L’IA va t’elle révolutionner le bâtiment ?
C’est une question, tournée sous forme de question, car rien n’est moins sûr. C’est également une affirmation car le sujet est posé, et on ne peut l’ignorer et feindre qu’il n’existe pas.
Si l’IA est aujourd’hui omniprésente dans nos vies sans même que nous le sachions (algorithmes de chat pour les hotlines, programmes de modélisation, smartphones, etc) certains secteurs et métiers historiques s’en trouvent affectés. Et si vous pensez qu’être un bon maçon va vous mettre à l’abri de l’avalanche IA, vous vous trompez. Un peu tout du moins.
Les photographes ont vu leur univers totalement chamboulé à l’apparition du numérique qui venait en définitive remplacer l’argentique. Et ce même si tout le monde pensait à l’époque que c’était: impossible. Puis ils s’imaginaient que rien ne remplacera l’œil du photographe et sa maîtrise des sujets. On pense aujourd’hui que c’est : impossible.
Constat, l’argentique est devenu ultra marginal, et l’IA donne des sueurs froides aux meilleurs photographes (non dans ses versions actuelles pour midjourney par exemple, mais dans ses versions à venir), l’IA nous bluffe, nous bouleverse, et bientôt, nous remplace.
Le domaine de la musique est également impacté. Allant de la création de toute pièce de variété, pop, hipop jusqu’à compléter ou achever des symphonies complètes de grands maîtres aujourd’hui disparus dans le plus fidèle des styles. Bluffant. Dérangeant.
La santé, la médecine, seront les prochains (bénéficiaires/tributaires) impactés par l’IA.
Les sciences dures (biologie, physique, chimie, astro-physique) sont déjà liées aux IA au point de les considérer comme des collaborateurs/trices. Les rendant naturellement nécessaires et indispensables.
Ok, nous pourrions énumérer pendant des heures métier par métier mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’IA dans le bâtiment ! Alors soyons factuels et pertinents.
En première ligne, ces métiers vont disparaitre : Architecte, Géomètre, Métreur, Dessinateur, Projeteur, technicien en BE, économiste du Bâtiment.
Architecte:
Oust ! Finish ! Finito. Le métier d’architecte pour ma part (ndlr / Serge Ustun) et cela n’engage que moi, va disparaitre au profit de l’IA. Aujourd’hui il est déjà possible de poster une vue (volet paysager) d’un terrain, donner les dimensions, la localisation géographique, et dire à l’IA:
Je veux une maison R+1 avec 3 chambres bien exposée, avec un accès non clos, avec un bon ensoleillement, 2 sdb et 2 WC, 1 cuisine moderne et surtout un accès PMR car j’heberge ma maman.
L’IA vous sortira les plans avec 3, 4, 10 variantes en 10 minutes max.
Soyons donc sérieux, écartons l’affect et le narcissisme, le métier d’Architecte va disparaitre sous 10 ans. Déjà fragilisé ces 15 dernières années par les plans PDF types à télécharger sur le net et des outils gratuits comme SketchUp, les Architectes ne tiennent plus aujourd’hui qu’au tertiaire, et aux permis de construire dépassant les 172 M2.
Voir cette vidéo de très bonne qualité sur le sujet
Métreur économiste de la construction :
Espérance de vie, moins de 5 ans. Aujourd’hui déjà certains logiciels sont capable de « comprendre » sur un plan en PDF ou JPG des murs porteurs, des refends, des cloisons, des doublages isolés ou non isolés, des surfaces, des portes poussant droit ou gauche…. Bref. Avec un simple fichier txt que fournira l’industriel ou le négoce, une IA adaptée, et le métier de métreur (sur plan) va disparaitre. Dans la rénovation, si les outils 3D et le LIDAR s’ameliorent, un métrage complet se fera avec son smartphone et une IA pour interpréter et retranscrire les résultats. (Lire mon article sur le Colour Reader de PPG) Le métier de métreur sera donc à mon sens le premier à disparaître.
Dessinateur/Projeteur/Arpenteur/Géomètre :
Inutile de rédiger un long texte, la firme DJI dispose déjà de drônes capables de faire des métrés ultra précis, dénivellation, surfaces, angles, implantation, point géodésiques, bornes de limitation…. Et les transcrire à un logiciel, imaginons Revit ou Archicad, devient un jeu d’enfant sans besoin d’un humain derrière qui devrait recoller, dessiner et calculer en un temps clairement plus long, donc plus coûteux. L’IA dans le bâtiment sera essentiellement dévolue à la maîtrise (baisse) des coûts.
