La peinture thermique isolante ne prouve toujours pas son efficacité et reste dans le rayon « à vérifier » des bureaux d’études sérieux. La parenthèse ayant à peine été ouverte, qu’arrive maintenant la peinture isolante et acoustique !
A n’en point douter, les départements R&D de nos chers industriels sont en pleine effervescence.
En attendant la peinture thermique isolante, acoustique et photovoltaïque, penchons nous à nouveau sur ces peintures exotiques aux talents insoupçonnés.
Le couac de la peinture thermique isolante
En date du 1er Mars 2024 la peinture thermique isolante n’est toujours pas intégrée dans les calculs de performances énergétiques. Cette même peinture n’est par ailleurs toujours pas éligible aux aides à la rénovation, et au crédit d’impôt.
La saison froide étant sur le point de s’achever, il parait légitime de refaire un point sur un dossier que j’avais ouvert il y à déjà quelques semaines.
Lire mon article (et mon avis) sur la peinture thermique et son rôle d’isolant
Qu’elle soit utilisée en isolation thermique extérieure (ITE) ou en isolation thermique intérieure (ITI), la peinture thermique ne trône toujours pas sur le banc d’essai des produits efficaces. Son prix quant à lui se porte toujours à merveille.
La peinture thermique est un simple argument commercial, à cheval entre tromperie et mysticisme.
Le pire est à venir, car il apparaît dorénavant, à la lecture de tous les articles en ligne, que la peinture « acoustique » nouvellement venue, joue également un rôle thermique. Venant ainsi faire d’une pierre deux coups.
Après la peinture thermique, voici venue la peinture acoustique
Il n’existe qu’une seule technique efficace pour affaiblir le phonique : La masse.
Tous les ingénieurs acousticiens le savent.
Comme pour établir une véritable valeur de résistance thermique, le traitement acoustique ou phonique plus précisément, nécessite de la masse. Peu dense dans le cas d’un isolant thermique (il nécessite d’être épais mais très aéré), très dense dans le cadre d’un isolement phonique.
Pour un plancher collaborant par exemple, le meilleur matériau reste le béton (ou le sable comme ce fut l’usage à une certaine époque).
Les matériaux nécessaires pour un isolement phonique doivent donc être massifs. Or il ne s’agit pas de bétonner toutes les maisons ou les logements communs dans les immeubles.
Quand il s’agit de traiter l’acoustique ou le phonique, il existe des parements spécifiques ainsi que des techniques de cloisonnement adaptées. Les contres cloisons, ou cloisons, peuvent être réalisées en BA Phonique, une ou deux peaux.
La solution des cloisons SAD et cloisons SAA est également une technique très efficace, et avérée. Son effet est « mesurable ».
Lire mon article sur les cloisons SAD et SAA
Cependant, dans tous ces cas de figure, le parement « traite » légèrement, en tentant d’affaiblir, mais c’est encore une fois l’épaisseur des isolants qui impose la différence en terme d’efficacité.
De 3 à 15 db de correction pour de la peinture acoustique ? Vraiment ?
Il est même conseillé d’utiliser des parement en BA25 pour augmenter l’isolement phonique d’une cloison SAD ou SAA. Autrement dit, nous évoquons des doublages de 120 à 160 millimètres, isolés en laine minérale.
Le constat pour les peintures phoniques est donc très exactement le même que pour les peintures thermiques isolantes. Ces dernières sont inefficaces car il n’y a aucun apport de matière conséquente.
Peinture acoustique : Les fausses allégations
Il ne s’agit pas de reproduire le comportement des industriels qui utilisent simplement des mots sans fondements. Il faut étayer nos propos par la démonstration, ou la comparaison.
Je n’évoquerai pas ici les corrections de réverbération ou d’écho car ce n’est pas le sujet.
Or, la démonstration est impossible, car les fabricants de donnent aucun élément de calcul fiable concernant l’affaiblissement acoustique des peintures. Les seules éléments que l’on trouve, après voir passé en revue des dizaines de sites internet, blogs et articles, sont une notion de réduction de 3 à 15 db (décibels).
Ainsi, le journal « Le Monde », dans ses colonnes de blog, nous livre cette pépite, que je vous laisse apprécier dans la photo ci-dessous.
« D’après les études menées par le Centre Scientifique du Bâtiment, la peinture anti-bruit serait capable de réduire les sons de 3 à 15 décibels. Pour l’oreille humaine, cela équivaut à un bruit réduite d’environ 50 %« , fin de citation.
Cette phrase comporte deux allégations fausses.
- Le CSTB n’a jamais réalisé d’étude sur les peintures acoustiques qu’il juge de fait non pertinentes
- Une atténuation du bruit de 3 à 15 décibels ne correspond pas à une réduction de bruit de 50 % pour l’oreille humaine
L’article est écrit par une rédactrice « web », visiblement spécialisée dans les animaux et les maisons. Cette démarche n’est visiblement pas sérieuse.
NOTA: Une atténuation de 1,5 db serait déjà une énorme performance que peu de matériaux fins délivrent.
Soyons plus précis, et tentons d’avoir une démarche plus rationnelle. Les véritables professionnels en matière de réduction acoustique dans le bâtiment sont les fabricants de plaques de plâtre et les fabricants de menuiserie (notamment le vitrage). Ce sont eux qui sont en première ligne lorsqu’il s’agit de confort acoustique.
