Dans le bâtiment, il est une notion que vous devez comprendre et maîtriser : La descente de charge.
Dans cet article je vous donne les clés de la compréhension des efforts appliqués aux bâtiment.
Je souligne le terme de « notion » car vous devez quoi qu’il arrive consulter un ingénieur structure pour aller plus loin.
Alors rassurez vous, nous n’allons pas faire de calculs aujourd’hui !
Vous êtes prêts, on y va !
La descente de charge : définition
Dans le domaine de la construction ou de la rénovation, la descente de charge est le concept le plus important dont la connaissance permet de dimensionner les matériaux porteurs.
- Piliers (notion essentielle notamment en béton armé et en ossature bois)
- Dalles (notion courante)
- Linteaux (notion courante)
- Poutres (notion impérative et essentielle dans tous les corps d’état)
- Fondations (impératif de connaissance tous corps d’état)
Ci-dessus : J’ai matérialisé sous forme de flèches bleues les forces exercées lors de la descente de charge sur une maison individuelle. Le schéma est volontairement simpliste. Crédit photo : S.USTUN
La descente de charge est le processus par lequel les charges, qu’elles soient permanentes, variables ou temporaires, sont transférées depuis les différentes parties d’une structure jusqu’à ses fondations.
Toujours du haut vers le bas.
Comprendre et maîtriser ce concept est essentiel pour garantir la stabilité et la sécurité de tout ouvrage bâti.
Ce qui nous intéresse ici, c’est évidemment de comprendre les termes, dans un premier temps. Ensuite, il faudra exploiter cette terminologie pour élaborer une base de réflexion.
Charge = masse & force exercée :
Je pense que le terme de « charge » ne posera aucune difficulté en première approche, il désigne la masse des matériaux, mais pas uniquement :
- Masse des matériaux en œuvre : Brique, parpaing, charpente, dalle etc.
- Masse des éléments de vie : Personnes, mobilier, véhicules etc.
- Charges temporaires : Neige.
- Poussée quelconques : Terres, poches d’eau retenue sur une bâche, etc.
Autrement dit, la descente de charge c’est l’ensemble du poids qui pèse sur un élément en partant du plus haut, vers le plus bas. Nous pouvons donc la définir ainsi :
« La descente de charge est l’ensemble des forces exercées de haut vers le bas sur une structure porteuse. »
Dans la réalité, c’est bel et bien la « force » exercée et non la « masse » à proprement parler. Je développerai ce sujet dans le détail sur le forum, si cela vous intéresse d’aller plus loin.
Restons simples et continuons.
Exemple concret :
Suite à un incendie, un vieux linteau en bois est considérablement brûlé. Vous devez l’étayer, mais pour cela vous devez connaître la descente de charge appliquée pour savoir si le ou les étais pourront en supporter le transfert des forces.
Autrement dit : Tout le poids (force) qui se trouve au dessus du présent linteau doit être récupéré par ce dernier, qui le transmettra aux jambages.
Si vous ne maîtrisez pas cette notion, comment allez vous positionner vos étais ?
Maîtriser la notion
La descente de charge peut être définie comme le cheminement des forces exercées sur un bâtiment, depuis les éléments les plus hauts (comme la toiture) jusqu’au sol, en passant par les différents éléments porteurs intermédiaires (dalles, poutres, poteaux, murs porteurs, etc.).
Pour info : Les ingénieurs calculent toujours leurs dimensionnements en partant des éléments les plus hauts, pour finir par les éléments les plus bas : Les semelles de fondations !
Ci-dessus : L’étayage de la voute est réalisé par un artisan qui ne comprend visiblement pas la notion de descente de charge. Dans ce cas précis, sur un de mes chantiers, les étais sont là pour « faire plaisir » à l’expert. Crédit photo : S.USTUN
Chaque élément structurel joue un rôle dans la transmission des charges aux fondations, qui les répartissent ensuite dans le sol. Les charges auxquelles un bâtiment est soumis sont généralement classées en trois catégories principales :
Charges permanentes :
Elles incluent le poids propre des matériaux de construction (murs, planchers, toitures) et les équipements fixes (comme les cloisons non démontables).
Exemple : Les parpaings qui constituent le pignon d’une maison exercent une force sur le linteau de la baie vitrée, qui exerce une force sur les poteaux (jambages) et qui eux mêmes viennent exercer une force sur la fondation.
Charges d’exploitation ou variables :
Elles proviennent de l’utilisation du bâtiment, comme le mobilier, les occupants, et les équipements amovibles. Pour une terrasse par exemple, il convient de se donner une forte marge de sécurité en cas de dimensionnement.
Le risque pouvant aller jusqu’à l’accident : Lire mon article sur l’effondrement de terrasse dans le Cantal
Charges accidentelles ou temporaires :
Ce sont les charges exceptionnelles, telles que les charges dues au vent, à la neige, ou encore les séismes. Pour une toiture par exemple, il convient de calculer une surcharge temporaire due à la neige.
