Le retrait gonflement des argiles est un véritable sujet, et ce dernier échappe parfois au raisonnement le plus simple. Dans ce cas d’école, dont je reprends la responsabilité, je vous livre un déni de prise en charge par l’expert de compagnie, bien que le cas soit avéré.
Je vous propose un dossier en deux temps :
- L’étude du bureau technique.
- Mes conclusions suite à la reconnaissance sur site.
- Le retour de l’assureur.
Cet article est soumis à comité de lecture, et j’invite les experts en bâtiment à proposer leurs commentaires, qui seront consolidés puis publiés en bas de ce même article.
Le cas de figure exposé
Crédit photo : S.USTUN.
Dans ce dossier, j’agi en tant qu’expert d’assuré pour le compte d’une cliente dont le sinistre avéré concerne de déchaussement manifeste de son auvent tuilé. Ce dernier supporte de la tuile romane, est soutenu par des pannes en bois massif et un chevronnage traditionnel. Il dispose de deux écoinçons et couvre une petite terrasse de 18 M2.
Depuis quelques années, le auvent « déverse » vers l’entrée. A tel point, qu’aujourd’hui il menace de s’effondrer.
- Auvent en fort devers (voir ma photo ci-dessus).
- Cisaillement de la daille (fissurations structurelle).
- Désempochement des éléments de charpente.
- Faux aplomb dangereux au droit des piliers porteurs de panne (reprenant l’ensemble de la descente de charge).
Fissuration de la dalle
Crédit photo : S.USTUN
Crédit photo : S.USTUN
Faux aplomb des piliers porteurs
Crédit photo : S.USTUN
Désenpochement des éléments de charpente
Les demis-entraits sont en état limite, avec un désempochement de 4 centimètres sur leurs points d’appuis originels. La structure « se porte » d’elle-même, avec un fort risque de basculement ne tenant qu’à un centimètre de point d’appui subsistant. Le faux aplomb peut emporter la structure par un effort exercé axialement, à défaut de s’exercer en simple descente de charge.
Localisation et analyse du risque
La maison de l’assurée est en zone de risque faible quant au retrait gonflement des argiles. Cependant un arrêté municipal est bel et bien paru sur la reconnaissance de catastrophe naturelle sécheresse sur la commune. Le risque est donc couvert en théorie. De surcroît, le voisin immédiat de la cliente est reconnu et indemnisé pour une RSO (reprise en sous œuvre) suite à un désordre constaté de RGA.
Il devrait, par conséquent, ne subsister aucun doute sur l’origine du sinistre, sans nécessité d’en apporter la preuve. Malheureusement, l’expert de compagnie refuse la prise en charge. Certes, sur la carte de risque la zone est située en risque faible. Cependant, elle est limitrophe à une zone qui elle est en risque important de RGA. Peut-on sérieusement baser son raisonnement sur une limite géographique de quelques centaines de mètres seulement ?
Ces cartes, telles que la BRGM, sont de précieux outils, mais ils ne doivent pas faire office de valeur absolue.
Accéder au portail des cartes BRGM.
Qu’est-ce que le retrait gonflement des argiles (RGA) ?
Le retrait gonflement des argiles est un phénomène géotechnique qui se produit lorsque certains sols riches en minéraux argileux, changent de volume en fonction de leur teneur en eau.
Lorsque ces sols absorbent l’eau, ils gonflent et augmentent de volume. A l’inverse, lorsqu’ils se dessèchent, ils se contractent et provoquent un retrait. Ce mécanisme, apparemment simple, peut entraîner des conséquences importantes sur les bâtiments et les infrastructures, car il génère des mouvements du sol irréguliers, verticaux ou différentiels, qui provoquent fissures, affaissements ou déformations.
Le climat joue un rôle déterminant : Les alternances de sécheresse et d’humidité accentuent les variations de volume. De même, les interventions humaines comme les fuites d’eau, l’irrigation ou l’arasement de végétation modifient localement l’équilibre hydrique du sol.
Plus la teneur en argile est élevée et plus la capacité de gonflement est forte. La plasticité, la compacité et la profondeur de la couche argileuse influencent également le comportement du sol. Pour évaluer le risque, on réalise des sondages et des essais en laboratoire. En zone sensible, la construction nécessite des précautions :
- Fondations profondes ancrées dans un sol stable,
- drainage pour contrôler l’eau,
- trottoirs périphériques rigides,
- gestion de la végétation et des plantations.
