Les isolants minces sont proposĂ©s par beaucoup de nouveaux acteurs sur le marchĂ© de l’isolation. Ils sont encore Ă la marge mais semblent gagner du terrain. On les retrouve essentiellement dans les grandes surfaces de bricolage et sur les plateformes de communication de types rĂ©seaux sociaux, Facebook, YouTube et Tik Tok.
C’est donc un sujet rĂ©el qu’il faut apprĂ©hender sous un angle professionnel. Notre dossier est du jour est donc consacrĂ©: Aux isolants minces.
Isolants minces efficace ou pas ? Mince alors !
L’hiver (automne) arrive et c’est reparti. VoilĂ que ressortent de leurs tanières tous les articles Ă©logieux Ă souhait sur les isolants minces. Comme chaque annĂ©e, cette entourloupe grotesque largement relayĂ©e par les mĂ©dias refait surface le temps de vous faire oublier la vĂ©ritable question:
Les isolants minces sont-ils performants ?
La réponse est sans appel: Non. Et la science vous explique pourquoi:
Ça ne marche pas ! Les isolants minces n’isolent pas suffisamment. Leur pertinence est toute relative.
Au comble du relativisme je lis cette fois ci au dĂ©tour d’un site web: un isolant mince avec rĂ©flecteur et autre technologie de pointe. Très « NASA » le concept. Le mĂŞme article dĂ©crivant pour leur mĂŞme produit tour Ă tour de l’aluminium puis du carton. Pour finir avec un « papier peint » isolant.
Tous ces articles sont Ă©videment des articles bouche-trou (marronniers) quand les rĂ©dactions n’ont plus rien Ă Ă©crire. Hors l’amalgame est vite fait et les raccourcis aussi.
Le principal risque Ă©tant que vous soyez mal informĂ©s et mal aiguillĂ©s dans vos projets. Prenons donc ensemble le problème Ă bras le corps. DĂ©finissons les caractĂ©ristiques d’un bon isolant thermique.
Les isolants minces et leur différentes versions: Des avis très négatifs du CSTB
- Films réfléchissants
- Thermo-reflexion isolante
- Isolants réflecteurs
- Etc.
Tous ces termes ne visent qu’un concept d’isolation assez flou dans lequel sont amalgamĂ©s « isolation » et « rĂ©flexion » avec parfois ajout de lames d’air.
Dans tous les cas de figures et quelles que soient les marques, le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) donne un avis très nĂ©gatif et proscrit l’usage de ces isolants. Les professionnels du secteur vont dans le mĂŞme sens.
Une nomenclature au niveau EuropĂ©en est mis en Ĺ“uvre pour règlementer les notes de calcul d’efficacitĂ© d’un isolant. Le CSTB reprend ces Ă©lĂ©ments dans ses cahiers et avis techniques.
Comment dĂ©finir l’efficacitĂ© d’un isolant, mince ou pas ?
Un isolant n’est isolant que si sa rĂ©sistance donne une valeur (R) satisfaisante.
La résistance thermique :
Pour exemple, la résistance thermique pertinente pour une toiture se compose de plus de 240 mm de laine de verre, ou 120 mm de mousse polyuréthane. Ces épaisseurs nous offrent un « R » de 6 m².K/W. Ce critère scientifique a valeur de loi et pour cause: Il est réglementé et défini dans les déclarations de performances des dits matériaux.
La rĂ©sistance thermique s’exprime en Kelvins par watt ou en m².K/W. Ne partez pas, c’est en rĂ©alitĂ© très simple.
Exemple pour de la laine de verre GR32 ISOVER en 100 millimètres: (Epaisseur ) 100 / (lambda) 0.032 donne un R de 3.125 (Isover nous indique 3.15). La résistance thermique de la GR32 est donc (peu ou proue) de 3.12 (Voir la vignette sur ma photo ci-dessous).
