Savoir dimensionner un ouvrage en béton est indispensable dans nos métiers du bâtiment. C’est encore plus important lorsqu’il s’agit des semelles de fondations.
Aussi appelées « semelles filantes », en opposition aux pieux ou semelles isolées, ces dernières vont devoir supporter le poids de l’ensemble du bâtiment qu’elles soutiennent.
La taille, la profondeur, le dosage et l’armature des semelles de fondations sont une science et font l’objet d’études. Il s’agit de ne pas négliger la première étape du bâti que représente la fondation.
Il existe de nombreux types de semelles: Filantes, superficielles, profondes etc. Ces dernières doivent également être « Hors Gel » et répondre à un cahier des charges très précis, elles sont le premier édifice préalable à toute construction.
Je vous propose d’analyser, dans le détail, le plus important des ouvrages béton car c’est le premier à être mis en œuvre : Les fondations.
Définition d’une semelle de fondation
Les semelles de fondations, ou simplement « fondations », sont les éléments sur lesquels va prendre appui la future construction. Que ce soit une maison, un immeuble, ou tout autre bâtiment : Le principe reste le même.
Les fondations reçoivent le poids de la construction.
Ce terme regroupe plusieurs variantes. Il est question de semelles filantes, de fondations superficielles, profondes ou peu profondes, etc. Sans elles, aucune construction n’est possible.
Elles assurent le maintien du bâtiment dans son élévation et dans son horizontalité. De cette notion vient très largement le terme de « fonder ». Exemple : « Sur quoi vous fondez vos propos (..) ».
C’est dire à quel point cet ouvrage technique est important.
Ci-dessus : Schéma de principe pour comprendre la notion de « semelle ». Tout ce qui est au dessous de la ligne bleue médiane est l’ensemble qui forme la fondation. Au dessus, et jusqu’à la dalle, il s’agit du « soubassement ». Crédit photo : S.USTUN.
Je n’ai pas représenté le béton de propreté mais ce dernier peut s’imaginer sous le gros béton.
Dimensionnement des semelles de fondations
Les semelles de fondations sont généralement dimensionnées de manière empirique, pour les maisons individuelles de plain pied ou d’un étage seulement.
C’est le maçon qui définit leur taille (largeur et profondeur). Généralement la dimension d’un godet.
En revanche, pour les ouvrages plus complexes, plus lourds et plus volumineux, le dimensionnement de ces dernières passe systématiquement par un bureau d’étude : Les fameux BET (Bureau d’Etude Technique).
Une fondation est soumise à plusieurs critères pour évaluer sa dimension :
- Nature des sols (portance)
- Dimensions de l’ouvrage (type de bâtiment, poids, etc.)
- Zone géographique (hors gel et risque sismique)
C’est le document NF DTU 13.1 qui règlemente les travaux de fondations en France. Ce dernier a été finalisé pour application en Aout 2019. C’est donc très récent.
Définition des semelles sur le site Wikipédia.
Ci-dessus : Fondations fraichement coulées avec attentes de chainages. Crédit photo : S.USTUN
La règle de calcul fondamentale pour dimensionner une fondation est la « descente de charge », soumise aux Eurocodes. Je vous invite à lire mon article sur le sujet :
Comprendre la notion de descente de charge.
Nature des sols en présence
Pour dimensionner les fondations, il est nécessaire de connaitre préalablement la nature des sols pour en définir : La portance.
- Sol très portant (avec en tête, la roche évidemment)
- Sol moyennement portant (sols courants, mixtes, sablonneux, etc.)
- Sol à risque (présence d’argile, proximité d’un cours d’eau, etc.)
Cet extrait (ci-dessus) est intéressant car il met en avant un concept peu utilisé en France : Les fondations en bèches. Je reviendrai sur ce sujet dans un article dédié, car j’ai eu l’occasion de réaliser un immeuble sur des fondations de ce type.
Poursuivons.
Une mauvaise nature des sols et un mauvais dimensionnement peuvent impacter irrémédiablement la construction.
