A l’arrivée de l’hiver, reviennent chaque année les solutions d’isolation thermique les plus polémiques. Le papier peint thermique est-il fiable, à l’instar de ses homologues de la catégorie des isolants minces, dont on sait qu’il n’ont aucun fondement rationnel pour la plupart ?
Oui et non.
Le papier peint thermique peut s’engager sur ce terrain à condition de répondre à certaines exigences de mesurabilité. Par conséquent, cette question mérite une réponse claire, que je me propose de développer dans cet article.
Avant propos
Chaque année c’est le même épisode d’un longue série, avec les mêmes figurants. Une isolation thermique efficace étant une nécessité absolue en France, cette niche attire tous les regards, et pas forcement les plus avisés.
J’ai déjà rédigé de nombreux articles sur la question des isolants minces non certifiés, et je vous renvoie à ces derniers (en lien ci-dessous). En effet, si le sujet n’était pas si grave, il serait presque « amusant ».
Cependant, de plus en plus de foyers sont les « doubles » victimes d’un manque de rigueur intellectuelle des industriels du bâtiment. Victimes de passoires thermiques d’une part, et des fausses informations d’autre part.
Le papier peint thermique rentre t-il dans ce que je nomme les produits « fantasques » du bâtiment ? Oui et non, et je vais vous expliquer pourquoi dans ce dossier.
Contrairement à la peinture thermique isolante qui demeure une véritable escroquerie, le papier peint thermique dispose de quelques atouts tangibles.
- Lire mon article sur la peinture thermique isolante.
- Consulter mon dossier sur les isolants minces.
Le narratif « copier-coller » sur le papier peint thermique
Il est intéressant de voir à quel point nos blogueurs manquent de sérieux. Une simple recherche sur votre moteur de recherche préféré vous mènera vers de nombreux articles dont les termes sont des « copier-coller » d’un narratif bien établi.
Une réduction de perte de chaleur de 18 % !
La réduction de perte de température de 18% est affichée sur absolument tous les articles de blogs. Etonnamment, rien sur les sites internet institutionnels comme celui du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) par exemple, pourtant le principal organisme intéressé.
D’où peut bien sortir ce chiffre de 18% ? Est-ce un chiffre magique ? Une « loi » fondamentale de la physique des matériaux ? Il n’en est rien, c’est juste un narratif commercial peu scrupuleux.
Le discours est simple, il s’agit de mettre en avant les critères les plus souvent évoqués en matière de rénovation et d’isolation :
- Pas de lourds travaux = Oui.
- Economique = Oui.
- Facile à mettre en œuvre y compris pour le particulier = Oui.
- 18 % de réduction des pertes de chauffage = Non, du moins pas sans éléments de mesures tangibles.
En d’autres termes, le papier peint thermique réussit un exploit, là où les professionnels énergéticiens échouent : 18% d’efficacité supplémentaire !
Le problème n’est donc pas le papier peint thermique en soi, mais le manque de sérieux des blogs et sites internet qui relaient cette information sans connaître les règles fondamentales de l’isolation thermique : La résistance « R ».
Je vous explique cela dans le 4ème paragraphe ci-dessous.
Papier peint thermique : Comment classer ce produit ?
Je serai moins critique sur le papier peint thermique que je le suis sur la peinture thermique isolante. Cette dernière étant une hérésie intellectuelle.
En effet, le papier peint apporte en soi de la matière. Autrement dit, nous ne sommes pas sur une passe de peinture au micron, mais bel et bien sur un revêtement de plus ou moins forte épaisseur.
Par conséquent, le papier peint, thermique ou non, est « de facto » une couche supplémentaire de matière apportée aux parois. On peut donc légitimement accepter que ce dernier soit « plus ou moins » isolant.
Contrairement à la peinture thermique, ici nous avons des chiffres.
Certes, j’ai passé plusieurs heures avant de trouver les informations chiffrées et seul un fabricant sérieux donne les bonnes indications. Je reviendrai sur ce point plus bas dans l’article.
Comment classer le papier peint thermique : Embellissement, ou isolant ?
La véritable question est donc celle-ci : Comment classer le papier peint thermique ?