Il existe Ă©videmment des mĂ©thodes de calculs plus poussĂ©es, mais c’est bel et bien sur cette base que sont dĂ©finies les valeurs d’un isolant.
Une fois cette notion intĂ©grĂ©e il devient Ă©vident que les isolants minces partent avec un dĂ©savantage certain. Si l’Ă©paisseur est partie prenante Ă l’Ă©quation la logique amène Ă penser que:
Plus c’est Ă©pais, plus ça isole !
Quand les grandes surfaces de bricolage vous proposent un papier peint thermique ! Fuyez !! C’est une vaste fumisterie car le principe est le mĂŞme.
L’Ă©paisseur :
Papiers peints thermiques, isolants minces rĂ©flecteurs multicouches. Tous ces produits vont Ă l’encontre des lois de la physique. C’est donc tout naturellement indĂ©fendable pour les professionnels du bâtiment.
Vous pouvez d’ailleurs obtenir les informations sur le lambda des isolants directement sur l’emballage des produits.
L’ACERMI, l’organisme en charge de vĂ©rifier la vĂ©racitĂ© des donnĂ©es indiquĂ©es pour chaque isolant donne une certification de conformitĂ© sur ces derniers. Cet organisme de certification fait autoritĂ©. VĂ©rifiez la prĂ©sence d’une mention de l’ACERMI sur les isolants si vous avez le moindre doute.
Vendus entre 5 et 16 euros le m² la plupart des isolants minces sont difficiles à mettre en œuvre. Souvent agrafés ou scotchés. Ils demeurent dans la catégorie du « bricolage ».
Ceci dit, l’ACERMI ne joue pas le rĂ´le d’arbitre, il ne juge pas de l’efficacitĂ© mais seulement de la vĂ©racitĂ© des donnĂ©es fournies par le fabricant.
Bien comprendre le rĂ´le de l’ACERMI:
Il convient d’ajouter un petit bĂ©mol cependant. L’ACERMI se charge de vĂ©rifier la vĂ©racitĂ© des donnĂ©es fournies par l’industriel, en aucun cas de leur pertinence. Un produit isolant peut donc tout Ă fait ĂŞtre certifiĂ© ACERMI sans pour autant ĂŞtre un bon isolant. C’est Ă©videmment le cas pour les isolants minces.
L’ACERMI ne donne pas de note de performance et ne juge pas si un isolant mince est efficace ou non.
Alors les isolants minces sont-ils performants ? La rĂ©ponse est tout bonnement inscrite sur le produit: Si le R est faible, l’isolant n’est pas performant.
Les isolants minces réflecteurs:
Si vous avez visionnĂ© ma vidĂ©o vous l’aurez compris: Les isolants minces rĂ©flecteurs jouent sur les termes et sur l’aspect technologique de leur produit. Ces derniers ne sont pas pertinents et peuvent dans les cas extrĂŞmes, ĂŞtre contre productifs.
Il n’est pas rare de les retrouver en combles ou en rampant entre chevrons. C’est lĂ le plus dangereux des cas de figures car les isolants multicouches aluminium ne sont pas respirants.
Ils sont tout bonnement susceptibles de dĂ©grader la charpente en empĂŞchant le bois de respirer. Sachez d’ailleurs que bien souvent les ingĂ©nieurs thermiciens ignorent ce type d’isolation dans leur notes de calculs pour la performance Ă©nergĂ©tique.
La grande majoritĂ© des maitres d’Ĺ“uvres et des architectes ne proposent pas les isolants minces dans leurs projets. Il est donc lĂ©gitime de penser qu’ils ne sont pas efficaces en terme d’isolation thermique.
Etrangement, ces isolants aluminium ne font aucune mention de leur rĂ©sistance thermique. Et soyez extrĂŞmement vigilants, leur rĂ©sistance au feu est inexistante ! Le plus Ă©tonnant Ă©tant qu’aucune communication n’est faite sur la rĂ©sistance thermique de ces produits. Cela devrait logiquement ĂŞtre la première qualitĂ© mise en avant.
