Reprise en sous oeuvre: Définition, techniques et usages
La reprise en sous œuvre est un domaine trop large et trop riche en informations techniques pour me contenter d’écrire un article.
J’ouvre par conséquent un dossier complet sur la RSO. Les techniques de reprise en sous œuvre deviennent un pan unique du bâtiment tant les sinistres s’accumulent.
Ces dernières années le retrait gonflement des argiles (RGA) est la principale cause de la montée en puissance de la RSO (Reprise en sous oeuvre).
Quelques entreprises seulement exploitent cette branche du bâtiment. Elles se comptent évidemment sur les doigts d’une main au niveau national.
La reprise en sous oeuvre est un enjeu pour les clients, les assureurs et les entreprises du bâtiment.
Analysons ensemble ce nouveau segment de métier.
Définition de la reprise en sous œuvre:
Pour le très connu dictionnaire du BTP aux éditions EYROLLES, une reprise en sous oeuvre « c’est la modification ou le remplacement des fondations sous un ouvrage existant ».
Cette définition est correcte mais insuffisante. Je donnerai donc ici ma définition personnelle d’une RSO:
Une reprise en sous oeuvre est tout acte consistant à remplacer ou consolider un ouvrage existant, sans la dépose ou la déconstruction de ce dernier. Définition Serge USTUN / Monbatiment.fr
Je reprends donc les éléments de définition du dictionnaire du BTP, qui est très juste en soi. J’ajoute simplement un segment d’intervention plus large.
Lorsque je remplace une fermette brulée sur un sinsitre, sans déposer la toiture, j’effectue factuellement « une reprise en sous oeuvre ».
Consulter les éditions EYROLLES sur le sujet
Il sera intéressant à l’avenir de participer à la doctrine via ma définition.
En d’autres termes, bien que particulièrement axée sur les fondations, une reprise en sous oeuvre est le fait de venir maçonner, reprendre ou remplacer des ouvrages tels que des fondations, longrines, soubassement, linteaux etc.
Je ne reviendrai que très rapidement sur la RSO en charpente et en démolition, pour faire focaliser sur ce que vous attendez en réponse dans ce dossier: Les fondations.
Reprise en sous oeuvre des fondations: Les principales techniques
Il existe un grand nombre de techniques pour réaliser une RSO (Reprise en Sous Oeuvre), et toutes sont fiables.
Certaines s’adaptent mieux, d’autres sont moins invasives.
La règle étant de consolider l’ouvrage dans la meilleure mesure possible. Une RSO est intéressante que si elle limite l’action en réparation.
Parfois même, elle pose question tant le coût est important sur certains sinistres.
Pour valider ces différentes techniques, et notamment le choix de l’une d’elles, il faut s’adresser à des ingénieurs structures. Vous les connaissez déjà ce sont les BE (Bureaux d’études) et les Bureaux de contrôle.
Les plus connus sont SOCOTEC, APAVE, ALPES CONTROLES etc.
A SAVOIR: La RSO peut être déployée pour un renforcement sismique par exemple, même si aucun sinistre n’est en cause.
Reprise en sous oeuvre des fondations par passes alternées:
Cette technique également appelée « en piano » ou « en touche piano » est très répandue. Elle consiste à déchausser passe par passe les fondations.
Sur une longueur de 10 mètres par exemple, il convient de déchausser 1 ou 2 mètres linéaires, « sauter » 1 ou 2 mètres linéaires, puis excaver les 2 mètres linéaires suivant etc.
Vous coulez ensuite les « creux » que vous avez excavé puis réalisez la même opération avec les fondations laissées intactes sur la première passe.
D’où la notion de « touche de piano » ou « passes alternées« . Cette méthode permet également de descendre assez profondément et loin sous la fondation existante.
On parle également de « puits alternés ».
En 2 passes successives, vous renforcez les fondations sans devoir les fragiliser en déchaussant la semelle sur sa longueur totale. L’idéal étant évidemment de ceinturer le bâtiment (4 côtes), mais cela fonctionne parfois sur 3 ou 2 côtés seulement.
Cette méthode n’oblige donc pas à rentrer dans le logement. Elle est la moins invasive de toutes les méthodes de reprise en sous oeuvre de fondations. Le principe vous l’aurez compris est simple. On crée une véritable ceinture bétonnée et chainée autour du bâtiment.
Une excellente méthode peu coûteuse.
Il suffit d’un engin de terrassement et d’une bonne étude technique.
En général le Bureau d’étude (BE) établi un plan de phasage précis. Le béton est évidemment armé et chainé. Une entreprise sérieuse, même non spécialisée, peut tout à fait réaliser une reprise en passes alternées. Un bon maçon par exemple.
- Non invasive (l’essentiel de l’intervention peut se faire par l’extérieur)
- Peu coûteuse (au regard des autres méthodes quand elle peut être exécutée de l’extérieur)
- Rapide à mettre en œuvre
- Sûre et sans questionnement
Cette méthode de reprise ne peut malheureusement pas être préconisée dans tous les cas de figure. Elle est donc limitée aux chantiers qui s’y prêtent.
