Le calcul de solivage pour plancher bois est un calcul complexe mais pas nécessairement compliqué. Il faut maîtriser les règles de calculs en commençant par comprendre les critères de dimensionnement, pour réaliser le solivage le plus optimisé. Nous aurons besoin d’identifier et de nommer ces critères :
- Longueur de franchissement (portée des solives).
- Poids (charge) appliquée uniformément aux solives (poids du bois, poids du revêtement, charge d’habitation).
- Essence des bois (pour définir le module de Young).
- Entraxe des solives (espacement des solives en répartition du plancher).
- Les abaques et les Eurocodes !
Vous êtes toujours là ? Très bien, continuons ! Je vous rassure, nous allons faire les opérations étape par étape et vous pourrez très bientôt réaliser vos calculs de solivage sans aide extérieure.
Les 3 étapes de calculs que nous allons suivre :
- Calcul du poids total au mètre (d’abord en m² puis en mètre rapporté aux axes).
- Calcul de section des solives.
- Vérification de la flèche.
Calcul de solivage plancher bois : Les fondamentaux
Pour réaliser le calcul de solivage d’un plancher bois nous devons revenir aux fondamentaux. Vous verrez que comprendre la base, c’est déjà comprendre les calculs. Si vous alignez simplement les formules vous risquez de mal dimensionner vos bois et par conséquent, de créer des désordres structurels. Prenez le temps, et voyons cela ensemble, car il n’y a rien de bien sorcier.
Schéma de principe pour comprendre les données nécessaires aux calculs
Prenons un instant pour analyser les critères dont nous avons besoin :
- La longueur de vos solives (L) : Il est ici question de la distance qui sépare vos deux principaux points d’appuis, soit la longueur de mur à mur du plancher (la petite longueur).
- Le poids que va supporter le plancher : Il s’agit ici de calculer l’ensemble du poids que supporte le solivage. Autrement dit, tout ce qu’il y a dessus, entre (isolant) et dessous (si faux plafond). Cette donnée sera évidemment différente selon le type d’usage (pièce de vie) et le type de revêtement (un carrelage pèse plus lourd qu’un sol LVT).
- Le type de solives : Selon vos besoins (ou votre budget) l’essence du bois sera également une donnée entrant dans les calculs.
NOTA : Généralement le solivage s’effectue sur la petite longueur, autrement dit la plus courte distance de mur à mur.
Bien assimiler ces critères et les garder à l’esprit
Pour résumer, et vous l’aurez compris, il est essentiellement question de distance (longueur de plancher de mur à mur) et de poids. Si toute la petite famille décide de dormir à l’étage, il faudra un solivage plus solide que s’il est simplement question d’y entreposer ses skis. Nous parlons alors de charges d’exploitation (usage domestique par exemple) et de charges permanentes (la structure elle-même).
Le dimensionnement d’un plancher bois est évidemment différent s’il est question de réaliser un solivage pour un ERP (Etablissement Recevant du Public) ou un espace industriel par exemple (Bureaux, ateliers, etc.).
Enfin, une fois que nous aurons établi ces éléments, nous pourrons définir tranquillement les deux éléments dont je sais qu’ils vous brûlent les doigts (et le portefeuille) :
- La section des solives.
- L’entraxe des solives.
Allons y !
Dimensionnement des solives pour réaliser le plancher bois
Nous allons agir dans l’ordre, je ne veux pas vous perdre au deuxième paragraphe !
Pour dimensionner les solives, nous l’avons vu plus haut, il nous faut aligner les données en présence. C’est ce que nous allons faire dès le paragraphe suivant, étape par étape. En revanche il faut bien comprendre que ce dimensionnement sera dirigé par des critères extérieurs également :
- Accessibilité et manutention ?
- Possibilité de créer des ancrages ou des empochements dans la maçonnerie ?
- Coût ? Car le solivage bois n’est pas gratuit, le bois devient une ressource précieuse.
Pourquoi j’écris cela ? Et bien car c’est justement le but recherché du calcul d’un solivage pour un plancher bois : Optimiser au mieux ! C’est vrai, pourquoi donc se casser la tête à faire des calculs si j’ai juste à me faire livrer des solives en lamellé collé de 24×380 avec entraxe de 40 pour une portée de 3 mètres ?
Bref, vous l’aurez compris, le calcul permet une optimisation des matériaux, un gain de temps, et un équilibre raisonné entre « matière » et « temps de travail ». Dans le sens inverse, cela permet surtout d’éviter le « sous dimensionnement » qui lui peut conduire à des désordres, voire des accidents.
Maintenant que ceci est dit, on passe aux calculs !
Exemple pour un plancher bois de 5 mètres de portée, avec des charges d’exploitations domestiques, dont nous allons définir la section et les entraxes. Cet exemple nous permettra également de réaliser une étude préalable pour notre dossier sur la construction d’une maison en A.
Le poids : Calculer les charges uniformément réparties
Les charges permanentes (uniformément réparties) et les charges d’exploitation (meubles, personnes, etc.) se définissent assez simplement. Il s’agit de tout le poids qui va venir exercer une force sur le plancher bois, donc sur les solives elles-mêmes.
