Je n’aborderai pas ici les chiffres, quantitatifs, hypothèses hasardeuses et solutions tremblantes au problème de la pollution due au bâtiment. C’est un fait, et énumérer des Giga tonnes ou des PPM sont des données largement accessibles sur Google. Je développe donc dans cet article le point de vue de l’homme de l’art que je suis. Vous êtes libres de commenter.
Le Bâtiment est un secteur qui pollue, nul ne l’ignore. Il pollue de part sa conception, sa fabrication, mais également de son maintien (chauffage, rafraîchissement, embellissements, dégâts et maintenance régulière) et de sa rénovation à terme.
Dans quelles proportions ?
Je vous renverrai vers les travaux du Shift Project qui au demeurant prend le sujet très au sérieux et certainement la source la plus documentée sur le sujet.
Dans mon article je resterai très relatif et très localisé. L’enjeu mondial me dépasse, les chiffres et les prospectives me dépassent.
Je vous livre donc un ressenti, étayé et factuel, non une liste exhaustive des dégagements de CO2 par corps de métier, mais une image figée de l’existant.
Evidement la question se pose: Quel avenir pour le secteur si nous souhaitons converger vers une sobriété énergétique et réduire la pollution due à nos activités et garder dans le même temps une activité soutenue ?
La question est posée. Le sujet est pressant et va devenir oppressant à n’en point douter. Les sonneurs d’alarme se multiplient, à raison mais sans bruit.
L’approche intuitive, le constat:
Les métiers du bâtiment, tels que la construction, la rénovation et l’entretien de bâtiments individuels ou tertiaires/industriels (ou de voirie), ont un impact significatif sur l’environnement.
L’industrie de la construction est l’une des plus grandes consommatrices de matières premières dans le monde.
Elle est responsable d’une grande quantité de déchets et de pollution. Le recyclage quant à lui reste à la marge. Ca, nous le savons, et nous ne le savons que trop.
Pour autant les projets qu’ils soient de nature sociale, ou industriels, sont de plus en plus démesurés. Au sens littéral, sans aucune commune mesure.
Une approche intuitive, naïve, serait donc amenée à redonner de la « commune mesure » à tout cela. Redonner taille humaine. Nous en sommes tous conscients, ce n’est pas le cas.
Dans toutes nos entreprises respectives ne voyez vous pas la dynamique RSE s’installer ? Demandant des solutions plus qu’elle n’en propose et pour cause, bien érudit serait celui qui aurait réponse à ce grand dilemme que représente aujourd’hui le couple bâtiment/environnement.
Un biais naturel mais non légitime:
Immédiatement nous vient à l’esprit des biais naturels, humains, lorsque j’évoque le problème avec mes homologues. Las Vegas ! New York ! La Chine ! etc. Oui, clairement se sont des exemples type d’absolument tout ce qu’il ne faut pas faire. Ce sont de mauvaises pratiques en terme d’environnement donc de pollution. Et ?
Ne jetons donc pas immédiatement notre regard sur les excentricités délirantes de villes comme Las Vegas, ou de folies dévastatrices que sont les lubies des pays du Qatar ou de Dubaï.
Restons sur nos terres et analysons ce que nous pouvons faire.
Améliorer, rendre plus censé. Gardons cependant à l’esprit, car nous sommes ici toutes et tous sur mon blog des gens du bâtiment, que la mesure est un critère important. La démesure également.
Produits, mises en œuvre, transformations, carburant.
Indéniablement synonyme de pollution. Se projeter vers des techniques plus saines, plus propres et plus durables, l’enjeu est là.
Et cet enjeu est paradoxal, un jeu à somme non nulle que nous ne percevons clairement pas dans son ampleur et sa dimension civilisationnelle. Hors nous ne vivons ni en Scandinavie, avec de valeurs négatives constantes et extrêmes. Ni en Somalie où les valeurs sont au contraire caniculaires pendant de longs mois.
Nous sommes en France, un pays tempéré.
Quels sont donc les handicaps qui nous éloignent d’une construction maîtrisée du bâti, en adéquation avec l’environnement que nous pourrions réaliser à faible coût financier et environnemental ? A priori… Rien.
Nos communes, nos municipalités, sont-elles contraintes de tout bétonner, allant jusqu’à rendre des centre villes l’équivalent de véritables étuves ?
Ici en exemple: Valence, centre ville impropre à subir une canicule car pavée de pierre et rayonnant + de 4° Celsius aux normales saisonnières pour ses habitants.
Evidemment non. Cette aberration écologique qu’est devenue la ville de Valence est un exemple de manque de cohérence intuitive et environnementale, mêlée très certainement d’une volonté toute Césarienne de marquer une empreinte faussement historique mais pour le coup, réellement indélébile. Sur nos écosystèmes tout du moins.
