Le tout électrique semble prendre du terrain pour les véhicules particuliers, même si la croissance demeure timide. En revanche, côté artisanat, c’est un flop retentissant.
Le coût ? L’autonomie ? L’offre trop restreinte ? Ou tout ça à la fois ?
Dans le petit monde des artisans du bâtiment une chose est certaine : L’électrique, c’est pas pour demain.
Flop de l’électrique : Les artisans boudent !
L’essor plus que timide des utilitaires électriques auprès des entreprises artisanales est affligeant. Quelles sont les causes de cet échec à peine dissimulé ?
Car soyons tout à fait honnêtes, les artisans sont des gens pragmatiques et souvent débordés. Cette nouvelle technologie naissante en France semble bien cocher toutes les cases « inconvénients », et peu de cases « avantages ».
En d’autres termes, l’offre est peu convaincante et mal ciblée.
Alors que la transition énergétique est devenue un enjeu central pour les entreprises et que les pouvoirs publics incitent à l’adoption de solutions de mobilité plus écologiques, les artisans semblent encore réticents à adopter des utilitaires électriques.
Ce phénomène s’explique par un ensemble de facteurs, tant économiques que techniques, qui freinent la progression de ces véhicules auprès des petites entreprises artisanales.
Un marché prometteur sur le papier
Le développement des utilitaires électriques apparaît comme une réponse aux défis environnementaux et aux contraintes réglementaires.
Les zones à faibles émissions (ZFE) imposées dans plusieurs grandes agglomérations, notamment en France, renforcent la pression sur les professionnels pour moderniser leur flotte avec des véhicules propres.
De plus, les subventions et aides gouvernementales visent à encourager l’acquisition d’utilitaires électriques, rendant ces derniers plus attractifs en termes de coût d’achat.
A grand renfort de primes, rien ne semble pourtant actionner le levier d’une quelconque décision d’achat.
Par ailleurs, les véhicules électriques offrent plusieurs avantages : réduction des coûts de carburant, entretien simplifié (moins de pièces mécaniques en mouvement), et contribution à l’image d’entreprise responsable.
Je ne reviendrai pas sur les actions de type RSE qui semblent aujourd’hui plus importantes que les chantiers eux-mêmes.
Pourtant, malgré ces avantages apparents, les artisans ne se ruent pas sur ces véhicules.
- Autonomie encore trop faible pour les utilitaires électriques (hors petites citadines).
- Pas ou peu de bornes de recharges pour les employés lorsqu’ils ne déposent pas leur utilitaires aux ateliers.
- Impossibilité de recharge lorsqu’on est sur un chantier (alors que c’est là que pourrait se faire la transition).
- Coût encore trop important à l’achat même avec l’aide des primes.
Des contraintes économiques majeures
L’un des principaux freins à l’adoption des utilitaires électriques est le coût initial d’acquisition.
Même avec les aides, le prix d’achat de ces véhicules reste nettement supérieur à celui des utilitaires thermiques classiques. Du moins à équipement et performances équivalentes.
Pour une petite entreprise artisanale, souvent soumise à une gestion de trésorerie serrée, un tel investissement peut représenter un risque financier considérable.
N’oublions pas également que le marché de l’occasion sur ce segment est inexistant, ou au mieux, anecdotique.
De plus, le coût total de possession (TCO) des véhicules électriques, bien que potentiellement avantageux sur le long terme, reste difficile à évaluer pour les artisans.
L’incertitude autour de la durée de vie des batteries, la valeur de revente ou encore l’évolution des coûts énergétiques ajoutent des variables supplémentaires qui compliquent la décision d’achat.
L’autonomie : Un véritable frein pratique
Au-delà de l’aspect économique, l’autonomie limitée des utilitaires électriques pose un problème technique majeur.
Les artisans, qu’ils soient plombiers, électriciens, menuisiers ou encore peintres, ont souvent besoin de couvrir de longues distances au cours de leur journée de travail, surtout en zone rurale ou périurbaine.
L’autonomie des utilitaires électriques, souvent inférieure à 400 km, ne répond pas toujours à ces exigences, surtout lorsque le véhicule est chargé avec du matériel ou dans des conditions climatiques difficiles.
En outre, le manque d’infrastructures de recharge, notamment en milieu rural ou sur les chantiers, amplifie l’inquiétude liée à l’autonomie.
Les temps de recharge, encore relativement longs par rapport à un plein de carburant traditionnel, constituent également un frein à l’adoption pour des artisans qui ont des emplois du temps serrés et peu de flexibilité.