Calcul des charges :
Nous pouvons clairement les énumérer, puis nous utiliserons cette donnée comme critère dans nos calculs. Rappel : Les charges s’expriment en dN (decaNewton).
- Poids propre du bois de solivage (et oui !)
- Poids de l’isolant (si toutefois le plancher est isolé).
- Poids des tasseaux ou liteaux qui vont permettre de réaliser le platelage bois de parement.
- Poids du parement (OSB, CTBH, etc.)
- Ravoirage si c’est prévu ?
- Poids du revêtement supérieur : Carrelage, moquette, parquet, sols LVT.
- Poids du revêtement en sous face (si parement de type BA13 ou lambris par exemple).
- Charges d’exploitations (nous verrons la norme pour un usage d’habitation) : Les Eurocodes 5.
Nous noterons les charges permanentes (de 1 à 7) avec la lettre G et les charges d’exploitation (8) avec la lettre (Q). Nous passerons rapidement sur le coefficient de sécurité qui concerne la vétusté du bâtiment.
Dans notre exemple
- Poids du solivage (hypothèse d’entraxe de 60) : Que nous définirons après calcul préalable.
- Poids de l’isolant entre solives : 11 kg / m² (voir photo ci-dessus pour un isolant fibre de bois).
- Poids des lambourdes pour le platelage bois : 1.80 kg / m² (4 ml de tasseau 32×32 par m² à 400 kg le m3).
- OSB 15 mm : 9.52 kg / m²
- Sol LVT de 4 mm d’épaisseur : 6.55 kg / m²
- Pas de faux plafond en sous face : 0 kg : m²
- Charge d’exploitation (habitation) : 150 kg / m² soit 1.5 kN (ou 150 daN/m²) / Attention, cette donnée est bien supérieure pour un balcon par exemple.
Charge maximum autorisée : 178 kg / m² soit 1.78 kN auquel nous devrons ajouter le poids du bois, tablons sur 2.1 KN / m² et nous réajusterons. Enfin, nous devons appliquer un coefficient de sécurité que nous allons simplifier à 1.35 soit une charge maximum de 2.83 KN / m².
Tableau des charges d’exploitation sur le site SEAC.
Entraxe des bois pour calculer le solivage bois
Notre hypothèse se dirige vers un entraxe (Ea) de 60 cm que nous réutiliserons pour le dossier des constructions bois. Cet entraxe peut varier, le but du présent article étant très justement d’en calculer la distance. Pour rappel, l’entraxe n’est pas la distance qui sépare deux solives, mais la distance entre l’axe (le milieu) de deux solives. Autrement dit, si l’entraxe des solives de section 50 mm est de 60 cm, la distance entre deux solives sera de (60 – 2.5 – 2.5) 55 centimètres.
NOTA : Beaucoup de charpentiers axent les solives à 50 cm, c’est un usage courant et très souvent justifié.
Comme nous l’avons vu plus haut, nous avons une charge maximum de 2.83 KN / m² = 283 kg de poids par m². Or nous devons calculer la charge à l’axe, donc rapporter le poids au m² en fonction des solives qui vont constituer le platelage. Ces dernières, dans l’hypothèse d’un entraxe à 0.6, nous donne : 283 * 0.60 soit 169 kg / m autrement dit 1.70 KN / m (par mètre, pas par mètre carré !).
Charge max calculée = 1.70 KN / m²
Maintenant, nous devons nous intéresser aux abaques, et reporter notre donnée sur les tableaux des fabricants pour y trouver une équivalence. Pour faire simple, je prends les abaques STEICO mais cet article n’est pas sponsorisé, alors vous êtes libres de faire vos propres recherches. Cela reste un exemple.
Plus vous réduisez l’entraxe, plus votre charge au mètre est réduite, c’est mécanique.
Les abaques de solivage
Résultat :
- 80 x 240 de section reportée par la nomenclature sur du KVH ou du STEICO.
Les abaques de solivage sont des nomenclatures (tableaux) édictées par les industriels pour pré-dimensionner les bois de charpente : Ici cela concerne le solivage. Ce sont des guides pratiques qui varient selon l
- La section des solives (section commerciale)
- La nature du bois, selon son essence,
- Selon les portées et entraxes.
- Selon le poids.
C’est une fiche de simplification en somme.
Les abaques sont donc nécessaires pour calculer le solivage de plancher bois mais ne se suffisent pas à elle même. Ce serait trop beau.
En effet, ces dernières donnent de simples sections de bois en fonction de portées et d’entraxes déterminés. Le principal but des abaques est d’aiguiller le choix sur la section de bois la plus proche des sections commerciales.
Nous devrons donc faire une cote mal taillée au plus juste en choisissant la section la plus « approchante » entre deux lignes d’abaques.
Critères :
- Nature des solives (bois, LVL, poutre en I, etc.).
- Portée max : franchissement libre (L).
- Entraxe :
- Poids max (G+Q).