Peinture acoustique : Les éléments de comparaison
Nous pouvons nous baser sur les véritables études menées par les industriels du bâtiment sérieux. Placo France et Saint Gobain Glass sont les deux principaux spécialistes du secteur.
Pour réaliser un véritable isolement phonique, nous l’avons vu dans un de mes précédents articles, la seule solution efficace est :
- Cloison SAD : Possibilité d’atteindre 59 db d’affaiblissement acoustique sur une cloison en 160 millimètres
- Cloison SAA : Possibilité d’atteindre 56 db d’affaiblissement acoustique sur une cloison en 120 millimètres
Dans cet exemple, je mets en exergue la valeur obtenue de 3 db d’amélioration en passant d’une cloison de 120 mm à 160 mm. Par conséquent, l’apport de 4 centimètres de matière isolante réelle, ne corrige « que » 3 db. Et pourtant la cloison SAD ajoute une lame d’air.
Seulement 3 db de correction en ajoutant 4 centimètres d’isolant !
En terme de comparaison, sachez qu’une cloison « traditionnelle » Placostyl en montant de 48 avec une peau de BA13 de part et d’autre, isolée avec un PAR DUO Phonique de 45 correspond à un RA de 33 décibels. Autrement dit, comment une peinture acoustique peut-elle sérieusement produire 50% du résultat d’une cloison Placostyl. Soit 72 mm d’épaisseur : BA13 + 45 mm de laine de verre + BA13 ?
Pour le vitrage, élément le plus sensible au phonique, Saint Gobain annonce un élément de comparaison :
- Vitrage acoustique STADIP SILENCE : Avec un double vitrage asymétrique (épaisseur différente d’une feuille à l’autre), une feuille de PVB et un gaz adapté, Saint Gobain nous annonce un gain de 15 db.
- Le triple vitrage acoustique étant de loin le plus performant avec des atténuations acoustiques pouvant prétendre à 20 db d’affaiblissement.
En résumé :
Pour comparaison nous avons donc une peinture acoustique de 1 à 2 millimètres d’épaisseur qui annonce une performance acoustique équivalente à un STADIP SILENCE en double vitrage, et à 50% de l’efficacité d’une cloison Placostyl en 72.
Je vous laisser tirer les conclusions qui s’imposent à la logique.
Que dit le CSTB ?
Le duo de choc est donc de retour en force. La peinture qui se voulait thermique devient maintenant un isolant phonique. Pire encore, la peinture vendue comme acoustique, se dit également thermique. Une peinture 4 saisons en somme !
Il est temps que le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) jette un regard avisé sur ces peintures atypiques. Car non, le CSTB n’a mené aucune étude sérieuse sur ces peintures acoustiques ou thermiques. Un centre scientifique ne peut pas mesurer ce qui n’est pas mesurable.
Les seules évaluations faites par le CSTB concernent des corrections acoustiques sur des peintures à micro bille de verre, appliquées sur des panneaux de revêtement isolants. C’est donc une étude qui porte sur le travail de plusieurs matériaux conjoints.
L’industriel WEBER, notamment, propose sous avis technique réalisé par le CSTB, des sous couches pour corriger les bruits de chocs et de circulation sous carrelage. Produits à base d’époxy mis en œuvre sur une multiplicité de couches.
On est très loin d’une peinture acoustique.
Les preuves de l’efficacité d’une peinture thermique isolante & acoustique ?
Où sont donc les preuves de l’efficacité d’une peinture thermique ou acoustique ? Lors de mon article sur les peintures thermiques, je mettais en avant qu’il n’existe absolument aucune étude sur la résistance thermique des peintures.
Pour cause, le critère de résistance thermique « R » d’un matériau est basé sur son épaisseur et son lambda de conductivité. Dire d’une peinture qu’elle est isolante, c’est très exactement aller contre toutes les notions de mesure tangibles.
L’acoustique, malheureusement, est soumis aux mêmes règles physiques. Certes beaucoup plus complexe, l’acoustique est une science autrement plus pointue que le thermique.
Ainsi, les notions d’affaiblissement, de correction, d’atténuation, ont toutes une signification bien précise et des moyens de traitement différents. Pour une menuiserie par exemple, le vitrage ne sera pas le seul critère pour un isolement globale. Le matériaux du châssis aura un impact négatif ou positif sur le phonique. Cette règle est également valable pour les accessoires, comme la mortaise de ventilation qui elle aussi, doit être « phonique ».
En conclusion
Pour résumer l’article, sachez qu’aucune peinture n’est isolante. Ni pour traiter le thermique, ou mieux encore le phonique. Certains revêtement peuvent en effet traiter la réverbération ou l’écho, mais en aucun cas jouer le rôle d’un isolant phonique.
L’industrie navale, la plus en pointe sur le sujet, éprouve le plus grand mal à élaborer des multi composants à base de résine et d’époxy, pour insonoriser les coques des navires. Ce sont des produits en polymères, extrêmement coûteux, qu’on ne peut décemment pas intégrer dans la catégorie « peinture ».
En définitive, la seule chose que la peinture acoustique peut diminuer, c’est votre porte monnaie !
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN