Le pureau désigne l’espacement idéal entre deux liteaux pour permettre la pose ou l’emboitement des tuiles. Ce dernier est méconnu, tout du moins, pas suffisamment optimisé.
Historiquement, le pureau est la face visible non recouverte de la tuile. Techniquement, c’est une latte de mesure.
Connaitre et maîtriser le calcul du pureau n’est pas uniquement une question de métrage ou de pose, c’est une question de bon sens et de comportement responsable.
« Taper » le bon pureau permet de réduire drastiquement les chutes de coupes et d’économiser les matériaux, explications :
Le pureau : définition
Charpente et couverture :
Le pureau est la latte de mesure qui sépare les deux points d’appuis supérieurs des liteaux en support de tuile. Autrement dit, le pureau est un élément « intangible », ce n’est pas une notion « matérielle ».
Ci-dessus : Détail d’une tuile pour laquelle on distingue parfaitement la partie « visible », exposée, et la partie « recouvrement » / Chantier & Crédit Photo: S.USTUN.
Cette distance est visuellement matérialisée par la partie visible d’une tuile, lorsqu’elle est recouverte (voir ma photo ci-dessus).
Cette information ne sert globalement plus à rien de nos jours, car les méthodes de calculs et les métrés de surfaces notamment, sont clairement indiqués sur les fiches techniques des fabricants.
En revanche, ce qui nous intéresse ne se trouve pas sur la tuile, mais sous la tuile. Calculer le pureau, c’est calculer les emplacements des liteaux sur les chevrons, à distances égales et selon le modèle de tuile, afin de les fixer définitivement.
Ci-dessus : Exemple pour mieux appréhender la notion de pureau. Lors d’un de mes chantiers en après sinistre. Crédit photo : S.USTUN.
Le pureau peut être fixe, ou réglable selon la tuile. Ce dernier se trace au cordeau traceur (cordex).
Les couvreurs ont l’habitude car compte tenu des particularités régionales, ils posent presque systématiquement les mêmes tuiles. Les schémas sont presque toujours identiques, sauf cas très particuliers.
En revanche, en phase étude ou pour un projet personnel (autoconstructeurs), optez pour une tuile qui soit la plus réglable possible, vous vous épargnerez des soucis à la pose.
D’une tuile à l’autre, le « delta » de réglage peut aller de 2 centimètres à 7 centimètres pour certains modèles de tuiles.
Le pureau réglable et le pureau fixe
Certaines tuiles ont un pureau réglable, d’autres non. C’est ainsi !
Les nombreux types de tuiles qui existent (littéralement des centaines de modèles) ont chacun leur particularités. Plates, galbées, doubles, plat de recouvrement etc.
Certaines d’entre elles ont la possibilité de réglage du pureau. C’est un énorme atout en terme de pose.
Les possibilités de réglages / Quelques exemples :
- Wienerberger ACTUA : Tuile plate / Réglage possible du pureau : 7 centimètres.
- Monier RZ Marseille : Tuile : Tuile grand moule / Réglage possible du pureau : 4 centimètres.
- Omega 10 Sainte Foy : Fort galbe / Réglage possible du pureau : 2 centimètres.
- Les exemples sont nombreux, je vous invite à faire une recherche sur Google en cas de projet personnel.
L’espacement latéral des tuiles
Je vous donne un exemple sur une visite chantier, car les images sont plus parlantes que les mots dans ce domaine. Sur ce pan de toiture, vous noterez simplement que le couvreur démarre et finit avec des tuiles pleines, sans coupe disgracieuse.
Le calcul du pureau permet de réaliser une pose de tuiles qui soit « agréable » au regard, et vous imaginez bien que ce n’est pas le maçon qui a calculé la longueur du mur juste pour faire plaisir au couvreur.
Par conséquent, sur absolument tout les toits 2 pans simples, il est impossible de ne pas tomber juste au millimètre (avec une tuile réglable). Le problème est bien plus complexe sur un 3 ou 4 pans évidemment.
Ci-dessus : Un de mes très ancien chantier, détails du réglage du pureau latéral. Crédit photo : S.USTUN.
C’est valable à la fois pour le réglage de pureau latéral mais également pour le pureau longitudinal. Dans les cas où le réglage serait impossible, la finition devra s’effectuer par un couloir de zinc. C’est de plus en plus rare, cela ne concerne que quelques tuiles très particulières.
Quels sont les bénéfices ?
Les principaux bénéfices d’un bon réglage sont de trois ordres :
- Harmonie, et élégance de la pose.
