J’évoque très régulièrement les différents types de poses, que ce soit en carrelage ou en parquet. Il est donc tout naturel que j’aborde un sujet d’une grande singularité : La jonction entre carrelage et parquet.
Contrairement à beaucoup d’articles qui traitent du sujet sur un plan « inspiration » et « décoration », je vais aborder ce sujet sur un plan purement technique. En effet, sur ce point souvent éludé, il y a beaucoup de chose à dire et même, à interdire.
Alors attention où vous mettez les pieds, et découvrons ensemble ce dossier.
Jonction carrelage et parquet : Les grandes lignes
S’il est simplement question de goût et de déco, alors oui, la jonction entre carrelage et parquet peut se réaliser avec beaucoup de variations et de styles.
En revanche, s’il est question de technique : Attention où vous mettez les pieds !
Le parquet ne se comporte pas comme le carrelage et le mariage des deux matériaux peut parfois conduire au divorce. Le carrelage est un matériau inerte, le parquet est un matériau vivant.
Lorsqu’on souhaite créer un mélange ou une mixité de matériaux pour le confort, ou simplement pour le style, il ne faut pas perdre de vue ces deux points singuliers :
- Pose flottante ou pose collée : Cela va définir clairement les possibilités de jonctions « techniques ».
- Jonction entre deux matériaux d’épaisseurs différentes : Cela va nécessiter de bien réfléchir avant la pose, et d’adapter les supports.
Pour faire simple, la jonction entre carrelage et parquet ne doit pas être une question d’esthétique, mais une question de technique.
La pose flottante « interdit » généralement le mélange de ces deux matériaux, et la pose « collée en plein » nécessite une grande préparation des supports afin de ne pas avoir de différence de niveau.
Les jonctions mal traitées mènent le plus souvent à des défauts. Ces derniers vont du simple inconfort visuel ou de « toucher » (au pied par exemple), jusqu’à la nécessité de reprendre l’ensemble des sols pour raison d’un désordre évident de pose.
Mon conseil : Ne vous laissez pas guider uniquement par un choix esthétique.
Les seuils : Quid de la jonction entre carrelage et parquet ?
Les seuils marquent la limite d’un matériau et le commencement d’un autre.
Comme je le représente dans la photo ci-dessous, il y a nécessairement une jonction, tôt ou tard, bien souvent au droit des seuils de portes. Dans tous les cas, ce dernier doit être « traité », soit en recouvrement, soit en apport de matière.
Ci-dessus : Exemple d’utilisation d’un profilé en aluminium pour réaliser la jonction entre carrelage et parquet. Crédit photo : S.USTUN.
Les seuils peuvent être matérialisés de différentes façons, selon le style qu’on souhaite obtenir. Attention, qui dit seuil dit passage, par conséquent il convient de ne pas négliger la circulation des personnes, et le soin qu’on devra apporter au droit de ces jonctions.
Par conséquent, vous n’avez que deux possibilités qui s’offrent à vous :
- Recouvrir la jonction : C’est le cas lorsqu’on utilise une « barre de seuil ».
- Combler la jonction : C’est le cas lorsqu’on utilise un profilé ou un joint polymère.
Différents types de seuils :
- Joint creux : Joint sans surépaisseur, généralement en polymère, réalisable à la main.
- Barre de seuil standard : La « fameuse » barre de seuil en laiton ou en aluminium la plus courante. Ces dernières existent également en imitation bois.
- Seuil suisse : Un seuil dont les niveaux sont déportés, pour épouser les différences d’épaisseurs des matériaux à leurs jonctions.
- Profilé en aluminium : Profilé qui se pose sous les deux matériaux (voir ma photo ci-dessus) et permet une finition « affleurante ».
Plusieurs exemples de barres de seuils sur le site Leroy Merlin.
Les jonctions « affleurantes » sont généralement les plus harmonieuses au regard et au touché (sensation au pied lors du passage) mais également les plus difficiles à obtenir en pratique.
Enfin, et ne l’oubliez pas, qui dit « seuil » dit nid à poussière. Les joints affleurants sont donc plus « sains » que les jonctions de recouvrement, comme les barres de seuils par exemple.
Fondamental : Le joint entre le carrelage et le parquet
Revenons aux fondamentaux. Que nous le voulions ou non, il existe nécessairement un joint entre les deux matériaux différents que sont le parquet et le carrelage.
La question est donc simple : Comment traiter ce joint ?
Ci-dessus : Exemple d’une composition originale, judicieux mélange de carrelage et de parquet. Le profilé de jonction est réalisé sur mesure. Les sols sont collés en plein. Crédit photo : S.USTUN.
Un « joint » ne se traite pas de mille façons différentes dans nos cas de figures. Soit les matériaux sont collés en plein, à la fois le carrelage mais également le parquet et la réalisation d’un joint creux devient alors possible.
Soit un des deux matériaux est flottant (le parquet évidemment) et dans ce cas, la barre de seuil s’impose.