Dans le bâtiment, il n’est pas autorisé de s’auto-proclamer « isolant » sans recourir à des organismes certificateurs : L’ACERMI et le CSTB.
Le papier peint traditionnel est classé dans une catégorie très clairement définie, celle des « embellissements ». Aucune ambiguïté sur ce point. En revanche, la laine de verre ou la laine de roche sont classées dans la catégorie « isolants », et là aussi, cela ne prête à aucune confusion.
Dès lors, comment classer le papier peint thermique : Est-ce un produit d’embellissement ou un isolant ?
Comprenez qu’il est ici question de promesse. Les produits d’embellissements promettent un rendu esthétique, alors que les isolants promettent une efficacité énergétique : On ne joue pas dans la même arène !
Un produit (ou matériau) classé dans la catégorie « isolant » doit apporter une preuve de son efficacité, tant en terme de déontologie que d’obligation sur le plan juridique. La promesse d’une isolation est sanctionnée par la loi, c’est un rappel.
Dans le cas où ce produit ne pourrait pas proposer une résistance thermique mesurable, il doit immédiatement se voir interdire la mention « thermique » associée. Pour cela, il existe également une règle simple : La DOP (Déclaration de Performance).
Ce qui nous intéresse précisément : La norme NF EN12667.
Le narratif sur le papier peint thermique
Extrait d’un des nombreux articles disponibles sur internet :
Analysons le narratif, seul élément qui « atteste » de la performance d’isolation des papiers peints thermiques. C’est intéressant car c’est très exactement ce narratif que les lecteurs vont apprécier. En l’absence de règles claires et de classification de ces matériaux, les blogueurs s’en donnent à cœur joie.
» Rudement efficace » ! Rien de moins (voir ma photo capture d’écran ci-dessus).
Voici le discours élogieux qu’on retrouve sur la grande majorité des articles en ligne. Il est question de « rudement efficace ». Autrement dit, il faut croire que c’est la cas (en l’absence de calcul) et digérer le qualificatif de « rude ».
Analysons le vrai du faux de ce narratif :
- « Rudement efficace » : Faux, c’est une allégation sans fondement et non mesurable.
- « Sans nécessiter de gros travaux de rénovation » : Vrai, c’est un réel argument.
- « Réduisant la perte de température de 18% » : Faux, nous allons le voir plus bas.
- « Système alvéolé 3D qui confère d’excellentes propriétés isolantes : VRAI et FAUX, sans éléments de calculs précis.
- « Aide à éliminer les ponts thermiques » : FAUX, les ponts thermiques sont justement en dehors des zones de recouvrement.
Phonique et ponts thermiques : Les bases
La principale qualité mise en avant sur les sites que j’ai consulté, demeure la qualité d’isolation thermique. Nous allons débattre de cela. En revanche, beaucoup de sites évoquent deux points singuliers qui à eux seuls, sont les « graals » du bâtiment et la bête noire des ingénieurs :
- Affaiblissement acoustique.
- Diminution des ponts thermiques.
Ces deux notions sont intéressantes pour enrichir un texte pseudo scientifique sans fondement. Précisément ce que font ces articles commerciaux, souvent sponsorisés par les industriels eux-mêmes.
Cependant nous faisons face à une véritable méconnaissance des règles de l’ingénierie thermique et acoustique. Autrement dit, ces allégations sont fausses.
L’une des grandes particularité des ponts « thermiques » et « phoniques » réside dans leurs localisations. Pour le thermique, les angles sont un vrai dilemme.
- Jonctions du sol (dalle) et des murs froids (doublages en contre cloisons).
- Angles verticaux entrants.
- Jonctions du plafond et des murs froids.
- Prises, bouches de VMC, mortaises de ventilations, tableaux de menuiseries, etc.
Autrement dit, les ponts thermiques se situent très exactement aux endroits où la pose de papier peint thermique ne peut pas être réalisée. La notion de réduction des ponts thermiques est donc fausse.
Pour l’acoustique, certains sites que j’ai audité sont plus précis, et c’est tant mieux. La plupart des autres n’ont clairement pas saisi la notion d’affaiblissement acoustique. Pour faire simple, il est légitime d’imaginer que la pose de ce type de papier peint peut diminuer l’effet de réverbération d’une pièce, c’est selon moi un véritable atout (NdlR).
