Pour accompagner la première partie de ma vidéo sur les murs cyclopéens, je vous propose cet article, dans lequel je reprendrai tous les éléments de réflexion qui concernent ce sujet.
De plus, il est intéressant d’approfondir les origines et l’historique de ces étranges murs qui soulèvent, aujourd’hui encore, de nombreuses questions.
Les mystères qui entourent ces constructions, souvent gigantesques, ne pouvaient en aucun cas échapper à l’analyse du magazine Monbatiment, puisqu’il s’agit de : Bâtiments, tout bonnement.
Il est donc nécessaire de les aborder par la seule analyse technique, dégagée de tout fantasme ou apriori, et les étudier tels que nous le ferions pour une architecture plus moderne et dans un but pédagogique.
Bienvenue dans la première partie de l’analyse.
Avant propos
Les murs cyclopéens sont parmi les structures les plus impressionnantes et mystérieuses de l’architecture ancienne. Leur grandeur et leur solidité ont traversé les âges, suscitant la curiosité et l’admiration des archéologues, des chercheurs et des passionnés d’histoire.
Cet article servira de support (ainsi que la vidéo) pour une analyse purement technique de la construction de ces étranges murs.
En aucun cas il ne sera question d’affirmer, ou d’infirmer, les différentes hypothèses évoquées par d’autres chercheurs, mais de statuer sur la faisabilité technique des assemblages et ce qu’ils recèlent en terme de connaissances technique appliquées au bâtiment.
Ci-dessus : Murs cyclopéens de Sacsayhuaman / Crédit photo Tangol.com
En outre, il sera possible également d’aborder cette forme « d’apprentissage » des techniques du bâtiment de manière ludique, avec un sujet des plus mystérieux. Portez vos attentions sur ces différents éléments, et nous ferons un point plus tard :
- Soubassements
- Linteaux
- Aplombs et faux aplombs
- Niveaux
- Qualité de la taille et du calepinage
Pour ce qui est de la définition des murs Cyclopéens, vous l’aurez très certainement compris au vu des photos que je vous propose ici, elle demeure très souvent alambiquée. Je vous renvoie sur la page de définition de Wikipédia :
Définition sur le site Wikipédia
La vidéo d’analyse
Vous trouverez ici la vidéo que j’ai réalisé en support d’analyse sur la base d’une hypothèse souvent relayée : La pierre coulée, ou « reconstituée ».
Origine et histoire des murs cyclopéens
Les murs cyclopéens sont des structures constituées de grandes pierres brutes ou « surfacées », empilées sans mortier.
Le terme « cyclopéen » provient de la mythologie grecque, où les Cyclopes, des géants à l’œil unique, étaient réputés pour leur force immense. Les Grecs anciens pensaient que ces géants avaient construit ces murs en raison de la taille gigantesque des pierres utilisées.
Par conséquent, il est très souvent question de « gigantisme » quant on évoques ces murs. La taille, en terme de dimensions et la « taille » en terme de coupe des pierres sont deux caractéristiques liées aux murs Cyclopéens.
Premières apparitions
Les premiers exemples de murs cyclopéens remontent à l’âge du bronze. Ils apparaissent principalement en Méditerranée, notamment en Grèce et en Italie. Des sites tels que Mycènes, Tirynthe et les murs de l’Acropole sont célèbres pour leurs structures cyclopéennes.
Murs Pélasgiques : Voir la page Wikipédia
Or ce ne sont que les éléments « découverts » et tangibles qui nous sont parvenus. Certains sont peut être plus anciens encore.
Techniques de construction
Matériaux Utilisés :
Les murs cyclopéens sont construits avec des pierres locales, souvent calcaires ou granitiques.
Les pierres, parfois énormes, sont taillées de manière rudimentaire sur certains murs, mais étonnamment précis sur d’autres. Cette technique confère aux murs une apparence massive et brute pour les premiers alors qu’il émane une grande harmonie sur les seconds.
Or, ce n’est qu’une apparence, et nous le verrons plus tard. Derrière cet aspect parfois grossier, il se cache une connaissance inouïe des règles de dimensionnement des matériaux (supposition personnelle).
