Les inondations de ces deux dernières semaines en France, comme en Espagne, marquent t’elles la fin des constructions sur radier ?
Au delà des terribles conséquences sur les personnes, nous devons anticiper les conséquences sur le bâti. Plus encore, nous devons être proactif et changer de paradigme :
Les radiers ne sont plus adaptés aux conditions climatiques, combien de temps vont-ils encore résister ?
Inondations : La fin annoncée des radiers
Parmi les systèmes constructifs les plus courants, les constructions sur radiers sont les plus nombreuses.
Très loin derrière, viennent les vides sanitaires et enfin, beaucoup plus rares, les constructions sur pieux ou technopieux (je vous invite à lire mon article sur les pieux vissés).
Mais qu’est-ce qu’un radier ?
Pour donner une image simple, un radier est une dalle sur un soubassement simple (40 centimètres en moyenne) autrement dénommée dalle portée, dont la hauteur se situe proche du niveau du terrain naturel.
En d’autres termes, le sol de la maison est rarement à plus de 20 centimètres du sol extérieur, ce dernier étant « décaissé » de 20 centimètres lors du terrassement.
Or, et nous l’avons tous très tristement constaté ces derniers jours, 20 centimètres ou même 40 ne suffisent plus à protéger nos logements des crues qui deviennent régulières, et omniprésentes.
Or, le « radier » est le système constructif le plus usité en France pour les maisons individuelles. Elles représentent la grande majorité des logements.
La question porte donc sur cet usage fortement ancré en France, bien plus qu’ailleurs en Europe, celui de la construction sur radier plutôt que sur vide sanitaire.
En effet, un vide sanitaire suffisamment réhaussé permet de « sauver » nos maisons en cas d’inondations, dans la plupart des cas.
Des inondations fréquentes et non localisées
Soyons honnêtes, plus personne n’est épargné par les inondations, les constructions étant de plus en plus basses en terme d’altimétrie. Là où nos anciens construisaient sur les hauteurs, nous construisons aujourd’hui littéralement dans des bassins.
En d’autres termes, nous construisons la majorité des maisons individuelles dans des cuvettes, très exactement là où l’eau sera dirigée en cas de crues.
Les faits sont malheureusement têtus et ce ne sont pas ces derniers jours et ces dernières heures qui me contrediront.
Les discussions sur le statut de catastrophe naturelle
Les discussions sur le statut de catastrophe naturelle vont bon train au sein des organismes en charge d’indemniser les sinistrés.
Ce statut, assez particulier par ailleurs car la France est un des rares pays à en disposer, commence peu à peu à être remis en question.
En cause, le cumul historique des catastrophes, jadis décennales, mais aujourd’hui devenues pluriannuels.
Incendies, sinistre sécheresse, retrait gonflement des argiles et enfin, les inondations. Or ces phénomènes ont presque tous un impact direct sur la construction au droit des soubassements.
Hormis les incendies, la sécheresse et les inondations ont un impact direct sur les logements qui est très largement minimisé dans les constructions sur vides sanitaires.
Autrement dit, une maison sur vide sanitaire est réellement protégé (dans une certaine mesure) par l’élévation de son soubassement. Quand elle est impactée cependant, elle subit moins de dommages et les interventions en après sinistre sont facilitées.
Vous l’aurez évidemment compris, pendant combien de temps l’indemnité sous statut de catastrophe naturelle sera maintenue ? Compte tenu des montants devenus colossaux et des sinistres devenus récurrents, la question est légitime.
Un changement de paradigme inévitable
Inévitablement, au vu du nombre de sinistres de ces dernières années (dont le cumul est exponentiel), l’Etat et les assureurs vont très certainement changer de paradigme.
- Soit les primes vont considérablement augmenter (plus que probable quoi qu’il arrive).
- Soit le statut de catastrophe naturelle va être remis en cause : La question est déjà très largement évoquée.
- Dans tous les cas, l’indemnisation risque d’être revue à la baisse.
La question n’est plus « si », mais plutôt « quand ».