Autrement dit : On ne peut pas traiter un joint affleurant si un des deux matériaux est flottant.
Sur mon exemple ci-dessus, on constate parfaitement (même de visu) la différence d’épaisseur entre les deux matériaux (carrelage et parquet) qui n’est pas du meilleur effet : C’est un problème récurrent.
Il existe donc deux méthodes viables, et parfaitement maîtrisées :
- Le joint creux, qui sera nécessairement comblé avec un matériaux quelconque (silicone, mortier, élastomère ou même une baguette en alu).
- La barre de seuil, qui viendra « recouvrir » la jonction entre les deux matériaux.
Dans tous les cas, le mélange « carrelage et parquet » n’est jamais une simple affaire, et leurs jonctions sont toujours un point singulier.
Le bord à bord : Oui si parfaitement réalisé
La méthode de jonction la plus noble demeure sans aucun doute le « bord à bord ». Autrement dit, les deux matériaux s’épousent parfaitement, le joint est presque totalement invisible, et les affleurements sont respectés.
Ci-dessus : Très bel exemple d’une parfaite jonction carrelage / parquet sans utilisation d’une barre de seuil, lors d’une de mes visites de chantier. Crédit photo : S.USTUN.
Une jonction « bord à bord » n’est réalisable que dans un unique cas : La pose collé en plein (pour le parquet).
Dans tous les autres cas, une pose « bord à bord » n’est absolument pas permise. Autrement dit, en cas de jonction entre un carrelage (collé par nature) et un parquet flottant ne sera tout bonnement pas possible.
En outre, mais cela parait évident, les deux matériaux doivent nécessairement être au même niveau.
Rappel : Il est impossible de réaliser une jonction « bord à bord » avec un parquet flottant. Le joint ne pouvant pas être garanti « par nature », du fait de la technique de pose.
Les problèmes d’épaisseurs
Cela ne vous aura pas échappé, les épaisseurs des parquets sont rarement identiques aux épaisseurs des carrelages. D’autant qu’il faut nécessairement intégrer la notion d’encollage, qu’il soit en simple ou en double encollage.
Cette notion d’épaisseur doit être appréhendée AVANT la pose (lire mon article en lien ci-dessous). Un mauvais calcul de l’épaisseur de l’encollage peut conduire à une reprise totale de l’ensemble des sols.
Lire mon article sur le double encollage du carrelage.
Il faut impérativement garder les bons reflexes.
Un carrelage nécessite une épaisseur minimale de colle, très largement plus importante que l’épaisseur d’une colle pour parquet. Vous devez calculer l’épaisseur propre du carrelage, et ajouter l’épaisseur d’un peigne de colle règlementaire pour un simple encollage, et deux peignes pour un double encollage.
Je rappelle que le double encollage n’est en rien obligatoire (lire mon article en lien plus haut) mais fortement conseillé dans bien des cas. Dès lors, si vous oubliez ce cumul de matière, vous ne pourrez jamais obtenir une harmonie de niveau à la jonction du carrelage et du parquet.
Cela peut se traduire en un effet de « bec » au droit des jonctions.
Sol de cuisine : Carrelage et parquet ?
J’ai évidement pris en exemple le cas le plus complexe que j’ai rencontré (photo ci-dessous). Mais croyez en mon expérience, je n’ai jamais vu de cas de figure où la jonction carrelage et parquet faisait bon ménage.
Ci-dessus : Vous pouvez constater le défaut de jonction entre le carrelage et le parquet au droit de la cuisine. C’est assez « flagrant », et autant dire qu’il est impossible de reprendre la pose sans démolir le carrelage. Crédit photo : S.USTUN.
Ce cas de figure se traduit généralement par une réclamation (passage de l’expert), ou une insatisfaction à plus ou moins court terme.
La cause du problème est simple :
- Les deux matériaux n’ont pas la même épaisseur initiale.
- Les deux matériaux ne sont pas collés de la même manière.
- Les deux matériaux ne « travaillent » pas de façon identique, et n’ont pas le même niveau d’usure admissible.
Lorsqu’il s’agit d’une pièce peu empruntée (salle de bain), ce n’est pas très grave. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une pièce à fort passage cela devient litigieux.
La cuisine en est le plus bel exemple.
Un sol de cuisine est sans nul doute le sol qui est le plus soumis à la fois au passage, mais également aux sollicitations d’usures.
Vouloir du carrelage dans une cuisine c’est UNE EVIDENCE. Vouloir du parquet dans son salon, c’est du confort ultime. Mais vouloir les deux, c’est simplement prendre un risque.
Principales déconvenues :
- Mauvaise gestion des épaisseurs conduisant à un désaffleurement entre le carrelage et le parquet.
- Présence d’une barre de seuil disgracieuse venant « casser » la recherche de style initialement recherchée.
- Déplacement (à terme) du parquet flottant soit en butée, soit en retrait de la jonction.