Méthodes de placement :
Les constructeurs utilisaient plusieurs techniques pour placer les pierres :
1. Appareillage brute : Les pierres sont empilées de manière approximative sans ajustement précis.
2. Appareillage ajusté : Les pierres sont taillées pour s’emboîter plus étroitement, réduisant les interstices.
Outils et main-d’œuvre :
La construction de murs cyclopéens nécessitait des outils rudimentaires comme des leviers, des coins et des marteaux. Une main-d’œuvre nombreuse et bien organisée était essentielle pour déplacer et positionner les énormes blocs de pierre.
Ci-dessus : Extrait de l’article sur Science & Vie / Murs cyclopéens réalisés chez les Incas
Caractéristiques distinctives
Taille des blocs :
Les pierres utilisées dans les murs cyclopéens varient en taille, certaines atteignant plusieurs mètres de long et pesant des tonnes. Cette variation dans la taille des blocs est une caractéristique clé des structures cyclopéennes.
Il est à l’évidence question de « masse ». L’inertie des pierres est donc, selon moi, le premier pilier des méthodes de constructions anciennes telles qu’elles sont abordées dans ces réalisations.
2ème pilier : Les maçons anciens connaissaient et maîtrisaient la fausse équerre et le compas. C’est une base technique sans laquelle aucune de ces pierres n’aurait pu être taillée.
Absence de mortier :
L’absence de mortier entre les pierres est une autre caractéristique distincte des murs Cyclopéens. Les blocs sont ajustés de manière à ce que leur propre poids et l’ajustement précis assurent la stabilité de la structure.
C’est une évidence.
Cependant, et dans un certain nombre de cas il semble que cet ajustement soit factice. A la manière des faux parements en pierre réalisé dans l’enduit, très en vogue aujourd’hui chez façadiers, rien n’invalide que certains de ces assemblages ne soient pas en réalité de faux semblants.
J’y reviendrai également plus tard.
Longévité et durabilité :
Les murs cyclopéens sont réputés pour leur durabilité exceptionnelle. De nombreux murs construits il y a des milliers d’années sont encore debout, témoignant de la compétence et de l’ingéniosité des constructeurs anciens.
La pierre reste sans aucun doute le matériau le plus pérenne qui soit. Les mégalithes et les monolithes antiques sont à proprement parler, éternels.
Exemples notables de murs cyclopéens
Mycènes :
Mycènes, en Grèce, est l’un des sites les plus emblématiques des murs cyclopéens. Les murs entourant l’acropole de Mycènes sont construits avec des blocs énormes et irréguliers, certains pesant plusieurs tonnes.
Tirynthe :
Tirynthe, également en Grèce, possède des murs cyclopéens encore plus massifs. Les murs de Tirynthe, atteignant parfois 10 mètres de haut, sont constitués de blocs de pierre gigantesques, formant une défense imposante.
Les murs de l’Acropole :
L’Acropole d’Athènes présente aussi des murs cyclopéens, bien que moins impressionnants que ceux de Mycènes et Tirynthe. Ces murs montrent une technique plus raffinée, avec des blocs de pierre mieux ajustés.
Japon :
Le Japon comporte un grand nombre de mus cyclopéens. Ces derniers semblent très proches, dans leur agencements et leurs formes, à ceux que l’on retrouve au Pérou par exemple.
Le château d’EDO en est un parfait exemple.
Ci-dessus : Le mur de soubassement du château d’EDO au Japon. Je remercie le bloggeur « Entrelacsetsommets » pour cette excellente photo. Notez qu’ici, les pierres ne sont pas « galbes » mais planes.
Sacsayhuaman :
Très certainement le lieu le plus connu au monde pour ces murs historiques entièrement bâtis selon ce principe.
Cuzco :
Tel que vous pouvez le voir sur la photo de couverture, ces murs sont absolument partout à Cuzco. Que ce soit dans le centre de la vieille ville ou encore sur ses hauteurs.
En conclusion : Au vu du grand nombre de sites, tous très éloignés les uns des autres, et répartis sur plusieurs continents, il est tout à fait logique de penser que la méthode d’appareillage et d’assemblage de ces murs était une technique courante, très usitée, et très certainement enseignée.