De plus, bien souvent les intervenants rentrent chez eux avec leur utilitaires en fin de journée plutôt que de retourner aux ateliers. Ce pose alors la question des bornes de recharges à leur domicile, inexistante pour la plupart des employés.
La question de la polyvalence
Les artisans attendent de leur utilitaire une grande polyvalence, que ce soit en termes de capacité de chargement, d’accès à certains chantiers ou de conditions d’utilisation.
Or, les modèles électriques actuels sont souvent perçus comme moins adaptés à ces besoins.
La charge utile de certains véhicules électriques est limitée par le poids des batteries, et certains artisans expriment des doutes quant à la capacité de ces véhicules à fonctionner efficacement dans des conditions exigeantes (parcours accidentés, forte charge, températures extrêmes, etc.).
Trop d’incertitudes, trop de freins.
Le flou des chiffres de ventes
Les chiffres ne reflètent pas la réalité et ce pour une raison simple. Les véhicules utilitaires ne sont pas nécessairement des Kangoos ou des Trafics comme on est amené à l’imaginer.
Un métreur en bâtiment qui se déplace sur un chantier en après sinistre conduit techniquement un véhicule utilitaire. En effet, même si ce dernier est un Peugeot e-2008, soit une petite voiture de société, sur le plan des immatriculations cette voiture est un utilitaire.
Par conséquent, on ne peut en aucun cas se baser sur le nombre d’immatriculations des véhicules utilitaires électriques en volume, mais seulement au cas par cas.
Tout comme l’ID Buzz de Volkswagen qui peut clairement être un utilitaire, ou une simple familiale. Et soyez certains d’une chose, la marque allemande reste très « diffuse » sur les chiffres.
En d’autres termes, les chiffres ne sont pas cohérents. Il y a des dizaines de milliers de véhicules utilitaires en France qui n’en sont pas, au sens artisanal du terme.
Ce sont simplement des véhicules de sociétés.
Le Cargo ID Buzz de Volkswagen ne fait pas le buzz
Ayant sillonné toute la région PACA de long en large et de chantiers en chantiers, j’ai croisé un unique artisan équipé d’un Volkswagen ID Buzz.
Je vous le donne en mille, il était électricien. Ce petit clin d’œil amusant réalisé, fin de l’histoire, je ne croiserai plus jamais de modèle de ce type. Le modèle d’utilitaire électrique de la marque Allemande est de toute beauté, mais cela ne suffit visiblement pas à générer des ventes.
D’ailleurs, après de longues heures de recherche, je ne parviendrai pas à mettre la main sur les chiffres de ventes.
- Coût d’un ID Buzz Volkswagen : A partir de 47 200 euros HT.
- Autonomie : 448 kms.
- Nombre d’immatriculations en 2023 : Non communiqué.
- Lien vers le site du constructeur.
Le Renault Trafic : Un utilitaire électrique à la traîne
Plus encore que pour l’ID Buzz de Volkswagen, je n’ai littéralement vu aucun artisan au volant de l’emblématique Renault trafic.
Ce dernier, pourtant particulièrement plébiscité des artisans dans sa version thermique, ressemble à une chimère dans sa version électrique.
Il est proprement inexistant sur le parc artisanal.
- Coût d’un Renault Trafic électrique : A partir de 40 500 euros HT.
- Autonomie : 294 Kms.
- 690 immatriculations en 2023.
- Lien vers le site du constructeur.
Un avenir encore incertain pour l’utilitaire électrique
Bien que l’offre en utilitaire électrique se diversifie progressivement et que les innovations technologiques continuent d’améliorer les performances de ces véhicules, l’adoption par les entreprises artisanales reste encore marginale. Très marginale même.
L’utilitaire électrique demeure pour l’instant une douce utopie !
Les réticences sont profondes, nourries par des préoccupations concrètes qui ne trouvent pas encore de solutions pleinement satisfaisantes.
Pour que l’essor des utilitaires électriques devienne une réalité dans le secteur artisanal, plusieurs leviers devront être actionnés : des incitations financières renforcées, des progrès technologiques pour augmenter l’autonomie et réduire les coûts des batteries, ainsi que le développement d’un réseau de recharge rapide et accessible, notamment sur les chantiers et en dehors des grandes métropoles.
En attendant, les artisans privilégient encore largement les utilitaires thermiques, jugés plus fiables, plus polyvalents, et offrant une flexibilité d’utilisation en accord avec les exigences de leur métier.
Si la transition vers l’électrique semble inévitable, elle prendra sans doute plus de temps que prévu pour les entreprises artisanales, tant que ces freins ne seront pas levés.
Crédit photo de couverture : Autonews.fr
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.