Dossier de la rédaction : Les « ennemis » du bois dans la construction en France. Risques, mécanismes, prévention et réponses techniques
Le bois, matériau vivant et polyvalent, redevient un produit phare de la construction en France : Maisons ossature bois, planchers, charpentes, façades, voire immeubles à plusieurs étages. Mais cette renaissance s’accompagne d’une vigilance renouvelée : Le bois, exposé aux éléments et aux organismes, a aussi ses « ennemis » — facteurs et agents qui le dégradent, réduisent sa durée de service, et peuvent générer des coûts importants. Dans ce dossier, nous essayons de dresser un panorama professionnel et documenté des principaux ennemis du bois en construction, de leurs modes d’action et des solutions pratiques et réglementaires pour les maîtres d’ouvrage, artisans et gestionnaires de patrimoine.
En outre, ce dossier est également un guide utile pour les autoconstructeurs qui souhaitent se diriger vers les MOB (Maisons Ossature Bois). Dans ce cadre, je vous renvoie également sur mon dossier dédié sur l’ossature bois pour l’autoconstruction.
Humidité et eau : l’adversaire fondamental du bois
L’eau est sans doute l’ennemi primaire du bois en construction. Sous forme d’infiltration, de condensation ou de remontée capillaire, l’humidité fragilise la structure du matériau, favorise la prolifération de champignons lignivores et attire les insectes xylophages. Le bois dont l’humidité dépasse durablement un seuil critique — généralement autour de 20 % (selon l’essence et les conditions) — devient vulnérable aux champignons de pourriture et à certains insectes.
Les dommages liés à l’eau sont variés : Gonflement, tassement des fibres, perte de résistance mécanique, tâches et détérioration esthétique. Sur les chantiers, les défauts de mise en œuvre (mauvaise étanchéité, absence de protection des bas de murs, ventilation insuffisante des combles ou des vides sanitaires) multiplient les points d’entrée de l’eau et les zones de stagnation.
Solutions : Utiliser des bois de classe 3 ou 4 dans les zones sensibles, ou mettre en œuvre des bois autoclavés.
Lire notre article : Le traitement bois autoclave.
Les champignons lignivores : mérule, pourritures blanches et brunes
Parmi les attaques biologiques, les champignons lignivores sont redoutés pour leur capacité à transformer le bois en matière friable. La mérule (un terme souvent utilisé en France pour désigner les champignons lignivores agressifs) et le « dry rot » sont des exemples qui peuvent compromettre des éléments porteurs. Ces champignons se développent lorsque l’humidité est permanente ou récurrente, et ils peuvent progresser en colonisant non seulement le bois mais aussi certains matériaux de soutien humides.
Les symptômes incluent odeurs de moisi, filaments blanchâtres à orangés, effritement du bois et détérioration rapide. Leur traitement exige souvent une approche globale : traquer la source d’humidité, assainir, remplacer les bois atteints et mettre en œuvre des traitements antifongiques adaptés.
Insectes xylophages : termites, vrillettes, capricornes…
La France abrite plusieurs insectes capables de dégrader le bois de construction. Les termites, présents dans certaines zones, creusent des galeries et fragilisent rapidement les éléments en bois. D’autres insectes, comme les vrillettes et divers coléoptères xylophages, s’attaquent aux bois secs et peuvent provoquer des perforations, des chutes d’éclats et une perte progressive de section.
La dangerosité varie selon l’espèce, l’état du bois (humide ou sec), l’essence et la durée de l’attaque. La prévention et la détection précoce (observation des poussières de perçage, trous, traces, relevés d’humidité, expertises entomologiques) sont essentielles pour limiter l’impact.
Le feu : risque majeur et exigences réglementaires
Le bois est combustible. Et oui !
Dans le contexte constructif contemporain (je songe aux ossatures bois et au madrier empilé), le risque incendie est central. Les stratégies de réponse ne se limitent pas à rendre le bois incombustible — ce qui est impossible — mais à concevoir des éléments structuraux et des revêtements qui retardent la progression du feu et conservent une résistance suffisante pendant une durée donnée. Les traitements intumescents, les parements coupe-feu et les dispositions de conception (compartimentage, issues, signalisation) participent à la sécurité incendie.
Ultra-violets, intempéries et dégradation superficielle
L’exposition prolongée aux UV, aux cycles gel/dégel, et à la pollution atmosphérique provoque une décoloration, un grisement et une fragilisation superficielle du bois. Si ces phénomènes n’atteignent pas toujours la structure porteuse, ils affectent la durabilité esthétique et peuvent favoriser l’absorption d’humidité. Les solutions comprennent les saturateurs, lasures, peintures et choix d’essences naturellement durables ou traitées. On songe évidemment et principalement aux bardage bois extérieurs. Dans ce cadre, il existe tout un arsenal de solutions. Je vous invite simplement à lire mon guide sur ce sujet.