Attention : Les poussées latérales sont aussi considérées comme des charges. La question peut se poser lors de la nécessité de créer un soutènement par exemple.
Descente de charge : Les risques
Ne pas maîtriser la notion de descente de charge peut engendrer des risques conséquents, notamment dans l’après sinistre. Je reviens sur ce sujet car en construction neuve, le problème sera géré en bureau d’étude.
Ci-dessus : Carte de zone de neige permettant de calculer les descentes de charges dues à la neige / Eurocodes / Source : Les cahiers de l’ingénieur.
Risque de stabilité structurelle :
Transférer les charges sur un mauvais support?
Une répartition correcte des charges assure que les éléments structurels ne soient pas soumis à des efforts excessifs, réduisant ainsi les risques de défaillance ou de fissuration.
Les exemples sont nombreux dans lesquels la mauvaise maîtrise de la notion de charge peut être dangereuse.
Exemple en situation réelle :
Lors d’une visite de chantier, les intervenants ont étayé une vieille charpente ne prenant pas compte des notions de descente de charge. De ce fait, ils placent des étais sur un vieux plancher en bois massif.
La méconnaissance des règles de transmission des efforts engendre un problème supplémentaire au problème initial en déformant, à risque, le plancher.
La descente de charge n’étant plus exercée uniquement sur les pignons, cette dernière vient appuyer sur un plancher qui n’est pas conçu pour. Risque financier important, et risque humain inévitable : C’est une faute professionnelle (cas réel, Beauchastel 2018).
Sécurité des occupants :
En garantissant la stabilité du bâtiment, la descente de charge protège les occupants contre les risques d’effondrement partiel ou total de la structure.
Exemple d’un cas réel :
Un intervenant en mesure provisoire après sinistre pose un bâche sur une maison maçonnée.
Il ne maîtrise pas la notion de descente de charge. Suite à son intervention, un fort épisode de pluie engendre une « poche » d’eau qui augmente considérablement les efforts transmis aux pignons. C’est l’accident (cas réel, Marseille 2022).
Optimisation des matériaux :
Une analyse simple mais précise permet de dimensionner chaque élément au plus juste, évitant ainsi le surdimensionnement (et donc le surcoût) tout en assurant la sécurité.
Dans certains cas, il ne sera même pas nécessaire de créer un maintien (voir ma photo plus haut, sur laquelle les étais ne servent à rien).
Conformité aux normes :
Les réglementations en matière de construction exigent une descente de charge rigoureusement étudiée, pour répondre aux standards de sécurité en vigueur.
Ce sont les Eurocodes qui traitent de ce sujet.
Comprendre pour mieux métrer
En génie civil ou en construction neuve, inutile de vous attarder sur notre sujet du jour. Passez par un BE (Bureau d’étude) !
En revanche, comme nous sommes tous régulièrement amenés à œuvrer sur des ouvrages en rénovation ou en reconstruction, il est impératif de connaître les notions de descente de charge pour pouvoir « métrer » nos interventions.
Un bon métreur en bâtiment doit être en mesure de préconiser les meilleurs solutions, adaptées à chacun des cas qu’il rencontre. En après sinistre, cette connaissance est encore plus importante : Elle écarte le risque.
Le calcul de descente de charge
Le calcul de la descente de charge nécessite une compréhension approfondie des différents éléments structurels et de la manière dont ils interagissent.
Identification des charges : Il s’agit de déterminer toutes les charges qui agissent sur la structure, en tenant compte de chaque composant. Ces éléments sont obligatoirement présent sur les fiches techniques des matériaux.
Pour certains matériaux fongibles, comme le bois, il faudra se référer aux données techniques des industriels.
Ci-dessus : Petite vidéo que j’ai trouvé très intéressante, je vous invite à la regarder.
Transmission des charges :
Chaque charge est transmise aux éléments inférieurs selon leur capacité portante. Par exemple, une dalle transmet sa charge aux poutres, qui la transmettent aux poteaux, et ainsi de suite.
Une panne en bois, va transmettre les charges qu’elle même supporte, aux pignons d’un mur maçonné, qui va lui même transférer la charge à la dalle, et aux fondations.
Pour faire simple, on peut dire que :
- Tuiles + Liteaux + chevrons = transfert de charge à la panne (sur 2 appuis par exemple) +
- Panne + isolant + placo en plafond + fourrures et suspentes = transfert de charge aux pignons (donc divisé par 2 dans ce cas) +
- Parpaings ou briques + enduit + doublage = transfert de charge sur la dalle ou les soubassements +
- Dalle + hourdis + entrevous + carrelage + sable + soubassement = transfert de charge aux fondations.
Ce sujet est la base des calculs de dimensionnement des fondations en l’occurrence : Les semelles.
Lire mon article sur les semelles de fondations.
Les implications en après sinistre
La bonne connaissance de la descente de charge peut éviter des erreurs de jugement dans l’après sinistre. Bien plus souvent qu’il n’y paraît de prime abord.