En revanche, ce ne sont en aucun cas des affaiblisseurs acoustiques, dont le rôle est de diminuer les sons entrants et sortants. C’est très exactement le même biais de compréhension que pour les pseudos peintures acoustiques. Je vous invite à lire mon article sur ce sujet, en lien ci-dessous :
Lire mon article sur la peinture acoustique.
Les faux isolants thermiques
La peinture thermique isolante est sans aucun doute le plus délirant des exemples en terme de fausse information. Ce sujet ne fait polémique que dans les commentaires, car pour les véritables experts la question est tranchée : La peinture thermique isolante, ça n’existe pas.
Parmi les produits « magiques » du bâtiment, qui défient les lois de la physique Newtonienne, les prétendants au trône sont nombreux.
- La peinture thermique isolante : Définitivement grand vainqueur des allégations mensongères.
- La peinture acoustique : Au coude à coude alignement avec sa grande sœur.
- Les isolants minces : Pas totalement dépourvus d’intérêts mais cependant très largement surestimés.
Rappel de la règle en matière de résistance thermique
La norme en matière de calcul de résistance thermique
Norme NF 12667, le sésame des isolants thermiques (dans notre cas). Il existe une multitude de références NF sur le même sujet, mais selon des méthodologies de mesures différentes.
En matière d’isolation thermique (intérieure ou extérieure) les règles sont simples, ces dernières sont basées sur le comportement des matériaux en terme de conductivité thermique (lambda) et de résistance (R) associée à leur épaisseur.
Autrement dit, pour isoler, un produit ou un matériau doit obéir à deux critères :
- Le lambda = conductivité thermique.
- La résistance = épaisseur du matériau rapportée à son lambda.
La règle de calcul officielle en matière de résistance thermique est : R = e / λ (soit la Résistance est égale à l’épaisseur divisée par le lambda).
Ni plus, ni moins. Ces règles sont de l’ordre de la physique des matériaux, autrement dit : C’est une science.
- Lambda (conductivité) généralement constaté sur le papier peint thermique : 0,032 (λ) = A vérifier car aucune valeur n’est donnée.
- Epaisseur des papiers peints thermiques : 3 millimètres (soit 0,003 en mètre).
- Résistance thermique théorique : 0,09375 m².K/W.
Maintenant que nous connaissons la résistance thermique (m².K/W) du papier peint, il s’agit de le comparer avec un autre produit isolant pour une épaisseur équivalente :
- Liège 3 mm : λ = 0,042 soit 0,0714 m².K/W.
- Dalle polystyrène 3 mm : λ = 0,038 soit 0,078 m².K/W.
- Depron 3 mm : λ = 0,027 soit 0,11 en théorie, mais annoncé à 0,86 m².K/W.
- TDR010 (si 3 mm) : λ = 0,062 soit 0,048 m².K/W.
- Rénov’Lisse 480 : λ = 0,047 soit 0,064 m².K/W.
Et mes 18% de remise alors ?
Dans le cadre d’un papier peint thermique, la notion d’isolation est toute relative. Il sera plus approprié d’évoquer la notion de « confort » et potentiellement, d’atténuation du phénomène de paroi froide.
Les fameux 18% de bénéfice en terme de déperdition de température (annoncés sur les sites web) ne sont donc basés sur aucune réalité tangible. Pour atteindre 18% d’efficacité sur un mur mal isolé dont le « R » est de 2 (par exemple), il faudrait un apport d’isolation de 0,36 m².K/W.
Autrement dit, pour obtenir 18% de réduction de perte de chaleur (ou de froid), il faudra 4 couches superposées de ce fameux papier peint miracle !
On est loin du compte, tout ceci n’est pas très sérieux.
La déclaration de performance
Ci-dessus : La déclaration de performance obligatoire sur le papier peint thermique en question. Les deux seuls éléments mis en avant ne sont pas renseignés : Le phonique et le thermique. La norme NF 12667 n’est même pas mentionnée.