Conception et erreurs de détail : le « mauvais » ennemi humain
Souvent, l’ennemi principal n’est pas un organisme mais une mauvaise conception ou mise en œuvre : Absence de rupture capillaire entre fondation et bois, débit insuffisant des eaux pluviales, points de stagnation, défaut de ventilation des vides sanitaires, jonctions mal protégées ou reprises de charpente posées en contact permanent avec les maçonneries humides. Un bon matériau mal posé se détériore plus vite qu’un matériau moyen posé correctement.
A la marge, mais tout aussi dangereux, la méconnaissance des règles de dimensionnement du bois (sections des poutres, pannes, etc.) est également un ennemi du bois. Le risque est donc principalement du à un manque de rigueur professionnelle. Pour les autoconstructeurs, dont les connaissances ne sont pas acquises, il s’agit de passer par un bureau d’étude compétent.
Lorsqu’il s’agit d’une MOB (Maison Ossature Bois), le danger est réel. Un mauvais dimensionnement peut générer des désordres graves, et rendre le bâtiment impropre à l’habitation.
Changements environnementaux et nouvelles pressions
Les évolutions climatiques modifient la répartition des risques : Augmentation des périodes chaudes et humides, incidents météorologiques plus violents, et possible expansion de certains ravageurs. Par ailleurs, l’usage croissant du bois dans la construction urbaine multiplie les interfaces bois/autres matériaux, et les nouveaux usages imposent une vigilance sur la durabilité.
J’ajouterai également, car c’est souvent le cas dans la construction ossature bois ou le madrier empilé, qu’il n’est pas « bon » de faire venir ses bois de certains pays. C’est tentant, notamment quand on voit le prix très attractif des « kits ossatures bois », mais le risque est réel. En cause :
- Absence de traitement des bois.
- Importation d’insectes non locaux, contamination.
- Présence de radio-activité : Et oui !
En France c’est le CTBA qui règlemente ce secteur et attention, l’organisme ne fait pas de cadeau !
Prévention et solutions techniques
Face à ces ennemis, l’arsenal préventif est multiple et combine conception, choix des matériaux et traitement :
- Conception et choix constructifs : surélever les éléments bois par rapport au sol, assurer des pentes d’écoulement, prévoir des drains et un bon pare-pluie, ventiler les combles et vides sanitaires, éviter les ponts thermiques qui créent condensation et moisissures.
- Choix des essences : certaines essences (chêne, Douglas, mélèze…) possèdent une durabilité naturelle supérieure ; d’autres, moins durables, nécessitent un traitement.
- Traitements du bois : traitements préventifs par imprégnation (autoclave) ou par application de produits insecticides/fongicides homologués ; traitements de protection de surface (lasures, saturateurs) pour limiter l’effet UV et l’absorption d’eau.
- Entretien programmé : inspection régulière, remise en peinture/lasure, surveillance des niveaux d’humidité et des signes d’infestation.
- Mesures spécifiques anti-termites : barrières physiques ou chimiques, surveillance, traitement localisé et interventions rapides en cas de détection.
- Mesures anti-incendie : produits retardateurs, compartimentage et respect des règles de sécurité incendie propres au bâtiment.
Réglementation, labels et bonnes pratiques
La construction bois en France s’inscrit dans un cadre réglementaire visant à garantir la sécurité et la durabilité des ouvrages : règles de choix selon l’exposition aux agents (classes d’emploi), produits agréés, et prescriptions de mise en œuvre. Les professionnels s’appuient aussi sur des référentiels techniques, des avis d’experts et des labels de certification de gestion forestière (FSC, PEFC) lorsqu’ils choisissent des bois issus de forêts gérées durablement.
Cas concrets et impact économique
Les sinistres liés à la mérule ou à des attaques de termites représentent des opérations coûteuses : expertises, assainissement, remplacement d’éléments structuraux et réparations secondaires (électricité, cloisons). Au-delà du coût direct, il y a un impact sur l’usage du bâtiment (mise hors service temporaire), la valeur patrimoniale et parfois des conflits juridiques entre maîtres d’ouvrage et entreprises.
Que peuvent faire maîtres d’ouvrage et occupants ?
Pour limiter les risques : exiger une conception adaptée (ventilation, drainage), vérifier la conformité des traitements et des certificats des matériaux, planifier des visites d’entretien, réagir vite au moindre signe (taches, odeurs, poussières, trous), et faire appel à des diagnostiqueurs spécialisés pour tout doute. En cas d’attaque avérée, l’intervention doit être globale : localiser et stopper l’humidité, éradiquer l’agent, remplacer ou consolider les bois atteints, et restaurer dans les règles de l’art.
Conclusion — vigilance et approche systémique
Le retour massif du bois dans la construction française est une opportunité environnementale et architecturale. Mais il suppose une culture professionnelle et une vigilance des usagers : le bois, bien qu’excellent matériau, demande une approche systémique — la conjonction d’une conception adaptée, de matériaux appropriés, de traitements et d’un entretien régulier. Comprendre les « ennemis » du bois — eau, champignons, insectes, feu, facteurs climatiques et erreurs de conception — permet d’anticiper, prévenir et, au besoin, intervenir efficacement. Protéger le bois, c’est prolonger l’ambition d’une construction durable et résiliente.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.