NDLR: Cette rue était lors de mon enfance parfaitement régulée en été car les arbres donnaient ombre et humidité nécessaire. Une merveille de science. Aujourd’hui il faut des brumisateurs et l’air y est suffoquant.
Il y a donc une problématique liée à nos politiques d’urbanisme. Cette course incessante à vouloir totalement remodeler le paysage est-elle légitime ? Nécessaire ?
S’il est dit que nous devons nous adapter à la population grandissante et aux véhicules, sachant que plus personne ne traverse Valence en voiture et que les voies piétonnes représentent les 3/4 de la voirie quel est donc la justification du pavage à outrance ?
Cet exemple est malheureusement réplicables à toutes les communes de France.
Oublions la voirie, qu’en est-il de nos systèmes constructifs, dans l’individuel, le collectif ou le tertiaire ? La pierre à fait son temps. Nous allions la chercher soit dans les lits des fleuves et rivières comme le galet à bâtir (Ardèche) ou en excavation. Les carrières permettaient quant à elle de fournir du gré à maçonner et le liant.
Aujourd’hui l’agglo règne en maître. Le béton en seigneur.
Incriminons le béton, tournons nous vers le bois. Et bien le problème reste le même. Epargnons le bois, tournons nous vers les matériaux composites. Et bien le problème reste et demeure le même.
Certes la production sera plus « verte » avec le bois, mais la destruction des écosystèmes sera certainement plus terrible encore.
Moins de béton, plus de bois: Qui fera pousser les forêts plus vite qu’elles ne sont déforestées ?
C’est le charpentier qui scie la panne sur laquelle il est assis. Les matériaux hybrides seront plus coûteux encore (sur l’instant) mais peut être plus pérennes et moins énergivores sur le long terme. Nos ingénieurs doivent travailler sur ce dossier.
L’impact environnemental de l’industrie de la construction est considérable. La production de matériaux de construction, tels que le béton, les briques, les tuiles et les métaux, nécessite l’extraction de ressources naturelles telles que les minerais, les pierres et les sables. Cette extraction peut avoir des conséquences négatives sur les écosystèmes environnants, en perturbant les habitats naturels des espèces animales et végétales et en dégradant les sols. Un des grands enjeux de cette décennie notamment concerne le sable à maçonner. Ce dernier est en pénurie et le problème qui semble être ignoré par les médias devient grandissant.
Nous choisissons donc de multiplier les ersatz de modes constructifs et matériaux plutôt que de nous adapter à des solution constructives plus proches de l’humain et de la nature. Un non sens qui est voué à l’échec.
L’énergie de construire ou de bâtir :
Nous l’avons constaté, avec la guerre en Ukraine, des produits pourtant usuels et familiers sont devenus rares: La tuile ! Au sens propre comme au sens figuré. La tuile c’est de la terre cuite. Il faut du gaz pour la cuisson. Cela coûte cher, et c’est polluant. Mais par quoi allons nous remplacer nos tuiles ? Du bardeau bitumé comme les américains ? C’est une hérésie environnementale. Du bois comme il fut à une époque, le fameux tavaillon ? Juste une relance sur le problème énoncé ci dessus. Une pénurie, chassera une autre pénurie. Une solution technique nouvelle engendrera une pénurie nouvelle.
Repenser le bâti :
La construction de bâtiments consomme une quantité considérable d’énergie et de ressources naturelles pour son édification. Mais pas que. La consommation d’énergie constante et dégradée en terme d’efficacité dans le temps, notamment pour le chauffage, la climatisation, est un vecteur de pollution à anticiper. Cela peut entraîner des émissions de gaz à effet de serre, qui contribuent indéniablement au changement climatique.
Comment mieux appréhender ces consommations tous azimuts et en faire une force de discipline, de technique moins dispendieuse ? Où sont donc passés les puits canadiens, panneaux solaires, ardoises murales, toits végétalisés etc… ?
Rapprochons nous de la source du problème et non de ses symptômes. Des bâtiments plus bas (moins de hauteur sous plénum, éviter les vides sur séjour Hollywoodiens). Des bâtiments plus « petits », moins de surface. Des bâtiments mieux isolés, mieux implantés avec peut-être des injonctions par les pouvoirs publics. Des ouvertures mieux disposées et des épaisseurs d’isolant doublées. Ça marche. Mais cela a un coût. Réduction du « confort » pour les uns, de liberté pour les autres. Moins, ça reste moins quoi qu’il arrive. Dans une société où le « moins » n’est pas « sexy » la contrainte sera dure à accepter. La question porte alors sans doute sur nos modes de vie plutôt que sur les techniques novatrices encore hypothétiques. Car il n’est pas question ici d’adapter le climat à nos bâtiments, mais d’adapter nos bâtiments au climat. Ainsi, dans les communes très froides de France les bâtiments étaient serrés les uns les autres. Dans les communes agricoles, les terrains étaient entrecoupés non de clôtures, mais de haies d’arbres rectilignes faisant coupe-vent, coupe-froid. Les centre-ville des communes très au sud étaient jonchées de feuillus, pour la régulation thermique. Les exemples sont nombreux de notre capacité à ériger les bâtiment pour les rendre plus efficients face aux contraintes climatiques. Avons nous perdu ce bon sens ?