Je vous rappelle que nous préservons des enseignements historiques et des particularités régionales via le tour de France des compagnons. Ce n’est donc pas totalement absurde de considérer que les anciens avaient également leurs « tour de France » mais à une échelle plus vaste.
Signification et fonction des murs cyclopéens
Fonction défensive ?
Une hypothèse très souvent évoquée dans de nombreuses sources ramène le système constructif au rang de « rempart ».
« La principale fonction des murs cyclopéens était défensive. Leur taille massive et leur solidité offraient une protection contre les envahisseurs. Les forteresses cyclopéennes étaient pratiquement imprenables en raison de la difficulté à franchir ces murs imposants. »
Cette hypothèse ne me convient pas pour des raisons de simple logique : Les lieux où sont construits ces murs sont « de facto » sur des zones géographiques rendant leur accès difficile.
On imagine mal une armée réussir leur déplacement dans ces zones, puis s’arrêter devant de simples murs, si gigantesques soient ils.
Signification symbolique ?
Au-delà de leur fonction pratique, ces murs avaient une signification symbolique.
« Ils représentaient le pouvoir et la richesse des cités qui les construisaient. Ces structures impressionnaient les visiteurs et les ennemis, consolidant l’autorité des dirigeants locaux. »
Cela semble cohérent.
Je n’ai rien a apporter sur ce sujet, mon analyse étant avant tout portée sur l’aspect technique. Mais cela se tient. En France, pendant plusieurs siècles, les « rangs » de génoises étaient un signe de bourgeoisie. Plus la maison disposait de rangs, plus son propriétaire était fortuné.
Rôle économique et social :
« La construction de murs cyclopéens nécessitait une organisation sociale complexe et une main-d’œuvre importante. Cela impliquait une économie suffisamment forte pour soutenir de tels projets. Ainsi, ces murs témoignent du niveau de développement économique et social des civilisations qui les ont érigés. »
Oui, très clairement. Cette affirmation est correcte dans une certaine mesure. Il semble qu’il y ait, par la manifestation de cet ordonnancement de pierres, une forme de volonté d’harmonie qui soit non seulement constructive mais également fédératrice.
Aujourd’hui encore, nous pouvons constater l’émoi et le rassemblement que peut engendrer un drame tel que l’incendie de Notre Dame. C’est par conséquent une forme de cohésion sociale, en plus d’être un challenge technique, qui se traduit dans le bâti.
Mystères et controverses sur les murs cyclopéens
Techniques de construction :
L’une des grandes questions entourant les murs cyclopéens concerne les techniques utilisées pour déplacer et positionner les énormes blocs de pierre.
Plusieurs théories existent, allant de l’utilisation de rampes et de rouleaux à des méthodes encore plus sophistiquées impliquant des dispositifs mécaniques primitifs.
Nous verrons dans la seconde partie qu’il n’en est rien. A l’exception de certains mégalithes dont je ne m’explique toujours pas le levage, à ce jour.
Ci-dessus : Représentation qui me paraît fictive, très certainement une infographie simulée. Cela reste très beau, et les vestiges réels sont encore plus surprenants.
J’attire votre attention sur sur des éléments plus subtils que la taille des pierres et leur masse. Notamment en ce qui concerne les éléments très techniques qui supposent une parfaite connaissance du dimensionnement des ouvrages :
- Les linteaux : Il semblent que les anciens maçons connaissaient parfaitement bien les règles de dimensionnement. Si tel n’était pas le cas, les linteaux en pierre auraient « cisaillés » depuis fort longtemps.
- La maîtrise des agencements désordonnés : Il est évident que la forme de la taille de chaque bloc avait un but antisismique. Cette seule notion devrait nous questionner !
- La très grande finesse des évidements (ou écoinçons). Sur plusieurs photos, il semble que les « dormants » des ouvertures soient d’une exceptionnelle qualité, meilleure que celle que nous obtenons aujourd’hui avec des niveaux lasers.
- La maîtrise évidente des angles donnés aux soubassement pour créer une forme de soutènement.