Ci-dessus: Utilisation d’un pénétromètre type marteau pilon pour réaliser un sondage géotechnique de résistance. Crédits photos : S.USTUN
Reprise en sous oeuvre des fondations par micropieux:
Méthode de RSO qui prend de l’ampleur ces dernières années (notamment grâce aux engins de forage plus petits et plus maniables).
Les micropieux sont créés par forage, puis injection de béton. En règle générale on tente de percer les fondations existantes en transversale.
Ci-dessus : Une foreuse spécialisée pour la réalisation de micropieux.
Dans la plupart des cas cette méthode exige un forage et coulage « de part et d’autre » donc en croix. Les injections sont « filées » par une armature et des épingles ou « cages » sont réalisées aux endroits notés par le BE (Bureau d’étude).
Vous comprenez qu’il s’agit de passer d’un côté puis de l’autre de la semelle soit à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment.
La méthode de reprise en sous oeuvre par micropieux est extrêmement invasive. Elle nécessite de reprendre l’ensemble des embellissements et sols suite à l’intervention.
C’est un véritable chantier au sens strict qui engage à un coût. Cette méthode est techniquement prisée évidemment mais elle emporte un engagement financier important.
Redoutable pour éviter les tassements.
- Nécessite des engins de forage spécifiques
- Demande beaucoup de soin des intervenants car l’opération est très anxiogène
- Engendre des coûts démesurés mais nécessaires.
Dans ce cas seule une entreprise spécialisée peut intervenir. Savoir lire une note de calcul et un calepin du BE ne suffit pas.
Il faut maîtriser les éléments de chainage et le dosage/souplesse du béton. Il faut maîtriser l’injection sous pression etc. Ce travail doit être réalisé par des techniciens de très haut rang.
La technique du Fonçage ou Pieux Foncés:
Cette technique se rapproche de l’utilisation de pieux acier pour remplacer les fondations dans la construction neuve.
D’ailleurs pas les pieux ne sont pas forcément en acier car on peut foncer des pieux béton. La technique est simple, il s’agit de forer avec un premier pieu à tête de flèche puis ajouter des longueurs au fur et à mesure de la pénétration.
En général, on va chercher « le dur ».
Méthode efficace si possibilité de prendre appui sur une semelle déjà solide.
- Nécessite de trouver le « dur »
- Intéressant pour les reprises aux endroits exigus
- Permet le relevage sous certaines conditions
La photo ci-dessus représente une variante des pieux dans le neuf. Différente de la reprise par micropieux qui eux sont coulés. Dans ce cas les pieux en acier sont positionnés à l’aplomb.
Lorsqu’ils rencontrent la densité et la résistance suffisante ils sont coupés et ajustés avec une platine. Le fonçage est un combiné des actions assez proche de la technique des pieux acier.
Reprise en sous oeuvre par injection:
L’injection de résine pour reprise en sous oeuvre est également une technique très prisée. Moins invasive (c’est relatif).
L’injection ne vas pas forcément rechercher les grandes profondeurs mais plutôt élargir la portance des sols.
La résine est expansive.
Le but recherché est donc de minimiser les forages en diamètre mais les multiplier en terme de points d’injections. La technique vise littéralement à couvrir du terrain et injecter la matière pour venir compenser les « vides ».
Les injecteurs font deux à trois centimètres maximum (en général des tubes en cuivre).
En d’autres termes il s’agit de créer un maillage fin et de percer en peigne de façon méthodique selon un calepinage précis. L’injection est « indolore » ce qui la destine à un intérêt grandissant chez nos donneurs d’ordre.
Méthode assez novatrice donc peu de recul. Il est intéressant de suivre la progression de cette technique qui peut potentiellement changer la donne pour l’après sinistre chez le particulier.
- Moins invasif
- Permet la portance et potentiellement le relevage (sous réserve)
- Moins coûteux
- Plus rapide à mettre en œuvre
- Intervention possible en « milieu habité » ce qui est une véritable plus value pour le procédé
- Seuls les sols seront à reprendre
Le JET GROUTING:
Le JET GROUTING est une méthode très intéressante (Ndlr) assez peu répandue en France. Le procédé est ingénieux. Plutôt très utilisé aux USA et pour des bâtiments de très grande envergure.
Il s’agit de déstructurer le sol par un jet très puissant et « désagréger » la matière par érosion. Ce jet érode et substitue l’érosion par un coulis de ciment. En d’autres termes on injecte pendant qu’on enlève.
Redoutable.
Les jets doivent produire des « puits » ou des « cônes » de forage qui sont instantanément comblés par le coulis durcissant. Comme pour les micropieux c’est excellent pour éviter le tassement.
Il existe plusieurs procédés de JET GROUTING selon la nature du sol et le but recherché: Jet simple, double et triple (coulis, Air+coulis, Air+Eau+coulis).
