Qu’est-ce que le hors d’eau ? Dossier technique et dogmatique.
Le hors d’eau peut être envisagé dans son sens juridique, plus particulièrement en ce qui concerne la construction de maison individuelle (CMI) ou autres bâtiments, ou bien dans son sens technique. Dans ce dernier cas, vous risquez fort d’être étonné par mon analyse, dont la pertinence se base sur le bon sens.
Qu’est ce que le hors d’eau au sens commun ?
Comme son nom l’indique, le « hors d’eau » signifie que la construction (maison ou tout autre bâtiment) est protégé de la pluie.
Depuis 2020, le « Hors d’eau » n’est plus dissociable du « Hors d’air » en matière de contrat de construction (CCMI). C’est une des dispositions de la loi ELAN.
Qu’est ce que le hors d’eau au sens technique ?
Définition technique du “hors d’eau” : Le gros œuvre.
Ci-dessus : Exemple d’une maison livrée au stade du « Hors d’eau » par le constructeur. Crédit photo : S.USTUN / Google Pixel 9 PRO.
Techniquement, un bâtiment est considéré comme “hors d’eau” lorsque :
- La toiture est achevée, y compris les éléments d’étanchéité (tuiles, ardoises, zinc, étanchéité bitumineuse ou membrane synthétique selon le type de toit).
- Les travaux de couverture sont terminés, y compris la pose des gouttières et évacuations des eaux pluviales.
- Les murs porteurs, planchers intermédiaires, pignons et dalles sont réalisés (évidemment).
À cette étape :
- Le bâtiment est fermé par le haut mais pas encore par les ouvertures (portes, fenêtres).
- On n’aborde pas encore les travaux d’intérieur (cloisons, plomberie, électricité, isolation).
C’est une des deux étapes fondamentales du clos et couvert, avec le hors d’air (pose des menuiseries extérieures). Voir ma photo ci-dessus.
Nous sommes donc dans le gros oeuvre.
Si le législateur considère que le hors d’eau se constitue à la seule pose de la couverture, ce que nous allons voir plus bas, c’est une erreur d’appréciation technique à mon sens (NdlR).
La notion de « Hors d’eau » dans les contrats de constructions de maisons individuelles (CCMI)
Le terme “hors d’eau” désigne l’avancement d’un chantier de construction, correspondant à la fin du gros œuvre et à la mise en place de la couverture étanche du bâtiment.
Cela signifie que le bâtiment bénéficie d’une protection contre les intempéries (pluie, neige, etc.) mais n’est pas encore habitable.
Aspect juridique :
Dans un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) ou dans un marché de travaux, le “hors d’eau” est généralement une étape contractuelle, qui permet de :
- Facturer une partie du chantier (souvent 40% à 60% du montant total selon le calendrier de paiement),
- Déclencher certaines garanties, notamment l’assurance dommages-ouvrage et la garantie décennale sur les ouvrages de gros œuvre.
Lire mon article sur le CCMI.
Le corps d’enduit sur une maison de maçon
D’un point de vue purement technique (et parfois contre intuitif), une construction n’est pas étanche seulement par la réalisation de son appareillage (agglos, briques, siporex, etc) mais uniquement à l’achèvement de son corps d’enduit : Les façades.
Dans cette acceptation, nous pouvons donc clairement affirmer que tant que les enduits de façades ne sont pas réalisés, une maison n’est pas « Hors d’eau ». A contrario, cette affirmation va donc clairement à l’encontre de la définition du terme prise dans son cadre légal pour une construction neuve. De fait, l’étape juridique du « hors d’eau » ne tient pas compte des corps d’enduits, mais uniquement de la couverture.
Par conséquent, le législateur n’est pas allé jusqu’au bout du raisonnement dans ce texte. Contrairement aux innombrables affirmations sur la plupart des sites internet :
Non, nous ne pouvons pas considérer une maison comme « étanche » avant la réalisation des enduits de façades. C’est mon point de vue dogmatique (S.USTUN).
Le pare pluie fait il « hors d’eau » ?
Même si je considère que le pare-pluie pour toiture participe passivement à constituer le hors d’eau, je ne considère pas pour autant que ce dernier suffise à lui seul à définir cette étape. Le pare-pluie n’étant pas pérenne s’il est laissé nu, et il ne permet pas de garantir la solidité de l’ouvrage tel que le permet la couverture.
Il paraît donc invraisemblable qu’un constructeur fasse un appel de fond au stade de la pose d’un écran sous toiture. Si tel est le cas, alors ce dernier est clairement en infraction du contrat qui le lie à son client. Le pare pluie demeure une étape »intermédiaire » et ne constitue pas l’ouvrage.
Lire mon article sur le pare pluie en toiture.
Pour les toitures terrasses ?
En ce qui concerne les toitures terrasses, on ne peut considérer le « hors d’eau » qu’après la pose de l’étanchéité définitive. Autrement dit, le seul coulage du béton sur un toit terrasse en dalle préfabriquée, ou la pose de l’OSB sur un platelage bois, ne sont pas constitutifs d’une mise hors d’eau. Cela concerne les toitures terrasses accessibles et non accessibles.
Il faudra impérativement veiller à réaliser une étanchéité :
- Étanchéité bitumineuse.
- EPDM.
- Étanchéité liquide à rouler.
- Toutes finitions nécessaires (solins, surverses, traversées, etc.)
Aspect réglementaire et normatif
Normes techniques :
- Les travaux doivent respecter les DTU (Documents Techniques Unifiés), notamment les DTU liés à la couverture (ex. : DTU 40.21 pour les couvertures en tuiles).
- Les matériaux utilisés doivent être conformes aux normes françaises et européennes (marquage CE, certification NF).
- L’étanchéité doit répondre à des critères de résistance mécanique, durabilité et performance thermique.
Assurance et garanties
- Garantie décennale : couvre les désordres liés à la solidité du bâtiment, y compris les problèmes d’étanchéité du toit.
- Dommages-ouvrage : prend en charge les réparations en cas de sinistre avant que la responsabilité de l’entreprise ne soit établie.
- Le “hors d’eau” est aussi un jalon pour déclarer l’avancement du chantier à l’assureur.
Pourquoi cette étape est-elle importante ?
- Elle marque le début de la protection du bâtiment contre les infiltrations d’eau, permettant d’envisager les travaux intérieurs sans risque de détérioration.
- Elle représente une valeur ajoutée importante dans la progression financière du chantier.
- Elle sert de jalon contractuel pour les maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et constructeurs.
Conclusion
Le “hors d’eau” est bien plus qu’une simple étape physique sur le chantier : c’est un repère technique, juridique et réglementaire dans l’avancement d’un projet de construction. Il signifie que la structure est étanche aux intempéries et pose les bases pour les prochaines phases (hors d’air, second œuvre). Sa réalisation doit être conforme aux normes en vigueur et encadrée par les contrats et les garanties légales.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.
Crédit photo de couverture : S.USTUN.