Accepter que le beau et l’ennemi du bien:
Une architecture ultra moderne, un toit plat, de grandes baies vitrées, une piscine semi olympique… Il va nous falloir rationaliser tout ça. Nous y serons tôt ou tard contraints. La première pollution qu’on ne produit pas, est celle qu’on économise justement. Et dans ce domaine, il n’est question que d’orgueil, soyons honnêtes avec nous même.
Quel intérêt d’un magnifique bâtiment Haussmannien s’il est déserté faute de pouvoir le chauffer ? Quel intérêt d’une piscine semi olympique si l’eau est insuffisante pour la remplir ? Nous devons revoir notre rapport au bâti non comme un objet ostentatoire mais comme un objet utile. Si les toits plats sont dispendieux, nos ingénieurs peuvent très efficacement tracer l’emprunte carbone de ces derniers, alors il faudra revenir aux charpentes tradi. L’inverse peut être vrai également. Si le photovoltaïque est nécessaire, alors il doit être rendu obligatoire (les accès non clos le sont). Nos voisins Allemands les ont rendu obligatoires pour toute demande de permis de construire depuis 15 ans. Les parkings doivent être végétalisés, la tendance semble prendre peu à peu. Les rues, places et ruelles doivent être dépourvues de parement et pavage étanches, laisser respirer et verdir.
L’utilité même des bâtiments:
« Serge tu vas loin dans ton délire », voilà ce que je me dirai certainement à moi même si le problème n’était pas si grave. Les bâtiments tels que nous les connaissons hors résidentiels sont-ils « utiles » ? Vraiment utiles ?. A l’heure où nous vivons une hybridation du travail, dans sa « localisation » avec un télétravail qui se répend comme une évidence. La notion même de bâtiment doit être revue. Un immeuble de bureaux ne peut-il pas être mis en jachère ? La réponse est oui: le COVID nous l’a prouvé. Alors se pose la question de la jouissance du bâti sans notion ultime de possession. Un usufruit vaut mieux qu’un demain tu l’auras… Est-ce une voie à explorer ? Sans aucun doute. Est-ce bankable ? Évidemment que non. Nos grands centre d’affaires, bâtiment tertiaires et autres locaux démesurément immenses devront être partagés. Ils sont déjà construits, il s’agit de libérer de l’espace plutôt que bétonner plus encore. Ce concept semble délirant mais je pense qu’il sera « communément admis » sous 20 ans.
Inversement une maison individuelle ou un appartement adapté ne peut-il être considéré comme un lieu de travail ? Encore une fois c’est un grand OUI. Par le passé nombre de métiers étaient exercés à domicile. Les couturières, les prothésistes, les mécaniciens, plus tard les électroniciens, les informaticiens, etc. La fibre n’existait pas encore. Enfin, il s’agira très certainement dans l’avenir repenser les bâtiments vacants. Un problème politique toujours taboo.
Nous devons donc au delà de la maîtrise du bâti à venir, repenser la maîtrise de l’occupation du bâti existant. Cela me semble une première étape, que nul ne veut évoquer.
Les techniques, les voies à creuser:
il existe des moyens de réduire l’impact environnemental de l’industrie de la construction. Les constructeurs peuvent opter pour des matériaux de construction durables et recyclables, tels que le bois certifié FSC (faussement renouvelable), les matériaux de construction en béton recyclé et les produits de construction en pierre naturelle. Les entreprises peuvent également réduire leur consommation d’énergie en utilisant des sources d’énergie renouvelable, comme l’énergie solaire et éolienne, pour alimenter les bâtiments. Mais cela ne suffira pas, et produira des effets que nous ne maîtrisons ou n’envisageons pas encore aujourd’hui. Les solutions résident dans un mix de tout cela, mais surtout dans l’élaboration d’un grand plan de réflexion sur l’utilisation du bâti.
Nous sommes donc face à une réponse de type « pansement » au problème du bâtiment et de la pollution qu’il génère. Nous traitons les symptômes, sans réelle efficacité car les pouvoirs publics sont très loin d’allouer les budgets pour l’ITE par exemple, au lieu d’en traiter les causes. Justement l’ITE pris en exemple. Au delà de la gestion du bâti existant, ce pour quoi il faudrait plusieurs dizaines de milliards d’euros de fonds d’amélioration, élaborer de front, une stratégie du bâti, globale, long-termiste et pérenne.
Merci pour vos lectures, Serge USTUN
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