Les graves problèmes de retrait et gonflement des argiles en sont la preuve. Ces dernières années, le nombre de cas a été multiplié par un facteur dix. Ne négligez pas cette étape.
Selon cette donnée technique, déterminée par une étude de sol, il sera alors possible de définir la largeur nécessaire à la création des semelles mais également la profondeur des fondations.
Les semelles les plus courantes sont les « semelles filantes », en opposition aux semelles isolées ou pieux.
- Semelles filantes / Fondations superficielles (très courantes)
- Pieux / Dans le cas de terrains très instables ou difficilement praticables
- Semelles isolées / Comme pour le cas précédent ou en support de dénivellation
Profondeur des semelles de fondations : Le hors gel
La profondeur des fondations est une donnée importante, tout autant que les autres critères de dimensionnement.
Cette profondeur est calculée sur la base de l’altitude du lieu de construction ainsi que sur une règle de calcul établie par les ingénieurs. C’est le nu inférieur de la semelle qui importe.
En d’autres termes, c’est la profondeur à laquelle elle repose : Le fond de fouille.
Il existe des manières empiriques de définir la profondeur hors gel, en posant simplement la question aux différents négoces de votre lieu d’habitation. C’est bête, mais ça marche.
Pour les plus curieux, sachez que la profondeur pour atteindre le hors gel se calcule également sur la base d’une carte des régions et d’une note de calcul.
H = H0 + [(A-150/4000)]
Ci-dessus : Carte pour le calcul des profondeurs hors gel en France / Source : Fédération Française du Bâtiment
Encore une fois, si le cas de figure se présente, vous pouvez simplement questionner les professionnels du secteur géographique dont il s’agit. Ces derniers connaissent parfaitement la profondeur hors gel de leurs régions respectives.
Réalisation des fouilles pour couler les semelles de fondations
5 étapes simples à réaliser :
- Implantation de la construction à l’aide chaises pour tracer les fondations
- Décaissement des terres à l’aide d’une pelle mécanique
- Nettoyage des fonds de fouilles et coulage d’un béton de propreté
- Positionnement et chainage des semelles en acier faisant l’armature de la fondation, positionnement des attentes
- Coulage du béton
La réalisation des fouilles est une étape relativement simple.
Après avoir délimité l’emprise de la construction par des « chaises », les conducteurs de travaux tracent généralement un trait à l’axe de la fondation, à l’aide d’une bombe de traçage.
Ce trait fluorescent permettra au terrassier de placer correctement le godet de sa pelleteuse.
En général (je dis bien en général), pour une maison individuelle, la fouille correspond à la dimension d’un godet. D’où l’importance de tracer le trait à l’axe du godet. Cela évite les calculs complexes.
La fouille est toujours « grossière ».
Il ne s’agit pas d’avoir un terrassement parfaitement rectiligne, nous parlons vulgairement de « trous ». Le godet étant souvent plus large que le nécessaire, il y a peu de chances de sous dimensionner l’ouvrage.
Dans un souci de garder un fond de fouille propre et apte à recevoir le ferraillage, il faut couler un « béton de propreté » de 4 centimètres en fond de fouille. Cette règle n’est pas toujours observée cependant.
Le béton de propreté peut être faiblement dosé, à 150 kilos par exemple.
Important :
Il ne s’agit pas de couler le béton après de fortes pluies.
Si tel est le cas, il est nécessaire de « curer » le fond de fouille et de restabiliser les évidements au godet. La présence d’eau en fond de fouille avant le coulage de la semelle est la garantie d’avoir des fissurations !
Dosage du béton de fondation
Pour les semelles de fondations courantes, le béton sera dosé à minima à 350 kilos.
Parfois jusqu’à 400 kilos selon le type d’ouvrage. En revanche, pour le béton de fond de fouille (béton de propreté), un dosage à 150 kilos suffit très amplement.
En règle générale, il est d’usage d’employer un béton S3 pour la réalisation des semelles de fondations. Comme je l’écrivais il y a peu dans un précédent article, il est parfois utile d’aller chercher un béton S4, plus fluide (lien en bas du paragraphe).