3ème pilier de notre réflexion : Les anciens maçons connaissaient la RDM (Résistance Des Matériaux) !
Origines des constructeurs :
Il existe également des débats sur l’identité des constructeurs des murs cyclopéens. Certains chercheurs pensent qu’ils ont été construits par les Mycéniens, tandis que d’autres suggèrent que des peuples antérieurs, comme les Pélasges, pourraient être les véritables architectes de ces structures.
Pour les bâtiments au delà de l’Atlantique et du Pacifique, il est souvent évoqué la participation des Incas et du peuple Quechua.
Sur l’Île de Pâques, c’est encore le grand mystère.
Et les cyclopes dans tout ça ?
La légende des Cyclopes, ces géants mythologiques, ajoute une dimension fantasmée aux murs cyclopéens. Bien que cette explication soit mythologique, elle reflète la fascination et l’émerveillement des anciens devant ces structures monumentales.
Soyons clairs, cette fascination est parfaitement naturelle.
Conclusions :
Je reviendrai sur les détails des 3 piliers qui doivent être à la base de notre raisonnement pour établir une méthodologie saine dans notre appréhension de ces chefs d’œuvres architecturaux, dans la seconde partie, au courant de l’été.
- 1er pilier : La masse.
- 2ème pilier : Utilisation de la fausse équerre et du compas.
- 3ème pilier : La Résistance Des Matériaux.
Les murs cyclopéens sont un témoignage fascinant de l’ingéniosité et de la détermination des civilisations anciennes.
Leur construction sans mortier, leur taille massive et leur longévité exceptionnelle continuent d’impressionner et d’intriguer. Ces murs ne sont pas seulement des vestiges architecturaux ; ils sont des monuments à la force, à l’habileté et à l’organisation des peuples de l’antiquité.
En étudiant ces structures, nous obtenons un aperçu précieux de l’histoire, de la culture et des capacités technologiques de nos ancêtres.
En fin de compte, les murs cyclopéens sont plus qu’un simple vestige du passé. Ils sont un rappel durable de ce que l’humanité peut accomplir avec détermination, innovation et collaboration.
Que ce soit à Mycènes, à Tirynthe ou ailleurs, ces murs continuent de raconter l’histoire de ceux qui les ont érigés, défiant le temps et captivant l’imagination des générations futures.
Merci pour vos lectures et bon chantier ! La deuxième partie est en cours de rédaction.
Serge USTUN / Support de vidéo S.USTUN & Julie Couvreur.
Crédit photos :
Couverture : Marco Palomino
Bonjour,
Travaillant actuellement sur la civilisation mycénienne, je trouve cet article fort intéressant, en particulier je souhaiterais en apprendre davantage sur les techniques de portage et de levage de telles pierres ainsi que le but anti-sismique que vous évoquez.
A quand la deuxième partie ?
Bien cordialement,
Auréliane
Bonjour Auréliane,
Merci pour l’intérêt que vous portez à mon article. En effet le sujet mérite qu’on continue à l’explorer et c’était prévu. J’ai eu du retard sur le planning mais j’imagine que je pourrai rédiger la seconde partie le mois prochain.
On évoquera effectivement le sismique, qui semble être un élément commun à toutes ces constructions.
Amitiés.
Bonjour Serge,
Merci pour cet article introductif, hâte de lire la suite ! Elle devrait être publiée avant Noël si je comprends bien votre réponse à Auréliane ? 🙂 [spoiler: je prépare un petit fascicule d’articles sur ce sujet et d’autres, à offrir à mon conjoint qui s’intéresse à ces questions, d’où ma question pour savoir si je pourrai l’intégrer ou non ^^]
Bonne journée!
Julie
Bonjour Julie,
Merci pour le compliment ! Oui je suis dessus en ce moment. Je fais mon possible pour que ce soit en ligne avant Noël !
Amitiés.
B’jour. « Plusieurs théories existent, allant de l’utilisation de rampes et de rouleaux à des méthodes encore plus sophistiquées impliquant des dispositifs mécaniques primitifs. Nous verrons dans la seconde partie qu’il n’en est rien. »
& donc c’est quoi la solution pour construire comme ça sans électricité?