L’effondrement de la terrasse le 27 Juillet à Saint Pierre dans le Cantal est une dramatique catastrophe. Par nécessité de comprendre, je vous propose que nous analysions ce cas dans lequel le solivage bois semble être en cause.
Cet article est ouvert à discussion et à comité de lecture jusqu’au Lundi 2 Septembre. J’intégrerai vos participations et vos réflexions avant la clôture de ce dernier.
Hommage à la victime de ce triste accident ainsi qu’aux 39 personnes blessées.
Avant propos
Le triste événement qui a lieu à Saint Pierre, dans le Cantal, ce 27 Juillet 2024 interroge.
Rares sont les sinistres qui induisent un décès, il est donc de notre devoir d’en analyser les causes, et de comprendre le pourquoi et le comment de cette tragédie.
Je suis d’autant plus alerté par ce drame car je venais à peine de rédiger mon article sur les terrasses en acier, dont le soudage n’est plus autorisé par les bureaux d’études : Faute de pouvoir les justifier.
En l’occurrence, dans notre cas, il s’agit de bois.
Article de Centre Presse Aveyron sur le tragique accident
Le solivage bois en question
Le solivage bois semble le premier en cause dans cette tragédie.
Il s’agit de replacer le contexte.
Je ne base mon raisonnement que sur une unique photos que j’ai trouvé, a l’instar de l’effondrement des balcons à Antibes.
Lorsque je pourrai étudier les photos prises suite à l’expertise je pourrai vous dire très exactement ce qui s’est déroulé lors du drame.
Nous devons, par conséquent, rester sur le conditionnel.
C’est donc le « complexe » de solivage qui semble en jeu dans l’effondrement, et je penche non pas pour les solives elles-mêmes, mais pour leur ancrages en « muraillères » , autrement dit leurs « points d’appuis », ou le vissage de ces dernières dans ce qui semble être des « muraillères ».
Mon raisonnement peut être induit en erreur par la photo, si pour des raisons de sécurité, une entreprise après sinistre est venue « purger » les solives entre temps.
Dans ce cas, je ne peux techniquement rien affirmer.
Etablir les bases de réflexion & la méthodologie
Il est nécessaire d’établir une méthodologie pour assoir notre processus de réflexion.
Pour définir la stabilité structurelle d’une structure de type « plancher », nous avons besoin de plusieurs éléments indispensables, qui nous permettront de réaliser le dimensionnement des poutres.
- Longueur des solives entre 2 points d’appuis : Calcul de flèche
- Longueur et largeur du platelage : Calcul de la surface au m2 pour définir les charges d’exploitations
- Section des solives : Pour vérifier la cohérence avec leur longueur
- Essence du bois : Calcul d’élasticité
- Nombres de personnes présentes au même moment (calcul des moments de force)
L’entraxe des solives
Je peux extraire une information importante avec le support visuel dont je dispose :
L’entraxe des solives.
Avec un simple report de cotes photogrammétrique, cette distance qui sépare l’axe de chaque solive peut être parfaitement déterminé.
Pour être solide, et supporter le descente de charge d’exploitation courante et une petite marge de sécurité, un plancher doit être solivé a distance acceptable pour garantir une répartition « uniforme » des charges.
Les entraxes ne sont pas les seuls déterminants, la dimension des solives entre également en jeu.
Nous le verrons plus bas.
Ainsi, à la manière dont Roland Lehoucq analyse et réalise des calculs précis sur la base de simples vidéos, nous pouvons nous aussi adopter le même raisonnement scientifique.
Contraintes : 500 dAN/m2 (selon le cahier des charges pour une salle polyvalente)
En ERP, dans ce cas précis, un plancher doit pouvoir supporter 500 kg au M2 (je grossis le trait).
Comme nous possédons cette donnée, nous pouvons aisément calculer quelle section de bois permettra de supporter le poids, avec quel entraxe, et sur quelle longueur.
1er critère : Définir les entraxes et les sections de bois.
Se reporter à mon article sur le dimensionnement des poutres bois
La section des bois de solivage
Encore une fois, je ne me base que sur l’unique photo dont je dispose pour établir mon raisonnement.