Ce dernier permet, de part sa grande fluidité, d’atteindre des fonds de fouilles très éloignés de la goulotte d’une toupie.
Pour les chantiers sur lesquels vous ne pouvez pas manœuvrer sur le terrain, et sur lesquels vous n’avez pas de PUMI (pompe et flèche), le S4 est d’une aide précieuse.
En théorie, vous ne devriez pas doser vous même le béton pour le coulage d’une semelle de fondation. Soit en totalité (dans le pire des cas) soit de façon partielle pour éviter de commander un reliquat d’un mètre cube par exemple.
Or, c’est en « théorie ».
Car dans la pratique, bien souvent, les maçons ne vont pas commander une nouvelle rotation de toupie pour un manque de quelques mètres linéaires de fouilles.
Ils vont réaliser eux-mêmes le béton, ce que je déconseille sur un plan règlementaire, mais qui fonctionne très largement pour du bâti standard (petite maison de plain pied par exemple).
Lire mon article spécifiquement dédié au sujet du dosage
Armature des semelles
L’armature des semelles de fondations est aussi importante que le béton lui même.
C’est la première « ceinture » de toute construction, même si elle est invisible. Ici encore, il est question de dimensionnement des aciers et de leur typologie.
Une étude béton permettra de correctement choisir les chainages nécessaires et les liaisons pour créer la ceinture. Types de tors (fers à béton), diamètre et longueur de recouvrement aux angles.
Lire mon article sur le dimensionnement des fers à béton
L’armature en fer porte le même nom que la semelle filante.
A cette étape, il convient également de positionner les fers en attentes. Ce sont ces morceaux de chainages que vous voyez sortir du béton, souvent recouverts de protections « champignons » rouges ou jaunes.
Ci-dessus : Exemple d’armature courante pour armer les semelles de fondations. Il en existe évidemment une grande variété de modèles.
Vous entendrez souvent le terme de 15/35 par exemple. C’est le type de chainage filant typique pour une maison individuelle. Ce dernier, comme le laisse supposer son nom, est de 15 centimètres de large sur 35 centimètres de hauteur. C’est un 6 fils.
Les fers à béton permettant de réaliser la ceinture sont eux aussi d’une grande importance.
Un 15/35 non lié aux angles n’a absolument aucune utilité ! Si vous observez les chainage non liés aux angles sur un chantier, stoppez immédiatement l’avancement des travaux.
C’est un cas courant de malfaçon (soit d’incompétence, soit de négligence).
Relier la « terre » aux semelles ?
A ce stade, il est généralement temps de positionner la terre (le fil de terre). Bien des maçons lient le câble de terre à l’armature des fondations en pensant que le travail est fini : C’est une mauvaise pratique.
NOTA : Il ne faut pas relier la terre aux armatures de chainage sans la relier au piquet de terre !
Tout du moins c’est une pratique incomplète.
Relier le câble de terre au chainage doit se terminer par la connexion à un véritable piquet de terre, enfoncé dans le sol, offrant la résistance nécessaire (en Ohms) et une parfaite conductivité.
Cette négligence peut porter à de lourdes conséquences, car il est ici question de la sécurité des biens, mais surtout des personnes.
Dimensions des fondations pour une maison individuelle
Pour une faible descente de charge et une bonne portance des sols, le dimensionnement des semelles de fondations est assez sommaire :
Une largeur et profondeur de godet ! soit 50 x 50 centimètres pour une maison courante de plain pied sur un bon terrain.
C’est vrai, cette méthode de calcul ne fait pas « très sérieux ». C’est pourtant le cas le plus courant. La largeur et la profondeur d’une semelle doivent être préalablement définies par un bureau d’étude (BE).
Ci-dessus: Exemple de « notice » obligatoirement fournie par le constructeur à son client. Il doit y être mentionné le type de semelles de fondations, ainsi que son armature.