Je vous propose de simplement visualiser le détail « zoomé » de mon exemple ci-dessus, et vous conviendrez que la pose est à reprendre. Le désaffleurement est proprement inacceptable en l’état, et les « manques » sont grossiers.
L’œuf ou la poule ? Qui démarre le premier ?
Si tout ce que je viens d’exposer dans cet article est parfaitement appréhendé, il demeure une question fondamentale pour éviter de devoir tout reprendre : Doit-on poser le carrelage en premier, ou le parquet ?
Ci-dessus : Exemple de pose à joint polymère. J’ai fait un « zoom » sur la photo pour que vous puissiez distinguer le joint noir qui fait la jonction entre le parquet (contrecollé) et le carrelage aspect marbre. C’est une salle de bain parentale. Crédit photo : S.USTUN.
Et bien cette question est effectivement une question existentielle. Je n’ai d’ailleurs aucune réponse claire mais simplement des constats que j’ai pu récolter lors de mes visites de chantiers.
Au risque de me répéter, le mélange de parquet et de carrelage dans une même pièce pose systématiquement des problèmes. Le cas que j’expose dans cet article (mélange de parquet et de carrelage dans une cuisine) ne déroge pas à la règle.
En l’occurrence, le carrelage était posé AVANT le parquet, et ce dernier n’a jamais pu se « marier » correctement au droit des jonctions.
Par conséquent, je dirai qu’il faut préalablement poser le matériaux le plus conséquent en terme « m2 », APRES avoir bien calculé les épaisseurs, et finir par le matériaux le moins présent.
Le « moins disant » doit s’adapter au « plus disant ». Attention, ce n’est pas une règle absolue, mais rappelez vous d’une chose : On peut tricher avec le carrelage, mais pas avec le parquet.
Les différents types de parquets et de poses
Ci-dessus : Chantier refusé lors d’une de mes visites. La pose est certes soignée et la jonction entre le parquet et la mosaïque est du plus bel effet. En revanche, le poseur ne peut garantir la pose car le parquet est théoriquement flottant. Crédit photo : S.USTUN.
Une réalisation harmonieuse de la jonction carrelage / parquet sera facilitée par le type de parquet évidemment, mais également par son procédé de pose. Dans ce domaine, il existe une multitude de variantes qu’il faudrait un dossier de plusieurs dizaines de pages pour tout répertorier.
Je vais m’en tenir aux exemples les plus courants, ceux que je constate chaque jour sur mes dossiers. Commençons par les types de parquets :
- Parquet stratifié en pose flottante : Seuil obligatoire, impossible de créer une jonction autrement.
- Parquet massif ou contrecollé : Possibilité de faire une jonction en cas de pose « collée en plein ».
- Pose en quinconce : Aucun traitement particulier.
- Pose à bâton rompu : Voir mon exemple plus haut, je le déconseille très fortement.
- Pose en point de Hongrie : N’y songez même pas !
- Pose en chevrons : N’y songez pas non plus !
Vous l’aurez saisi, c’est toujours le parquet qui pose problème, et rarement le carrelage. Il est toujours possible de « tricher » avec le carrelage, soit en terme de joints, soit en terme d’encollage. En revanche, il est strictement impossible de tricher avec le parquet.
Plus les types de poses sont complexes (pose en chevrons ou point de Hongrie), plus les jonctions seront difficiles à gérer, ou tout bonnement impossibles à mettre en œuvre.
Il faudra faire un choix entre volonté de style décoratif, et faisabilité technique. Si vous minimisez la faisabilité technique, vous vous dirigez vers un clash évident.
Le carrelage imitation parquet
Si vous optez pour un parquet pour une raison de confort, alors la question des matériaux ne se pose évidemment pas. La chaleur d’un parquet n’a nul autre égal.
En revanche, si votre choix est d’ordre esthétique, il est légitime de se demander s’il ne serait pas plus simple d’opter pour un carrelage imitation parquet. Car oui, dans ce cas, cela résout absolument tous les problèmes évoqués plus haut.
Les jonctions entre différents types de carrelages ne posent strictement aucun problème particulier ! C’est même un art parfaitement maîtrisé des carreleurs qui adorent « composer » dans différents styles.
Autrement dit : Le carrelage imitation parquet demeure la meilleure solution en terme de mélange, d’inspiration ou de déco.
Conclusion
Pour conclure cet article je tiens à préciser qu’en théorie, tout est possible. Le bâtiment n’est pas nécessairement totalement rigide aux aspirations des uns et des autres en terme de « goûts et de couleurs ». En revanche, les sols sont effectivement un support qui peut se prêter aux mélanges et aux mariages de styles, mais c’est avant tout un support de passage, et de vie.
Ne négligez pas les contraintes techniques, et sachez « composer » avec les matériaux, vous éviterez les déboires.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.











Bonjour, mon maçon a réalisé une jolie jonction entre de la tomette ancienne et un parquet point de Hongrie. Dommage que je ne puisse pas rajouter de photos