- Minimisation du risque d’infiltration (tuiles trop « tirées).
- Gain économique (matériaux et temps de travail).
Evidement cela ne fonctionne pas pour les tuiles a emboitement fixe, les queues de castor ou le tavaillon. Je n’évoque ici que les modèles de tuiles dont le pureau est réglable, vous l’aurez compris.
Risque :
- Infiltration possible au droit des solins contre murs.
- Mauvaise lecture architecturale de la toiture (disgracieuse).
- Nécessité de reprendre la couverture en totalité (remaniement des tuiles).
Exemple de calcul correct du pureau : Tuile réglable
Contrairement à de nombreuses méthodes de calculs de lattes, le pureau ne se mesure pas à l’axe mais au droit des arêtes supérieures des liteaux. C’est un des « rares » cas qui ne prend pas en compte l’axe d’un élément (en bâtiment).
La méthode de calcul
Débord de toit et garde à l’égout :
Le liteau de larmier / en extrémité du bas de pente.
Avant tout, le premier liteau ne se calcule pas, il se pose simplement en respectant la garde à l’égout, c’est le liteau qui se pose au droit de la bande de rive. Généralement, ce dernier peut servir à légèrement rehausser la dernière tuile (méthode personnelle) ou de fond de clouage pour le larmier.
C’est notre premier élément qui va nous permettre de calculer notre latte de mesure : Le pureau longitudinal.
Selon les régions, la tuile doit mourir de 8 à 10 centimètre à l’axe de la gouttière. Aucun calcul nécessaire à ce stade, vous posez simplement le liteau.
Premier liteau de support de tuile :
Le véritable premier liteau, maintenant que votre dépassée de toiture à la gouttière est réalisée, est celui qui vient supporter le talon de la tuile. C’est celui qui nous intéresse.
A ce stade, encore une fois il n’y a pas besoin de réfléchir, car c’est le type de tuile qui vous donne le bon pureau. Vous devez donc fixer ce dernier, en veillant à ce que le talon de la tuile soit parfaitement posé sur son angle supérieur.
Dernier liteau au faîtage :
Notre premier liteau de bas de pente placé, il nous reste à placer le dernier liteau, à quelques centimètres du faîtage. Pour une tuile romane, c’est 4 à 5 centimètres de débord par rapport à la ligne de faîtage.
Encore une fois, il ne s’agit pas de faire des calculs à ce stade. Fixez simplement votre dernier liteau, en retrait du faîtage, sans vous posez plus de questions.
Voilà c’est presque fini.
Calcul du pureau longitudinal :
Maintenant que vous avez votre « calepin », autrement dit la surface à recouvrir, vous pouvez calculer votre pureau. Il suffit de prendre la mesure au droit de la partie supérieure du dernier liteau, et du premier.
Exemple pour 6 mètres de rampant (entre nos deux liteaux)
- Tuile romane (photo ci-dessus) : Pureau réglable de 35,10 à 35,90 centimètres.
- Vous divisez cette distance par le nombre de rangs pour obtenir un chiffre entier : 600 / 17 = 35.29 centimètres.
- Cela vous donne 17 rangs pleins pour un pureau de 35.29 centimètres.
- Vous pouvez tapez votre cordeau traceur à cette dimension, vous ne prenez aucun risque et vous n’aurez pas de coupe au faîtage.
Liste non exhaustive des principaux pureaux réglables
Type de tuile / modèle | Marque | Jeu de pureau | Pureau natif / lattage |
---|---|---|---|
Actua (plate) | Wienerberger | 70 mm | de 31 à 38 cm |
Oméga 10 (Grand galbe) | Edilians | 20 mm | de 39 à 41 cm |
Delta 10 (Faible galbe) | Edilians | 40 mm | de 35 à 39 cm |
Héritage (Fausse canal) | Terreal | 20 mm | de 39,6 à 41,6 cm |
Plein ciel (Grand galbe béton) | Monier | 30 mm | de 31,5 à 34,5 cm |
Signy (plate) | Monier | 70 mm | de 30 à 37 cm |
Koramic (plate) | Wienerberger | 43 mm | de 32,5 à 36,8 cm |
Il est également permis de parler en terme de lattage maxi et lattage mini. C’est très exactement la signification purement technique du pureau. C’est même un bon exemple de terminologie que chacun pourra comprendre.
La différence entre le « lattage mini » et le « lattage maxi » permet de définir jusqu’à quelle distance on peut « tirer » son pureau, autrement dit, séparer les liteaux.