Ci-dessus : Le positionnement d’un unique étai à créer un déplacement des efforts mal appréhendé par le maçon. Cette contrariété dans les forces à généré un cisaillement de la dalle quelques centimètres plus loin : Risque d’accident. Crédit photo : S.USTUN
J’ai plusieurs exemples en tête mais je vais vous donner les 2 exemples les plus flagrants. Le premier est une méconnaissance totale de la notion de descente de charge, le second une erreur de jugement.
Dans le premier cas, à part perdre son temps cela ne représente aucun risque. Dans le second, le risque est si grave qu’il aurait pu engendrer un « sur accident ».
A vous de bien lire ce qui suit, et le garder précieusement en tête.
Deux cas de descente de charge mal appréhendés
Premier cas de figure :
A Marseille, proche de la rue Tivoli dont j’ai géré une partie des sinistres, voici ce que nous pouvons constater au droit d’une porte d’entrée, magnifique au demeurant.
Ci-dessus : Dans ce cas, les étais ne « servent » à rien, si ce n’est d’augmenter les risques de cisaillement de la pierre de taille. Les étais ne sont pas adaptés pour reprendre les efforts. Crédit photo: S.USTUN
Ici, deux étais ont été placés sous un bastaing en bois, pointés avec des clous. La mise en œuvre est correcte, mais est-elle pertinente ?
La réponse est non.
Il est clairement impossible d’imaginer que ces deux étais vont reprendre la descente de charge de toutes les forces exercées sur le pignon d’un immeuble de six étage en pierre. Une solution plus judicieuse consistait à créer des consoles pour transmettre les efforts aux jambages.
En outre, le bastaing devrait recouvrir toute la retombée de linteau et pas uniquement sa moitié. Ces deux étais vont générer des fissures plus importantes que les fissures existantes.
Dans ce cas, les étais sont inutiles.
Deuxième cas de figure :
Comme je l’évoque plus haut, lors d’une mesure provisoire en après sinistre, le maçon dispose un étai unique au droit de la retombée d’une terrasse en béton.
Cet étayage contrarie les forces appliquées, ces dernières allant nécessairement rechercher des points d’appuis « ailleurs ». Cependant, dans ce cas nous sommes sur une terrasse en porte à faux, autrement dit : Sans appuis.
Ce « déplacement » de descente de charge a engendré un net cisaillement de la dalle, qui aurait pu conduire à un désastre. Il aurait été plus convenable de positionner une « ligne d’étais », comme lorsque qu’on coffre un plancher haut.
Vérification des éléments en présence :
Chaque élément est ensuite vérifié pour s’assurer qu’il peut supporter les charges qui lui sont transmises. Cela inclut la vérification des matériaux, des dimensions, et de la résistance.
Recalcul en cas de besoin :
Si un élément ne répond pas aux exigences de résistance, il est redimensionné, et la descente de charge est recalculée pour vérifier la conformité de l’ensemble.
Le devoir de conseil
Dans votre quotidien vous n’êtes pas seulement là pour relever deux points de cotes. Vous avez un devoir de conseil.
Ci-dessus : Mauvais positionnement des étais en mesure provisoire. Un métreur ou un chargé d’affaire qui préconise ce type de reprise des efforts n’est pas un professionnel. Dans ce cas, les étais sont parfaitement inutiles. C’est un cas réel. Crédit photo : S.USTUN
Lors de votre métrage, spécialement en après sinistre, vous devez impérativement conseiller l’expert et/ou le chargé d’affaire sur ce point.
Il en va de la vie des intervenants, le sujet est donc grave. Au delà de la sécurité, ce devoir de conseil vous amène à réfléchir aux actions à mener.
Ainsi, l’expert vous remerciera dans un cas comme dans l’autre, de l’avoir correctement aiguillé.
Sources importantes
- Eurocodes : calcul de descente de charge appliquées par la neige
- Vidéo explicative sur la descente de charge en pilier
- Notions globales d’étaiement sur Wikipédia
Conclusion
Aujourd’hui, les ingénieurs en structure utilisent des logiciels de calcul avancés pour simuler et vérifier la descente de charge.
Ces outils permettent de modéliser le comportement d’un bâtiment sous différentes charges et conditions, et de visualiser la répartition des forces à travers la structure.
Cependant, une bonne maîtrise des principes théoriques reste indispensable. Cela permet d’interpréter les résultats et d’anticiper les problèmes éventuels.
Même si vous ne les calculez pas vous même !
La descente de charge est un pilier central de l’ingénierie du bâtiment.
Elle garantit la stabilité et la sécurité de la structure, tout en optimisant l’utilisation des matériaux.
Maîtriser ce concept permet non seulement de concevoir des bâtiments sûrs et durables, mais aussi de respecter les normes en vigueur tout en étant économiquement efficace.
Chaque projet de construction, qu’il s’agisse d’une simple maison individuelle ou d’un gratte-ciel complexe, repose sur une analyse rigoureuse de la descente de charge, rendant ce processus indispensable dans l’art de bâtir.
Merci pour vos lectures et bon chantier !
Serge USTUN.