Sur cette photo, il est possible de calculer la section des poutres. Je me base sur les zones « blanches » laissées par l’absence des solives.
A priori, il est possible de définir une première approximation de ces dernières.
Section des bois en présence : (estimation)
- 10 . 20 : Flèche de 13 mm
- 8 . 20 : Flèche de 17 mm
Dimensionnement des solives :
Si nous devions calculer le dimensionnement des solives sans tenir compte de l’existant, il nous manquerait une unique donnée, car nous disposons déjà de la contrainte de poids : La longueur sur deux points d’appuis.
Pour dimensionner une poutre, le calcul est relativement simple. Nous avons besoin de connaître la longueur de franchissement, le poids, et l’essence de bois.
Le fameux moment quadratique entre en jeu.
Comment connaître la longueur de franchissement ?
Et bien encore une fois, nous pouvons le déduire au vu de la seule photo que nous avons en notre possession.
Nous avons 22 lames de terrasse striées, dont la moyenne est de 14.5 centimètres de largeur. Ajoutons 1.5 CMS de joint creux, et nous pouvons calculer la distance de franchissement des poutres.
Soit : 3.55 mètres tout au plus.
Nous y sommes.
La surface pour le calcul du poids uniformément réparti
Dans ce triste cas de figure, la surface joue un rôle prépondérant. On ne va pas calculer une faîtière mais bel et bien un « platelage ». Autrement dit, un plancher.
Pour connaître la section des solives admissibles avant fléchissement il nous faut intégrer à notre raisonnement la notion de répartition des masses.
Point singulier : Je ne connais pas la quote-part des personnes présentes au 1er étage et celle au RDC.
En l’occurrence nous prendrons cette surface comme critère dans nos calculs en divisant le poids des 30 personnes présentes sur la terrasse par le nombre de M2. Nous aurons alors une notion de répartition uniforme, dont nous savons que potentiellement elle ne fut pas respectée ici.
Je donne comme première approximation une longueur de 9 à 10 mètres, pour une largeur de 3.50 mètres comme nous l’avons vu précédemment.
Soit : 35 M2.
NOTA : Dans le cas où les personnes se seraient réunies pour une photo de groupe, le calcul de solivage sur deux appuis nécessite de formuler la réflexion différemment : Il s’agit d’une méthode de calcul différente.
Calculer la section de bois de solivage pour éviter l’effondrement
Nous avons toutes les données.
Nous pouvons calculer la section de solives (poutres) pour assurer le maintien de la terrasse.
En l’état, 500 dAN/M2 pour du mélèze (j’imagine le mélèze courant dans le Cantal), nos solives sont assez mal dimensionnées mais la flèche reste contenue à 14 mm sur 3.50 mètres, soit un écartement de 7 mm aux points d’appuis.
En forçant le trait, j’obtiens une flèche de 1.7 centimètres.
La flèche est donc conséquente et il semble que le dimensionnement des solives ne soit pas suffisant dans le cadre où les 39 personnes se seraient regroupées pour une photo par exemple.
Or ce n’était visiblement pas le cas.
1er et principal problème : Le sous dimensionnement du solivage bois.
Le deuxième suspect : L’ancrage des solives aux point d’appuis
Encore une fois, je n’ai pas tous les éléments en main.
Je dois « supposer » les ancrages au vu de la photo que j’ai à ma disposition. Il semble, dans ce cas, que les solives ne disposent pas d’étriers de fixation. Les fameux « sabots ».
Par conséquent, dans le cas d’une flèche importante le risque est de désolidariser les talons des solives de leurs supports d’ancrage. Ce risque étant moindre dans le cas des étriers qui piègent totalement les talons.
Cependant, au risque de me répéter, je pense que la flèche n’est pas à elle seule la cause de l’effondrement.
Conclusions
Ma conclusion est simple. Je pense qu’il y a réellement un souci de sous dimensionnement des solives mais cela ne suffit pas à expliquer l’effondrement. Les solivages bois ne « cassent » pas sans prévenir, ils flèchent, ils s’ouvrent mais restent les supports les plus fiables du bâtiment.
La visserie et les ancrages me semblent plus à-même de cisailler d’un coup sec, sans prévenir.
Je laisse cet article ouvert à la réflexion.
Serge USTUN.