La DOP (Déclaration de performance) : « Le règlement produit de construction (RPC), en application depuis le 1er juillet 2013, a introduit une nouvelle obligation sur le marché des matériaux de construction : la déclaration de performance (DoP). » Source PLACOFRANCE.
Dans la catégorie des isolants intérieurs muraux, le DEPRON fait office de leader, nous en avons tous posés dans nos carrières. Sur cette base, il semble que la déclaration de 0,09 du papier peint thermique que j’ai audité surpasse le DEPRON.
En l’absence de document de performance, il faut donc croire aveuglément l’industriel.
Un fabricant sérieux, mais pas deux !
Je précise que mes articles ne sont pas sponsorisés.
J’ai épluché internet de long en large pour trouver des informations techniques tangibles sur ces produits.
Après 8 heures de recherche, et de lecture par ailleurs, j’ai trouvé un unique fabricant qui communique clairement sur la notion de résistance thermique, avec l’appui de chiffres.
Bon, déjà c’est plutôt encourageant.
En revanche, je n’ai trouvé qu’un seul industriel en lisse ! C’est pauvre en terme de matière à réflexion et de possibilité de comparaison.
Comme je l’évoque plus haut, les papiers peints thermiques que j’ai trouvé en première recherche ne diffusent aucun chiffre autre que les fameux 18% magiques. J’ai réussi à trouver une DOP sur un de ces produits, mais les mentions « thermique » et « phonique » ne sont étrangement pas renseignées.
A contrario, un papier peint thermique « digne de ce nom » semble sortir du lot et pour cause : Il affiche sa résistance thermique sans ambiguïté !
Le Rénov’Lisse Confort 700 en photo ci-dessus coche les cases des bonnes pratiques qu’on est en droit d’attendre : Thermique, donc mesurable.
Ce papier peint annonce un R de 0,106 m².K/W. C’est peu, mais c’est bien de le dire. D’autant que ce papier au fort grammage (700 gr/m2) semble cohérent avec son épaisseur de 5 millimètres.
En outre, cet industriel ne masque pas la réalité. Il annonce clairement que c’est un papier intissé associé à un isolant de 5 millimètres. Autrement dit, cela semble plus sérieux en terme de communication, et cela remet en cause les précédents papiers peints qui ne peuvent pas affirmer de chiffres.
Lien vers le Rénov’Lisse Confort 700. Je précise que cet article n’est pas sponsorisé.
Responsabilité des artisans : Attention à la décennale !
Je le rappelle assez régulièrement dans mes articles, la décennale n’est pas une garantie cosmétique. En tant que peintre, si vous proposez un matériau d’embellissement en le présentant comme un produit isolant, vous engagez votre responsabilité juridique.
Sur vos devis, si vous laissez apparaître une notion d’isolation thermique non vérifiée, vous prenez le risque d’être rappelé à l’ordre, et potentiellement de mettre en jeu votre garantie décennale.
Si les boutiques de ventes en ligne peuvent annoncer des propriétés isolantes et thermiques sans forcément les étayer, libre à elles de le faire. En revanche, en tant qu’artisan, vous devez pouvoir garantir la fiabilité des matériaux que vous mettez en œuvre.
Vous êtes responsables de vos préconisations.
Par conséquent, si le produit ne dispose pas d’une DOP avec la mention énergétique, votre client est en droit de vous demander réparation. Ce sera de votre poche, car vous rentrerez clairement dans le cadre de l’exclusion de décennale pour méconnaissance des règles de l’art.
Alors soyez sérieux, et ne vous aventurez pas dans ces considérations.
Lire mon article sur la décennale peinture.
Quelques liens utiles :
- Une toile de 700 grammes « isolante » chez ZOLPAN.
- Depron en 3 mm chez QUELYD.
- Article assez critique de Test-achats.be sur le même sujet.
Conclusion
Comme chaque année, je reviendrai sur ces sujets car il est important de replacer les éléments commerciaux dans un contexte factuel et technique. Nous sommes des hommes de l’art, nous devons donc nous tenir le plus loin possible de l’empirisme, et proposer à nos clients des produits vérifiés, contrôlés, et certifiés.
C’est à cela que servent les déclarations de performances.
Tout ce qui sort de ce périmètre doit être exclu.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.