Je rappelle que cette distance se mesure du haut d’un liteau (champ supérieur), au long du liteau suivant. On ne prend JAMAIS la mesure à l’axe du litelage (litonnage).
Pourquoi calculer correctement le pureau ?
Un couvreur doit calculer le pureau pour la pose des tuiles avec exactitude et démarrer sa pose sans se soucier du résultat, qui sera de toute façon parfait si son calcul est bon.
- Rapidité d’exécution pour le tuilage de la couverture.
- Efficacité et économie de moyens.
- Lecture architecturale harmonieuse et élégante.
- Minimisation du risque d’infiltration notamment aux droit des solins.
Dans ce sens, on peut légitimement comparer le calcul du pureau avec le calepinage d’un carreleur.
Même si cela semble évident, il faut tout de même revenir aux notions fondamentales et aux pratiques de mise en œuvre. Certaines tuiles doivent être collées, dans certains cas (fort vent, littoral, tuile canal, etc.).
Vous comprendrez aisément qu’il ne s’agit pas de commencer la pose en collant les tuiles pour se rendre compte que le pureau est incorrect après coup ! D’autant qu’il faudra également reclouer tous vos liteaux !
Lire mon article sur le collage des tuiles.
Il ne s’agit pas non plus de faire une « pose à blanc » des tuiles en essayant un espacement puis un autre et enfin un dernier. C’est inconcevable, ne serait-ce qu’en terme de dépense d’énergie inutile.
Un mauvais calcul peut engendrer une mauvaise finition, latérale ou longitudinale. Or ce n’est pas seulement désagréable au regard, mais cela implique un risque potentiel réel : Les infiltrations en toiture (voir mon exemple ci-dessous).
Ci-dessus : Lors d’une de mes visites techniques sur un chantier, on peut clairement constater que le couvreur a trop « tiré » sur le pureau. Les tuiles ne se recouvrent pas suffisamment, les manques sont « évidents ». Crédit photo : S.USTUN.
Principal risque dans mon exemple ci-dessus (flagrant) : Le risque d’infiltration.
Ce cas de figure est très récurrent, ce n’est pas une exception.
Lire mon article sur les infiltrations par toiture.
Economie de tuiles et de temps grâce à un bon réglage
Savoir calculer le pureau, c’est avant tout faire des économies de temps, et de matériaux. Il n’y a rien de pire qu’un reliquat de chutes de coupes de tuiles alors que ces dernières sont réglables (dans la plupart des cas).
Le pureau longitudinal permet de finir « propre » au faîtage, alors que le latéral permet de finir avec une tuile pleine aux rives.
Par conséquent, il est question d’élégance de pose, ce qui est déjà excellent en soi, mais également d’économie de moyens. Une tuile 1/2 ou 3/4 pureau vaut 3 à 4 fois le prix d’une tuile courante. Faites le calcul !
Pour une ligne de faîtage de 10 mètres (la grande majorité des maisons individuelles), à raison de 3 tuiles au mètre linéaire, le coût d’un mauvais réglage peut rapidement devenir contraignant :
30 tuiles 1/2 pureau à 9 euros TTC pièce x par 2 pans de toiture : 540 euros !
Les tuiles 3/4 et 1/2 pureau
Parfois il sera impossible de réussir à calepiner les tuiles pleines, notamment sur les faibles longueurs de rampants. C’est le cas pour un petit appentis par exemple, ou un local à outils. Dans ce cas, vous n’aurez d’autres choix que de tricher (mauvaise pratique), ou de trouver des tuiles 3/4 pureau ou 1/2 pureau (bonne pratique).
Ces dernières permettent de compenser le franchissement restant au faîtage sans avoir besoin de recouper la tuile. Je vous rappelle que même si cette dernière est recouverte par le closoir, elle ne doit pas être recoupée.
Pour mieux comprendre le procédé, je vous propose cette petite infographie explicative ci-dessous :
- Exemple de modèle de tuile 3/4 pureau chez Edilians.
- Exemple de modèle de tuile 1/2 pureau chez Chausson.
Liens utiles
Conclusion
J’espère avoir été suffisamment explicatif et pédagogue, car il est vrai que la notion de pureau est simple pour les couvreurs, mais peut paraître complexe pour les non initiés.
Vous devez donc observer les quelques règles que je vous expose dans ce dossier, afin de réussir la mise en œuvre de votre couverture avec le moins de reliquats possibles. Vous gagnerez du temps, et de l’argent !
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.