux de dimensionner le linteau.
- Construction pierre ou atypique : Passage en BE (Bureau d’étude) obligatoire.
- Zone sismique : En dehors de la pierre, ou d’une ouverture dans un mur porteur, vous pouvez demander une étude simple au marchand de matériaux.
Qu’est-ce qu’un linteau béton et quand faut-il le couler ?
Le linteau est une poutre horizontale qui reprend les charges au-dessus d’une ouverture (porte, fenêtre, baie) et les reporte vers les jambages. On le coule en place lorsqu’on ne pose pas de linteau préfabriqué, qu’on doit s’adapter à une largeur atypique, ou qu’on souhaite intégrer le linteau dans un chaînage.
Ci-dessus : Exemple de calage d’un linteau coulé avec des « U » de coffrage en brique. Crédit photo : S.USTUN / Google Pixel 9 PRO.
Pour les murs porteurs, la précision d’exécution et le respect du ferraillage sont essentiels ; au-delà de 1,50–1,80 m d’ouverture ou en cas de plancher/combles au-dessus, faites valider par un pro (ingénieur ou maçon qualifié).
Lire mon dossier technique sur la définition d’un linteau.
Ma méthode personnelle pour réaliser un coffrage facile à régler
Comme vous le notez sur ma photo d’exemple ci dessus, pour coffrer simplement et régler finement le linteau j’utilise des chevrons (6×4), deux planches de coffrage (ou plus selon les cas) et des serre-joints.
Dans ce cas, j’utilise des blocs linteaux sismiques, mais je pourrai tout autant réaliser un coffrage complet : sous faces et joues (à l’aide de planches de coffrage).
Dans le cas d:un bloc linteau en « U », nul besoin de décoffrer puisque le bloc demeure en place après le coulage
Dimensionnement rapide (repères de bon sens)
Ces repères indicatifs aident à préparer le chantier (ils ne remplacent pas un calcul) :
- Hauteur du linteau : en pratique 1/10 à 1/12 de la portée, avec un minimum ~15–20 cm pour de petites ouvertures.
- Longueur : portée de l’ouverture + appuis (oreilles) avec un point d’appui suffisant hors ferraillage filant.
- Enrobage des aciers : ≥ 3 cm (4 cm en extérieur ou milieu agressif). En tout point !!!
- Dosage béton : ~350 kg de ciment/m³ (C25/30 domestique), consistance plastique.
Exemple purement indicatif pour une baie ~1,20 m dans un mur porteur courant : hauteur 20 cm, largeur = épaisseur du mur (ex. 20–25 cm), appui sur pilier ou chainage filant, cadres Ø6 tous les 15 cm, 2 barres en bas (HA10) + 2 en haut (HA8). À confirmer selon charges/matériaux.
Dans TOUS les cas, vous devez passer par un bureau d’étude s’il s’agit de murs en pierres ou d’une ouverture dans un mur porteur. S’il s’agit d’une construction traditionnelle en parpaing ou en brique, demandez simplement à votre négoce le plus proche (marchand de matériaux). Ce dernier connait parfaitement les dimensionnement les plus courants.
Linteau de faible largeur (fenêtres et portes)
Pour les faibles largeurs d’ouverture, un simple coffrage et une mise de niveau suffit très largement. Le prélinteau peut aider dans ce cas.
Pour rappel le linteau assure la descente de charge au droit des ouvertures. Plus l’ouverture est courte (en largeur) moins le linteau reprend les efforts. Cela n’empêche en rien de conserver les bons refle
Linteau de grande largeur (baies, portes de garages, etc)
Dans le cadre d’une ouverture de grande largeur, comme une porte de garage ou une baie vitrée, il faut veiller à poser des étais en soutien de la sous face du linteau. L’idéal étant de poser les étais préalablement sous un chevron épais qui reprendra la longueur du coffrage.
Matériel & matériaux
- Bois de coffrage (planches droites, contreplaqué coffrant), liteaux, vis/pointes, serre-joints.
- Étais + bastaings/chevêtres pour reprendre provisoirement le mur au-dessus.
- Acier : barres HA (Ø8–12) + étriers Ø6, ligatures, pince à ligaturer.
- Béton prêt à l’emploi ou gâché : ciment, sable 0/4, gravier 4/16, eau propre, adjuvant plastifiant (option).
- Vibreur (ou tige de vibration), truelle, règle, niveau laser, EPI (gants, lunettes, casque).