La bonne pratique : Passer par un bureau d’étude
Ce dernier, sur la base de l’étude géotechnique (obligatoire), va dimensionner les fondations pour permettre de garantir la pérennité de l’ouvrage.
Il est donc question de la nature du sol, mais également de la descente de charge (poids sur une élévation) et de la zone sismique du lieu de la construction.
La règle de calcul étant d’une grande complexité, je ne vous la livre pas ici.
Sachez que ce sont les Eurocodes qui définissent ces modes de calculs. Il est évidemment question de portance, mais également de moments de forces, et d’état limites.
Pour les curieux :
Je vous invite à lire l’article sur le site internet : « Techniques de l’ingénieur ».
La limite de propriété et la largeur des fondations
En règle générale, on doit bâtir à l’axe des semelles de fondations. Cela implique que les parpaings du soubassement sont très exactement au centre de la semelle.
Dans certains cas seulement, il est nécessaire de bâtir en limite de cette dernière : Le cas des limites de propriétés.
Exemple ci-dessus : Le premier rang de parpaing est monté très exactement à l’axe des semelles de fondations. Ces dernières sont très larges et profondes car le bâtiment est un R+2 (2 étages et un sous-sol). Chantier de maçonnerie à Marseille (13).
En effet, quand le permis de construire exige que les élévations (murs) soient en limites de propriété, il devient nécessaire de couler une fondation qui sera elle-même en limite du terrain.
Dans ce cas, il faut bancher la limite extérieure, et couler non pas à l’axe, mais de façon déportée vers l’intérieur du terrain.
Ces cas sont toujours très épineux sur un plan d’admissibilité technique, en revanche, je n’ai personnellement jamais eu de sinistre dû à cette contrainte.
Dimension des fondations pour un mur de clôture
Un mur de clôture ne nécessite pas de lourdes fondations, s’il est peu conséquent.
Un muret de 3 rangs, par exemple, ou un mur de 1 mètre de hauteur n’exercent que très peu de descente de charge. Il faut cependant surveiller la poussée des terres mais le cas est différent, il s’agira de soutènement.
Ainsi, pour des clôtures « standards », une fouille de 30 centimètres suffit très largement, si elle ne présente pas de risque de « déchaussement », autrement dit, si les terres l’enrobent correctement.
Il s’agit de fondations très superficielles dans ce cas de figure.
Métrage des ouvrages de fondations simple
Réaliser le quantitatif pour une semelle de fondation est encore une fois d’une grande simplicité. Pour le béton, le calcul est pragmatique :
- Longueur des fouilles (en mètres linéaires)
- Largeur des fouilles (en mètres linéaires)
- Résultat en mètre cube
Pour exemple, une maison rectangulaire simple en plain pied de 10 mètres de longueur et 8 mètres de largeur sur un sol portant, sans refend :
- Longueur : (10×2) + (8×2) = 36 mètres linéaires
- Largeur et profondeur : 0,50 (50 centimètres soit la taille du godet) x 0,50 (profondeur de la fouille) = 0,25 (section)
- Cubage de béton : 9 mètres cubes
- Linéaire d’armature en acier : 36 mètres (6 unités de 6 mètres)
- Ajouter 6 fers à béton par angle en calculant la longueur de recouvrement nécessaire
Attention, les toupies sont rarement calibrées pour ce cubage, il sera donc nécessaire de faire intervenir une toupie complète (généralement 7,5 m3) et un reliquat de 1.5 m3. Cela doit être pris en considération dans le calcul.
Pour les semelles en acier, le calcul est simple, il s’agit de la longueur totale des fouilles : 36 mètres linéaires. Ces dernières mesurent généralement 6 mètres, le compte est bon : 6 unités.
Enfin, il faut calculer le nombre de fers à béton pour lier les angles, soit 6 fers par angle dans ce cas (6 fils).
Les angles doivent être ligaturés avec du fil de fer et une « queue de cochon ».
Merci pour vos lectures et bon chantier !
Serge USTUN / Crédits photos : Serge USTUN