Ceinturage bâtiment après sinistre : Le cas Allauch
En après sinistre, il faut parfois réaliser des interventions d’urgence, avec des procédés peu communs. A la suite d’une explosion sur la commune de Allauch, tout proche de Marseille, je réalise un ceinturage en plats d’acier, sur le pignon d’une maçonnerie en pierre.
C’est le cas que je vous propose d’analyser dans cet article et dont le débat sera poursuivi sur le forum (lien en bas de page).
Le ceinturage / La ceinture du bâtiment
Avant propos:
Il est nécessaire, pour aborder cette analyse de cas, de bien différencier le ceinturage du bâtiment (dans ce cas précis) de la notion de ceinture.
La ceinture, telle qu’il est assez logique de l’imaginer, crée une cohésion des ensembles maçonnés. Elle est généralement réalisée par une armature acier, coulée avec le béton. Il est question de fers à béton, de diamètre, de ligatures et d’enrobage.
C’est le principe du chainage, théoriquement réalisé avec des profilés (15.35, 10.35, 6HA etc.) dont les angles sont « liés » par des fers à béton.
Je vous laisse consulter mon article sur le sujet.
Les ceintures doivent « enclaver » les appareillages à chaque rang, soit :
- Dans les fondations
- Au nu supérieur des rangs d’un vide sanitaire
- Au départ d’une dalle en cas de radier
- A chaque « étage »
- Et enfin en linteau (au 1er rang supérieur des linteaux, plus exactement)
Ces cas sont les configurations idéales quand il s’agit d’un bâtiment en appareillage homogène : Agglos (parpaings), brique, siporex, etc.
Dans le cas d’une construction en pierre, maçonnerie hétérogène et ancienne, il n’y a pas « à proprement parler » de ceinture.
Pour l’exemple qui nous concerne, nous allons étudier un « ceinturage » partiel, pour prévenir d’un éventuel écartement du pignon suite à une explosion.
Nous aborderons les notions de ceinture, au sens technique, dans un autre article. Je ferai d’ailleurs un retour sur la règle des 36 diamètres concernant les liaisons d’angles.
Par conséquent, dans le présent article, il est question d’aborder un cas de « renfort » de pignon, en acier, faisant un ceinturage partiel.
Intervention en urgence
A la demande de la commune de Allauch, près de Marseille, j’interviens avec mon équipe en mesure d’urgence. Mon schéma n’est pas suffisamment satisfaisant (à mon goût) mais il s’agit d’agir vite et en sécurité.
Je sollicite l’entreprise PROLIANS, acteur historique dans les profilés en acier et récupère une commande en urgence, composée de plats en acier de 8mm et de divers procédés d’ancrage.
Longueur des plats : 5 mètres
Ci-dessus : Présentation des plats en acier et discussion avec Jean Pellegrini, entreprise Etoile Maçonnerie à Marseille.
L’intervention se faisant sur un pignon, il n’est pas possible de créer un « U » qui à mon sens, aurait été plus pertinent. En l’occurrence, nous soudons les plats en réalisant un schéma en « L ».
Difficultés :
- Manque de planéité de la maçonnerie, difficulté à « flanquer » les plats
- Ancrage par tiges filetées avec scellement chimique (doute sur la bonne tenue)
- Nécessité de souder avec les plats en place
- Impossibilité de créer un profilé en « U »
Avec l’entreprise Etoile Maçonnerie en soutien, nous finissons par réaliser le ceinturage. Ce dernier sera favorablement confirmé par le directeur technique de la commune.
Lire mon article sur l’entreprise Etoile Maçonnerie à Marseille
Le croquis de principe au pied levé
Nous sommes donc jeudi soir, tard dans la soirée, et il s’agit d’établir un schéma de principe. Ce dernier ne pourra malheureusement être validé par un bureau d’étude qu’a posteriori.
Il serait intéressant de débattre sur ce procédé lors d’un forum et je vous invite à me donner vos avis.
Ci-dessus :
Vous pouvez constater que sur mon schéma initial, j’avais réalisé un « retour » de 1 mètre (en pointillé, a gauche de la photo) afin de créer un schéma en « U » pour la ceinture inférieure. Solution qui a été écartée, et qui reste selon moi, le seul « garde fou » qui permet d’éviter un quelconque écartement.
La fissuration du bâtiment suite au sinistre
Ci-dessus : représentation grossière de la ligne de fissuration en rouge sur la photo.
En première analyse, l’état de la maçonnerie (malheureusement pas très visible sur la photo) est assez vétuste. Sur ces maçonneries anciennes en pierre, le liant n’est plus cohérent et seul le corps d’enduit « protège » le bâti.
Les murs maçonnés en pierre ne sont pas cohérents, même s’ils sont liés au mortier. Leur maintien est essentiellement assuré par effet de masse. Leur hétérogénéité est à la fois un avantage (absence de ligne de fracture) et un inconvénient (impossible de les « ceinturer » par chainage sauf en cas d’arase bétonnée).
Une fois le corps d’enduit piqueté, il n’est pas rare de constater que le mortier est devenu du simple sable.
Ce manque de « fond de clouage », support friable et non cohérent, est un des principaux éléments me portant à douter de la méthode utilisée. J’ai multiplié les points d’ancrages pour assurer une forme de « peigne », à la manière des agrafages de fissures.
Le ceinturage en acier
Ci-dessus :
La photo ci-dessus permet de bien se rendre compte du manque de planéité de la maçonnerie en pierre. L’avantage des plats en acier, relativement flexibles, est un atout dans ce cas de figure.
En le contraignant, il est possible de lui faire épouser les défauts des murs maçonnés.
Elément rassurant :
Contrairement aux murs en parpaings ou en briques, montés à l’aplomb, les anciens maçons bâtissaient avec un léger faux aplomb entrant. Cet élément de construction me rassure car la masse ne risque pas de « verser », le faux aplomb étant dirigé vers l’intérieur du bâtiment.
Les renforts en acier historiques
Pour la maçonnerie en pierre, il n’est pas rare de voir ces fameuses « croix », appelées « clé de tirant ». Ces procédés historiques permettent de créer une forme atypique de ceinturage.
Vous en avez sans aucun doute déjà aperçu sur les maisons anciennes.
Le procédé est différent, il est basé sur l’emploi de clés, visibles sur les pignons, et de « tirants » en acier qui sont transversaux.
Ci-dessus : Exemple de renfort en ceinturage par clé de tirant. Crédit photo : Cledetirant.fr
Voilà donc pour les éléments d’analyse que je vous propose dans ce dossier. Encore une fois, c’est un chantier que j’ai réalisé avec « les moyens du bord », et en mesure d’urgence.
Il s’agit, par conséquent, de débattre sur les notions suivantes :
- Ancrages au scellement chimique (pertinence, efficacité)
- Pertinence d’un ceinturage partiel : Ne pouvant pas effectuer le « U » que j’avais préalablement dessiné
- Pérennité de l’ouvrage : Solutions à apporter en mesure définitive de consolidation du bâti
- Réflexion plus générale sur les maçonneries en pierre hétérogène, pertinence des arases bétonnées rapportées
Je vous donne donc rendez-vous sur le forum pour discuter et partager sur ce dossier précis.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge Ustun. Crédits photo : Serge Ustun.