Étape 1 : Traçage, étaiement et préparation des appuis
Crédit photo : S.USTUN / Google Pixel 9 PRO / Zoom x1.
- Repérez précisément l’ouverture et la sous-face du futur linteau (laser/mètre).
- Étaiement : placez des étais et un chevêtre sous le linteau existant (ou sous les rangs de maçonnerie à reprendre) pour sécuriser les charges temporaires.
- Créez les appuis : ouvrez les réservations aux deux extrémités (profondeur du pilier creux), dépoussiérez et humidifiez légèrement la maçonnerie.
Étape 2 : Coffrage du linteau
Un coffrage rigide, léger et parfaitement de niveau garantit un linteau droit et facile à couler. Le sapin, les planches de coffrage, les plaques de CTBH sont vos amies ! La hauteur du linteau débitée dans ses différents formats c’est l’assurance d’aller vite, et bien. Ici, on demeure pragmatique et on évite d’aller chercher trop compliqué. Pensez planche de coffrage, ou planche de rive.
- Sous-face : fixez une planche ou un panneau coffrant à la bonne largeur (épaisseur du mur), soutenu par des étais réglés au niveau.
- Flancs : vissez les joues latérales. Serrez avec serre-joints et contrefiches pour éviter le ventre.
- Étanchéité : colmatez les joints (mousse/adhésif) pour éviter les fuites de laitance.
- Contrôles : vérifiez niveau, alignement, diagonales. Préparez des passe-barres ou entretoises pour respecter l’enrobage.
Astuce personnelle :
N’utilisez jamais une scie égoïne sur une planche de coffrage sur laquelle il reste de la laitance de béton. Vous allez endommager votre scie et le fil sera immédiatement détruit. Purgez la laitance avec un vieux ciseau à bois dont le fil est déjà élimé, avant de scier.
Étape 3 : Ferraillage (armatures)
Ci-dessus : Armature « type » pour le chainage d’un linteau béton. Reportez vous aux conseils de votre marchand de matériaux, en fonction de la descente de charge et de la sismicité de votre lieu d’habitation.
Le ferraillage travaille en traction et empêche la fissuration.
- Cadres/étriers : façonnez des cadres en Ø6 (tous les 10–20 cm selon la portée).
- Barres longitudinales :
- Bas : 2 à 3 barres (HA8–HA12 selon cas), continues sur la portée + appuis.
- Haut : 2 barres de reprise/anti-fissuration (souvent HA6–HA8).
- Recouvrements : si épissures, prévoyez 40 × Ø minimum.
- Enrobage : cale-armatures (PVC/béton) pour ≥ 3 cm tout autour.
- Ligatures : liez soigneusement (fil recuit) pour que rien ne bouge au coulage.
- Ancrages dans appuis : prolongez les barres dans les réservations des jambages.
Astuce : un ferraillage prêt-à-poser (cage de linteau) fait gagner du temps et limite les erreurs.
De la même manière que pour le dimensionnement, vous pouvez faire confiance à votre marchand de matériaux pour vous conseiller sur les chaînages. En outre (pour les plus curieux), je vous invite à lire mon article sur l’importance du diamètre des fers à béton.
Soyez particulièrement vigilants si vous êtes situé en zone sismique.
Consulter la page chainage de linteaux sur le site de Fimurex.
Étape 4 : Dosage et préparation du béton
Pour un linteau domestique, visez un béton dosé ~350 kg/m³ :
- À la bétonnière (approx.) : 1 sac 35 kg + 2 seaux de ciment supplémentaires ≈ 50 kg, 5 seaux de sable, 7 seaux de gravier, eau ajustée à la consistance.
- Consistance : plastique (affaissement moyen). Évitez un béton trop liquide qui décante et affaiblit la pièce.
- Adjuvant plastifiant : améliore l’ouvrabilité sans excès d’eau.
Consulter mon guide sur le dosage du béton.
Étape 5 : Coulage et vibration
- Humidifiez légèrement le coffrage et les appuis (sans flaques).
- Coulez en couches de 20–30 cm en répartissant le béton régulièrement.
- Vibration : utilisez un vibreur (ou tige) verticalement, brièvement, tous les 20–30 cm pour chasser l’air. Évitez de toucher les armatures.
- Nivelez à la règle, talochez la surface supérieure (si visible) avec une légère pente si en extérieur.