Technicien en bureau d’étude / calcul de structure:
Ces métiers vont disparaitre sous 10 ans. Ils pourraient disparaitre avant très clairement mais c’est ici plus un problème juridique que technique. Car lorsque les assureurs accepterons de prendre en garantie une note de calcul totalement générée par une IA (ce qu’elles savent aujourd’hui faire avec perfection), le technicien, ingénieur sera une charge salariale qui deviendra facultative dans la plupart des entreprises du bâtiment. C’est dur mais réaliste.
Les conducteurs de travaux:
Le conducteur de travaux sera peut-être un métier préservé dans les premières années, car il est ici question de pondération et de stratégie qui intègre de l’humain, de la connaissance du secteur, de la capacité à manager et adapter. Même si je suis convaincu que là encore il va y avoir du changement, je pense que ce dernier métier sera pour le moins épargné un temps. Car si le savoir et les contraintes connexes se perdent, si la plupart des process sont dématérialisés, alors clairement le métier de conducteur de travaux verra se vider de son essence. A voir.
Le négoce sera lui aussi impacté :
La gestion des commandes, l’envoi au préparateur sera substitué à des automates qui commande par commande pourront alimenter les plateaux des semi sans intervention humaine.
Dans le neuf, sur des lotissements:
Maçon : Rappelez vous l’excellent I Robot avec Will Smith. La première scène où il rentre en conflit avec une IA est justement une machine robotisée de construction/démolition. C’est sans appel. La réalité dépasse déjà la fiction notamment avec le groupe Potain qui dispose déjà de grues capables de construire agglo par agglo des maisons, des immeubles. Donc hors rénovation et zones très denses (chemins, traverses, maisons de rue) pariez avec moi que ce métier va lui aussi disparaitre (en construction neuve).
Charpentiers/Couvreurs:
Et bien pour résumer: Idem ! Sur les chantiers neufs, en lotissement ou sur zones industrielles et commerciales, rien de ce que fait le charpentier ou le couvreur ne peut être remplacé par une IA. Cela vous paraît fou ? Détrompez vous cela existe déjà.
Peintres:
Le métier de peintre est moins mis en danger par l’IA que par le DIY ( Do It Yourself). Les peintures sont de plus en plus couvrantes, les produits de plus en plus efficaces, et bientôt les industriels vont déployer les plaques de parement qui pourront changer de teinte. Donc ce métier va disparaitre mais pas à cause des IA , juste qu’il n’est plus adapté. Il subsistera des peintres en direct pour de riches possédants, en sous-traitance sur des dossiers dans l’ancien, sur les chantiers de très haute qualité artisanales ou de préservation de monuments.
Électriciens/plombiers:
Ces deux métiers très techniques ne seront pas remplacés, ils seront simplifiés. Il ne s’agira plus là de réfléchir sur des actions de mise en œuvre et de les exécuter mais plutôt de connecter des connecteurs ! Raccords rapides, schéma avec des codes couleurs sans connaissance requise, matériaux amalgamants sans soudure ou clips (déjà le cas avec le PER, le cuivre, le PEX) sans outils, etc. Par conséquent l’IA ne va pas remplacer ces métiers mais les rendre accessibles à des personnels non qualifiés. Ce sont les industriels eux même qui sur ce plans sont « fautifs » si tant est que ce soit une faute de faciliter les mises en œuvre.
Métiers épargnés:
C’est ici mon avis, donc discutable mais certains métiers seront épargnés du fait de leur grandes complexité. Et « complexe » n’est pas synonyme de « compliqué ». C’est tout le paradoxe avec l’IA.
Menuisiers / Ébénistes:
Mais quelle étrange affaire ? Pourquoi donc les menuisiers seraient ils épargnés par l’IA. Bien que les IA les plus « tendance » soient basées sur une étude de la « langue », du langage, il est des métiers qui justement lui font front de part la complexité de leur propre langage. Il ne faut pas moins de 400 mots pour comprendre la menuiserie, soit peu ou proue l’équivalent de la couverture linguistique de base pour s’exprimer en Français par exemple. La menuiserie est donc à elle seule une langue que l’IA ne saurait dans un premier temps appréhender. Le serrurier, le céramiste et l’ébéniste seront des métiers pour un temps inabordables aux IA.
En conclusion de cet article, que dire sur l’impact de l’IA sur nos métiers du bâtiment ?
Et bien nous aussi, boiseux, ferreux, maçons et autres hommes et femmes de l’art allons voir nos métiers très largement évoluer ces prochaines années (moins d’une décennie). L’évolution est exponentielle, non linéaire. Il va indéniablement résulter de l’IA une baisse significative du nombre d’acteurs dans les filières du bâtiment. Restons éveillés face à cette nouvelle technologie et refusons nous à penser, que nous serons épargnés du fait que seul un homme ou une femme sait poser une plaque de Ba13, car c’est déjà aujourd’hui faux ….
Affaire à suivre. L’IA dans le bâtiment sera sans aucun doute le sujet de nombreux nouveaux articles dans les mois, années à venir.