- Peu utilisé en France pour les bâtiments de type logements
- Adapté au TP plutôt qu’au bâti traditionnel
- Permet de remédier au problème de liquéfaction par consolidation (intéressant)
- Cumul possible de la technique avec les micropieux
- PS: Je n’ai pas encore assisté à un chantier de ce type
Le JET GROUTING peut être mis en œuvre en doublon avec des micropieux. Autrement dit en complément ou même en simultané, le forage JET étant à ce moment complémenté par un micropieu.
Murs en pierre: La difficulté d’une RSO
Lorsqu’on évoque le bâti en élévation j’affectionne particulièrement le terme d’appareillage. C’est d’ailleurs le terme spécifique utilisé par les tailleurs de pierres pour définir la méthode dont sont édifiés les murs.
On peut donc parler de différents types d’appareillages pour un mur:
- Appareillage en parpaings (agglos, brique creuse) de taille, dimension, jointoiement identique en tous points. (Nos maisons actuelles)
- Appareillage en pierre de taille. Dimensions hétérogènes et empilement à faible joint de liaison. Edifices stables par effet de masse (Eglises, cathédrales, monuments)
- Appareillage en pierre à bâtir « tout venant ». Murs montés avec des pierres toutes différentes en dimension et taille, avec un apport conséquent de mortier liant. (Vieilles bâtisses, corps de fermes, maisons de rue)
- D’autres plus exotiques non abordés dans ce dossier (appareillages cyclopéens, colombage, ossature etc.)
Les murs en pierres (sous entendu très hétérogènes) avec beaucoup de liant ne sont généralement pas chainés.
Aucun chainage horizontal (semelle et ceinture) et aucun chainage vertical (jambages reprenant les linteaux et angles). C’est donc potentiellement le pire cas de figure pour une reprise en sous oeuvre.
Dans la plupart des cas les fondations sont évidemment non chainées voir littéralement inexistantes dans certains cas. Impossible par conséquent de vouloir prendre appui ou renforcer l’existant ni même par ceinturage.
Cette section sera donc abordée plus en profondeur dans un dossier consacré.
- Fondations affaiblies ou inexistantes
- Liant déminéralisé ne faisant plus office de liant
- Sol insondable ou difficilement sondable
- Bâti non ceinturé et non chainé
Bref, une reprise en sous oeuvre sur des murs en pierres hétérogènes non taillées peut s’avérer très difficile ne serait-ce qu’à appréhender.
Bien souvent la méthode par passes alternées est efficace dans ce cas mais ne peut résoudre le problème de portance. Les solutions seront de l’ordre du cas par cas.
Beaucoup de bureaux d’études « botteront » en touche si vous leur soumettez une étude de ce type.
Consolidation pour une ouverture dans un mur porteur:
La reprise en sous oeuvre ne concerne pas seulement les sinistres. Lorsqu’il s’agit d’ouvrir un mur porteur pour la pose d’une baie par exemple.
La pose d’un linteau (ou son coulage) est également une reprise en sous œuvre.
Lire mon article sur la pose d’un linteau en sous œuvre
Plus récemment les industriels en pointe comme SIKA proposent des lames de carbone pour consolider les planchers préfabriqués (poutrelles hourdis). On peut donc clairement intégrer cette méthode comme méthode de RSO.
Nous y reviendrons dans un article dédié.
Lire mon article sur la consolidation de poutrelles suite sinistre
Les entreprises spécialisées dans la reprise en sous oeuvre:
Métier extrêmement technique et engageant (à la fois financièrement et humainement), certaines entreprises se sont spécialisées dans ce domaine. Il en existe un peu partout en France mais je peux en citer quelques unes très connues:
- SPID
- TEMSOL
- TECHNISOL
- SOLTECHNIC
- URETEK
- FONDATECH
Dans tous les cas de figures il faut s’entourer d’études techniques:
- Etude de sol (Pénétromètre)
- Etude de structure, étude béton, consolidation
- Solutions techniques
- Calepinage des ouvrages
- Préservation du « sur accident »
- Protection des abords, matériel et personnel
Info utile: En 2023 se sont près de 3000 communes déclarées en catastrophe naturelle sècheresse/inondations
Conclusion
Cet article / dossier n’est donc pas fermé et sera mis à jour chaque fois que nécessaire, au fil des nouvelles informations ou innovations en terme de reprise en sous oeuvre.
Je vous invite également à réfléchir sur les opportunités que la RSO apporte aux entreprises du bâtiment en recherche de nouveaux marchés.
Ces opportunités, évidemment, ne seront intéressantes que pour les entreprises du bâtiment rompues à l’exercice et dont le personnel est hautement qualifié.
Les entreprises cherchant simplement des « niches » commerciales pour augmenter leur CA seront rapidement mises devant la réalité: La RSO c’est pour les pros.
C’est une discipline du bâtiment qui nécessite une grande technicité et rigueur. L’improvisation et l’excitation de voir les « gros » chantiers à cinq zéro vous mènera directement devant les tribunaux si vous n’avez pas au préalable une solide connaissance du gros œuvre en interne.
C’est dit !
Merci pour vos lectures et bon chantier
Serge USTUN