Le pire cas de figure que vous puissiez trouver sont les isolants minces aluminium en contre cloison, entre chevrons ou sous bac acier. Dans le premier cas ils sont inefficaces tout bonnement. Pour le second ils sont un risque pour la charpente.
Dans le troisième cas c’est littĂ©ralement une hĂ©rĂ©sie:
lire mon article sur l’isolation rapportĂ©e sous un bac acier
Le papier peint thermique: Une chimère
Dans la catégorie des isolants minces on rencontre parfois le papier peint thermique et la peinture thermique isolante.
Dans ces deux cas, le calcul d’efficacitĂ© d’isolation thermique est le mĂŞme, c’est Ă dire inexistant.
Outre le ridicule de ce rĂ©cit il convient tout de mĂŞme de garder Ă l’esprit que la masse et l’inertie font avec la conductivitĂ© les valeurs rĂ©elles d’un isolant. Un simple coup d’Ĺ“il devrait vous alerter lorsqu’on vous propose un isolant de 3 mm d’Ă©paisseur. Hormis peut ĂŞtre la « sensation » de chaleur qui se justifie parfaitement (sensation de mur froid dans les vieux bâtiments) mais qui reste subjective et non mesurable.
Le constat est malheureusement le mĂŞme en ce qui concerne la peinture thermique isolante.
En matière d’isolation thermique il faut vous tourner vers des procĂ©dĂ©s Ă©prouvĂ©s et efficaces dont on peut mesurer la performance. Il s’agit des ITI et des ITE (Isolation Thermique par l’IntĂ©rieur ou l’ExtĂ©rieur)
Lire mon article sur les ITE en suivant le lien
Lire mon article sur les peintures thermiques en suivant le lien
L’Ă©paisseur est primordiale: La lame d’air est invalidĂ©e
Pour isoler il faut de la masse, de la matière.
La plus grande épaisseur possible évidemment mais également la plus faible conductivité. A ces seules conditions il est possible de déterminer si un isolant est efficace ou pas.
Attention Ă©galement aux nouveaux matĂ©riaux hybrides notamment proposĂ©s en toiture. Les « R » sont souvent habilement manipulĂ©s avec ajout d’une lame d’air de ci de lĂ . Pour mĂ©moire l’air est un isolant exceptionnel UNIQUEMENT quand il est totalement inerte.
Autant dire jamais sauf dans le double (ou triple) vitrage d’un menuiserie. Au risque d’ĂŞtre rĂ©pĂ©titif soyez Ă©galement attentifs en terme de rĂ©sistance au feu.
La lame d’air ne permet pas dans une prise en charge par les aides de l’Ă©tat. Elle ne se justifie pas au yeux des autoritĂ©s. Seule une Ă©paisseur continue d’isolation sans lame d’air peut ĂŞtre Ă©ligible aux rĂ©ductions d’impĂ´ts et aux aides.
Lire mon article sur la lame d’air
En résumé :
Isolants minces, efficaces ou pas ?
La réponse est évidemment non.
Pour conclure gardez Ă l’esprit que les isolants minces ne fonctionnent pas.
Isoler c’est apporter une couche suffisamment Ă©paisse et peu dense. Laine de verre, de roche, isolant PU, laine de chanvre, de bois font parfaitement l’affaire et vous devrez vous tourner soit vers une ITE (isolation thermique ExtĂ©rieure), soit une ITI (isolation thermique intĂ©rieure).
En rĂ©sumĂ©, les isolants minces sont-ils performants ou non, la rĂ©ponse est sous vos yeux: C’est non.
PrivilĂ©giez des mĂ©thodes plus Ă©prouvĂ©es et plus conventionnelles basĂ©es sur des Ă©lĂ©ments de calculs fiables. En matière d’isolation il n’y a pas de magie mais uniquement de la science.
Merci pour votre lecture et bon chantier.
Serge USTUN.