Dès lors, il apparait on ne peut plus évident que les maisons sur radiers seront les premières victimes d’une double peine. La peine principale étant leur vulnérabilité, face aux catastrophes naturelles, la seconde peine sera le questionnement sur leurs indemnisations.
Je pose la question aujourd’hui car nous ne sommes visiblement qu’en phase ascendante des sinistres dus aux caprices de la nature, alors qu’une maison est censée se construire pour 50 ans et plus : Le prix d’une vie de travail.
Une dalle sur radier étant peu ou proue au niveau du terrain naturel, les maisons qui sont construites sur ce schéma sont naturellement les plus exposées.
Pour info : Le risque « inondations » n’est pas pris en charge par les assureurs dans de nombreux pays d’Europe, comme l’Allemagne par exemple. Nos voisins doivent souscrire à des conditions particulières pour en bénéficier, dont les montants sont extrêmement onéreux.
Des dégâts considérables
Les inondations génèrent des dégâts considérables sur le bâti.
Dans les cas les plus courants, il faut évidemment évacuer l’eau qui s’est infiltrée et très rapidement procéder à un assèchement. De nombreuses entreprises spécialisées en après sinistre proposent de disposer des assécheurs un peu partout dans la maison, mais parfois ce n’est pas suffisant et de gros travaux sont nécessaires.
Dans certaines zones, les maires demandent aujourd’hui la démolition des maisons qui sont construites sur les terrains à risques, au détriment des propriétaires qui n’ont guère d’autre choix.
Les experts sont rompus à cet exercice mais restent cependant totalement dépourvus dans les cas les plus extrêmes : La démolition.
Certes, cela reste assez rare mais les cas ne sont pas uniques. Les fortes inondations peuvent pousser à la rupture, et le fragiliser le bâti.
Dans les meilleurs cas de figure, les assécheurs peuvent parfois sauver les doublages mais cela reste une solution très aléatoire. Une inondation va systématiquement engendrer des dégâts sur :
- Enduits de façades (majorité des cas).
- Les sols (même le carrelage, c’est le phénomène de pression hydrostatique).
- Les menuiseries extérieures dans certains cas. L’eau peut « voiler » les châssis ou les corrompre s’ils sont en bois.
- Les menuiseries intérieures : Dans la grande majorité des cas.
- Les doublages : Isolant et revêtement de type plaque de plâtre par exemple. Egalement le cas pour les doublages en brique.
- L’électricité : Corrosion des appareillages, risque incendie.
- Les embellissements : Travaux de peinture.
- Le mobilier et les effets personnels.
La note est salée pour les assureurs et les fonds de garanties type « Barnier ». Cela mène évidement à se poser la question de la pérennité des aides et des fonds spéciaux, alors même que la France peine à boucler son budget.
Maison sur vide sanitaire ou pilotis
Il n’y a aucune fatalité et les solutions existent déjà depuis des décennies : Construire sur un vide sanitaire !
Une maison sur vide sanitaire n’est pas un douce utopie, c’est même un principe constructif élémentaire dont la France devrait être plus friande.
Nombreux sont nos voisins européens qui ont banalisé la construction sur vide sanitaire comme système de base pour tout projet, relayant les radiers au rang d’exceptions.
Qu’attendons nous pour franchir ce cap ?
Nous savons, à l’unanimité des experts en bâtiment, qu’une construction surélevée de son terrain naturel ne présente que des avantages : Thermique, structurel, et anticipation du risque.
Le surcoût d’un vide sanitaire est donc très certainement le principal frein, pour combien de temps encore au regard du coût engendré par les indemnisations des sinistrés ?
A nous, professionnels du bâtiment, de relever ces faits afin de les utiliser comme des arguments tangibles pour préconiser des constructions plus sûres et plus saines.
Espérons que les pertes ne soient que matérielles et que les assurés passent cette triste période avec le difficile mais nécessaire recul pour reconstruire leur nouvelle vie.
Merci pour vos lectures.
Serge USTUN.