- Contrôlez coffrage et étais pendant le coulage (pas de fuite, pas de déformation).
Lire mon article sur la vibration du béton.
Étape 6 : Cure (séchage contrôlé) et décoffrage
Le béton gagne sa résistance avec le temps et l’humidité :
- Protection immédiate : couvrez d’une bâche humide ou appliquez un produit de cure pour éviter le dessèchement.
- Cure : maintenez humide 3–7 jours (surtout par temps chaud/vent).
- Décoffrage :
- Joues latérales : 24–48 h si T° > 15 °C et béton correctement pris.
- Sous-face/étais : au minimum 7 jours, idéalement 14 jours si charge possible.
- Résistance nominale : ~28 jours pour atteindre la classe de résistance prévue. Évitez toute charge lourde avant.
Finitions et reprise de maçonnerie
- Arasement : si le linteau porte un rang de maçonnerie, attendez 7 jours avant de remonter.
- Ponts thermiques : en façade, prévoyez un rupteur ou une isolation complémentaire autour du linteau.
- Étanchéité : soignez les raccords d’enduit, appuis de fenêtre, rejingots, bavettes.
Erreurs fréquentes à éviter
- Appuis trop courts (les « oreilles ») ou mal nettoyés.
- Coffrage qui “ventre” faute d’étais / contreventement suffisants.
- Béton trop liquide (excès d’eau) : résistance en chute libre et fissures.
- Manque d’enrobage : aciers visibles, corrosion, fissuration.
- Pas de vibration : nids de cailloux, vides internes.
- Décoffrage trop précoce : flèche, microfissures.
- Ferraillage improvisé : diamètres inadaptés, recouvrements insuffisants.
Sécurité & conformité
- Portez des EPI (gants, lunettes, masque anti-poussières, chaussures de sécurité).
- Étaiement obligatoire durant toute l’opération.
- Respectez les bonnes pratiques de la maçonnerie et, pour un mur porteur chargé (plancher/charpente), faites valider par un professionnel.
- En zone sismique, la continuité des chaînages et les détails d’armatures sont déterminants : consultez les règles locales en vigueur.
Alternatives au coulage en place
- Linteau préfabriqué béton (poutrelles/éléments industriels) : rapide, performant si correctement posé et calé. Lire mon article sur le prélinteau béton.
- Profilés métalliques (IPN/HEA) : solution structurelle à calculer, mise en œuvre par pro. Lire mon article sur les linteaux IPN.
- Blocs linteaux + remplissage béton : rapide, mais nécessite le même soin de ferraillage et de cure.
Checklist rapide (à imprimer)
- Ouverture étayée et appuis propres et PLANS ( au sens de planéité).
- Coffrage rigide, étanche, au niveau.
- Ferraillage ligaturé, enrobage ≥ 3 cm, recouvrements OK.
- Béton dosé ~350 kg/m³, pas trop d’eau, vibration soignée.
- Cure 3–7 j, décoffrage latéral 24–48 h, sous-face ≥ 7 j.
- Reprise de maçonnerie / finitions après 7 j minimum.
FAQ / Coulage d’un linteau béton
Q – Quelle est l’épaisseur d’un linteau béton ?
On retient souvent 15–20 cm minimum pour de petites portées, sinon environ H ≈ L/10 à L/12 (valeur indicative). Adaptez-la aux charges réelles.
Q – Quel dosage de béton utiliser ?
Un béton ~350 kg/m³ (classe C25/30) convient à la plupart des linteaux domestiques. La consistance doit être plastique, pas fluide.
Q – Faut-il vibrer le béton ?
Oui. La vibration chasse l’air, compacte et améliore la résistance. À défaut, utilisez une tige et tapez les joues du coffrage.
Q – Quand puis-je enlever les étais ?
Attendez au moins 7 jours (conditions douces). La résistance “norme” s’obtient à 28 jours ; évitez les charges précoces.
Q – Peut-on couler en hiver ?
En dessous de 5 °C, protégez du gel (bâches, additifs) ou reportez. Le gel ruine le béton.
Conclusion
Couler un linteau béton fiable repose sur trois piliers : coffrage rigoureux, ferraillage bien positionné et béton correctement dosé, vibré et curé. En respectant ces étapes (et en faisant valider les cas chargés ou les grandes portées), vous obtiendrez un linteau durable, sans fissures ni flèches, prêt à supporter portes et fenêtres en toute sécurité.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.