Cela semble redondant, mais il est nécessaire de bien réaliser les calculs car les sections de bois mal adaptées peuvent générer des désordres dans le platelage : Flèche, cintre, cisaillement, etc. Par conséquent, même une petite déformation pour mauvais dimensionnement causera des défauts au droit les sols, et des plafonds en sous face (manque de planéité).
Exemples d’abaques :
- Abaques de calculs chez STEICO (abaques solives et chevrons).
- Abaques de calculs chez Binderholz.
Attention : Les abaques de STEICO (par exemple) ne peuvent en aucun cas servir pour le dimensionnement de solives autres que celles vendues par STEICO. Idem pour Binderholz. Chaque industriel propose ses propres abaques. Alors évitons les raccourcis !
Les Eurocodes pour justifier les sections de solives
Les Eurocodes nous permettent de justifier les sections en présence pour la réalisation d’un solivage de plancher bois. Ce sont les éléments qui caractérisent les ELS en matière de résistance des matériaux (Etats Limites de Service). Ce qui nous intéresse ici, se sont les Eurocodes 5. Ces derniers permettent de donner un cadre pour le dimensionnement de :
- Poutres et poteaux.
- Pannes (en toiture).
- Planchers CLT.
- Solivage de planchers bois.
- Etc.
Il est également question de classification des éléments aux contraintes sismiques et au feu, mais cela ne nous concerne pas ici.
Eviter le fléchissement des solives
Nous revenons donc aux bases, et plus particulièrement aux notions de fléchissement. J’ai déjà largement abordé le sujet dans mes articles et je vous mets en lien le dossier précédent qui concerne justement la flèche d’une poutre sur deux appuis. Ici, je vous propose de simplifier les formules et de prendre en compte les règles sommaires : Winst ‘ »flèche instantanée ».
Formule simple : f = 5 ql4 / 384 EI (dont « f » désigne la flèche)
- Si le résultat du calcul valide les abaques selon vos propres données, avec une flèche admissible, alors votre section est bonne.
- Si la flèche est trop importante, reprenez soit vos sections, soit vos entraxes. Parfois un simple réajustement permet de passer sans efforts.
- Lire mon article sur le calcul et le dimensionnement des poutres bois sur 2 appuis.
- Consulter la documentation sur Freelem. Eurocodes 5 / Excellente ressource pour les calculs de structures.
Résumé : La flèche instantanée (Winst) est déterminée par ( longueur * poids * 5 exposant 4 / 384 * module de Young * inertie)
- L = Longueur de franchissement
- q = Charge
- E = module de Young (élasticité)
- I = Moment d’inertie
Si la flèche est trop importante, reportée avec la section de solivage choisie sur vos abaques, alors il faut réaménager votre distribution de solives. Une flèche de 13 mm sous 5 mètres par exemple peut engendrer de vrais problèmes de parement. Les solutions sont simples :
- Réduire les entraxes.
- Augmenter la section des solives.
- Alléger la charge totale (chercher des matériaux plus légers).
Dans notre cas, que j’ai volontairement « grossi », la section initiale ne passe pas. J’ai du reprendre mes préconisations en allégeant l’isolant (la fibre de bois est trop dense), réduire les entraxes, pour préserver ma section. Résultat : Je passerai sur un entraxe de 50 ce qui me permet de charger à 1.5 kN.
Rappel des nomenclatures utilisées
- G : Charges permanentes.
- Q : Charges d’exploitation ou « surcharges ».
- Winst : Flèche instantanée.
- Ea : Entraxe.
Résumé et notes intermédiaires
Dans cet exemple, j’ai grossi plusieurs « traits » volontairement. Ce qui nous intéresse ici c’est la méthode et non l’exemple que j’ai choisi. Pour les puristes, nous irons chercher des formules moins simplifiées et plus réalistes.
- Mon coefficient de sécurité doit être scindé en 2 : *1.35 pour les charges (G) et *1.50 pour les charges (Q).
- J’ai volontairement forcé sur l’entraxe à 0.60 sur une portée de 5 mètres, alors qu’il est plus courant de réduire à 0.50 et de créer des points d’appuis intermédiaires (poutre sur deux travées).
- J’ai réduis volontairement le module de Young sur du massif de faible classe alors qu’un KVH sera bien plus performant en élasticité.
- J’aurai pu réduire ma portée en prenant le franchissement au droit du nu intérieur des points d’appuis, soit gagner 0,30 de portée.
- Etc.
Vous l’aurez compris, ce qui nous intéresse ici c’est le cheminement intellectuel qui vous permettra de calculer vous-même vos solivages, ou simplement de les vérifier. DANS TOUS LES CAS : Vous devez faire valider vos notes de calculs par un bureau d’étude !
Conclusion
Nous continuons d’abonder dans le sens du partage de connaissances sur Monbatiment.fr et je suis heureux de vous offrir aujourd’hui ce « topo » sur le calcul de solivage bois. Nous le mettrons en pratique pour le cas d’école que je prépare actuellement en ossature bois sur le sujet des maison en A. N’hésitez pas à participer !
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.