On peut aussi utiliser des matériaux de substitution ou des fondations spéciales comme les micropieux ou les pieux vissés.
En France, le retrait gonflement des argiles n’est pas l’une des principales causes de sinistres sur les maisons individuelles, mais c’est la plus coûteuse au coude à coude avec les incendies.
Une étude de sol « incomplète »
L’étude de sol G0 diligentée par l’expert est réalisée. Cette dernière atteste la présence d’argile de 0.4 à 1.40 mètre au dessous du terrain naturel. L’argile (marron grisâtre) est donc bien présente au droit des fondations.
Le sondage est effectué en 3 points, mais la vérification du dimensionnement des fondations n’est pas effectuée. Autrement dit, il demeure impossible de justifier d’une insuffisance de fondations, comme le met en avant l’expert.
La zone de sondage est éloignée de plus de 2.80 mètres des fondations du auvent (voir ma photo ci-dessus). Autrement dit, il est parfaitement impossible pour le bureau d’étude comme pour l’expert de définir d’une éventuelle insuffisance de fondation. Pour définir la suffisance ou l’insuffisance de fondation, il faut sonder au droit de ces dernières. Tout autre raisonnement est empirique, et faussé.
De ce simple fait, nous pouvons considérer que l’étude n’est pas conforme à la demande et ne représente en rien un état des lieux permettant de statuer sur la qualité des fondations existantes pour le auvent.
Un rapport d’expertise sans fond et sans épaisseur
Le rapport d’expertise se base sur le rapport du bureau d’étude, incomplet comme nous l’avons vu précédemment. En outre, l’expert nommé au dossier n’est pas à proprement parlé un homme (ou une femme) de l’art. Les notions de mécanique des matériaux, de dimensionnement, d’usage régional, lui sont absents.
Il paraît donc évident que le rapport d’expertise est biaisé par deux vecteurs :
- Incomplétude du rapport du BE.
- Manque de connaissances en gros œuvre de l’expert.
Le rapport et les conclusions de l’expert nommé par la compagnie d’assurance (Generali dans ce cas) sont donc purement empiriques, et faussés par des biais de réflexion. Malheureusement pour le client final, ce rapport vaut conclusion définitive.
Dans ce cadre, il est réellement pertinent de faire appel à un expert d’assuré car le premier constat est sans épaisseur ni fondement.
La réalité appuyée par le voisinage proche
Lorsqu’il est question de « Cat Nat » (Catastrophe naturelle) et plus particulièrement en matière de RGA (Retrait Gonflement des Argiles), l’usage est clair et sans ambiguïté : Si un voisin proche est reconnu en sinistre RGA, alors l’ensemble du voisinage est supposé être couvert sur ce risque sans qu’il ne soit nécessaire d’apporter la preuve de la cause du sinistre.
C’est du bon sens !
Autrement dit, si le voisin est sous sinistre RGA, il est évident que son voisinage proche l’est également !
Le risque d’effondrement est manifeste
Le risque d’accident étant manifeste, il apparaît assez étrange qu’aucune mesure provisoire ne soit diligentée par l’expert. Pour la rédaction, c’est une faute professionnelle.
Au delà de la notion d’indemnisation, notre rôle, fondé sur des éléments communément admis de déontologie, est de protéger du « sur accident ».
Dans ce cas précis, l’expert doit imposer une mesure provisoire, en renforcement de la structure sous quelque forme que ce soit. Des étais, des ancrages, un jambage. Ceci n’est évidemment pas proposé alors même que le risque apparaît clairement sur le rapport d’expertise.
Une solution de reprise en sous oeuvre doit être prise en charge et exécutée afin de consolider le auvent et renforcer les fondations des piliers porteurs.
Lire mon article sur la reprise en sous oeuvre.
Le rôle de l’expert d’assuré
Lorsque votre dossier est rejeté et que l’assureur refuse une prise en charge, que ce soit pour un sinistre de type RGA ou tout autre cas de figure, vous devez faire appel à un expert d’assuré. Ce dernier est formé pour défendre vos intérêts et relever les points que l’expert de compagnie aura minimisé.
Ce cas de figure évoque parfaitement les lacunes que certains dossiers laissent apparaître en expertise unilatérale. Deux avis valent toujours mieux qu’un. Nous mettrons à jour cet article lorsque l’assureur nous aura répondu, en attendant je vous invite à lire mon article sur l’importance de faire appel à un expert d’assuré.
Lire mon article sur l’expert d’assuré.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.








