Le chiffrage à distance, peu utilisé, est pourtant un véritable atout pour les entreprises qui œuvrent en après sinistre, à l’instar des cabinets d’expertise bâtiment qui le pratiquent plus volontiers.
Lorsqu’il est question de démarche RSE, loin devant les initiatives d’engagement peu réalistes des entreprises du bâtiment, le chiffrage à distance donne enfin du sens au quotidien des métreurs.
Technique de chiffrage (ou métrage) terriblement efficace, économie de temps et d’argent, satisfaction des assurés : N’en jetez plus !
Cette technique se présente bel et bien comme un acteur incontournable des dossiers de fréquence, en tous points, et je vous explique pourquoi ici.
Le chiffrage à distance sur le segment de l’après sinistre : Un atout majeur
Tout est à prendre lorsqu’il s’agit de RSE (Responsabilité sociétale des Entreprises), cependant les solutions et engagements sont bien souvent fantaisistes et peu porteurs, le bâtiment étant par essence irréductiblement vecteur de pollution et de mécontentement.
Lire mon article sur la RSE dans le bâtiment
Lorsqu’une solution se présente comme responsable, économe, fiable et économiquement pertinente, pourquoi l’écarter ?
Le chiffrage à distance coche absolument toutes les cases, il est la « panacée » des dossiers de fréquence.
Le métrage à distance : les cas éligibles
En terme de dossiers de fréquence, dégâts des eaux minimes, impactant les plafonds et les murs (hors revêtements), le chiffrage à distance est une méthode pragmatique qui dispense de coûteux allez et retours chez le sinistré.
Ce sont les dossiers les plus courants.
Un plafond de salle de bain, deux murs en placo dans une chambre, quelques centimètres carrés de gouttelette dans les toilettes.
Voilà le « gros » du quotidien des métreurs en après sinistre.
Ces dossiers sont naturellement éligibles à un chiffrage distant, et ce n’est pas anodin. La quantité de dossiers qui s’y prêtent permettrait de réduire les coûteux kilomètres devenus non nécessaires, et clairement polluants.
C’est bon pour l’assuré, pour l’assureur et pour l’entreprise partenaire, la planète venant ajouter un « gros » plus au défi.
Cependant il faut rationaliser mon propos, le chiffrage à distance ne concerne évidemment pas tous les sinistres, les incendies ou la reprise en sous œuvre (RSO) étant naturellement exclus.
En d’autres termes, nous pourrions économiser des tonnes de CO2 en réduisant nos rendez-vous de métrage, sans sacrifier au service que nous devons à nos assurés, bien au contraire.
En résumé, les dossiers les plus fréquents sont également les plus éligibles à un métrage à distance :
- Plafonds de chambre, salle de bain, cuisine, séjour
- Murs partiellement impactés, 1 ou 2 pans, blanc, revêtu en placo ou enduit au plâtre
- Plafonds gouttelette en reprise partielle
- etc.
Ces cas de figure sont nombreux et bien souvent ils n’appellent aucune réflexion particulière, c’est du « roulage ».
D’autres cas plus complexes peuvent se présenter, qui sortent du champ d’application que nous venons d’évoquer.
Les dossiers exclus de fait
Tous les sinistres ne se destinent pas à un chiffrage distant. Certains sont exclus de fait.
Évidemment les incendies sont de ces exclusions de fait.
Certains dégâts des eaux, même les plus simples, peuvent également sortir de cette case d’éligibilité. En cause, la nature des supports, qui lorsqu’elle ne s’y prête pas peut représenter un frein au métrage à distance.
- Papier peint mural (difficile de déterminer l’état du support et le choix du papier à distance)
- Trop forte dégradation des placos ou du plâtre (cintre, parties mal adhérentes qui tombent, etc.)
- Support en enduits non communs, stucco, chanvre, chaux etc.
- Sols à remplacer (parquet, stratifié ou massif, lino etc.)
- Décollement de faïence ou de carrelage
De prime abord la liste semble longue, or, elle ne représente qu’une partie moindre des dossiers en DDE (Dégât des eaux).
Propulsé par le COVID, entériné par le bon sens
Le chiffrage à distance s’est très largement développé pendant la période COVID, ce qui semble parfaitement logique.
Or, cette période a également fait germer la notion de télétravail, nous invitant à changer nos habitudes et à redéfinir le concept de service en après sinistre. Le COVID s’en est allé, le télétravail quant à lui, est resté.
Ce sont ces deux spécificités qui devraient aujourd’hui placer le chiffrage à distance sur un piédestal :
- Est-il strictement nécessaire de se déplacer ?
- Comment anticiper une défaillance d’un métreur, pandémie ou simple grippe individuelle ?
Et quoi de plus naturel ? Ce n’est en effet, que du pur « bon sens ».
Les experts sur le devant de l’initiative
Les cabinets d’expertise bâtiment ne s’y sont pas trompés. La solution de « télé expertise » déjà très largement utilisée pour l’automobile, fait une entrée pertinente dans l’après sinistre IRD.
Polyexpert développe d’ailleurs un centre spécialisé et dédié sur Villeurbanne, Polytel, mais ils ne sont pas les seuls. Elex, par exemple, développe la télé expertise depuis longtemps.
Forte de son expérience, l’expertise a su saisir au bond ces nouvelles techniques, appuyées par l’omniprésence d’outils d’usage commun : les smartphones !
Cet outil insoupçonné que nous avons toutes et tous sur nous, notre téléphone, se transforme en véritable instrument de mesure. Les capteurs photos sont devenus efficaces et précis, plus besoin de se déplacer pour estimer des « petits » sinistres courants.
Certains téléphones sont dotés du Lidar pour effectuer des mesures.
Un mètre ruban ou simplement l’œil aguerris du métreur et le tour est joué. Dans bien des cas les assurés connaissent les surfaces, dans les autres cas ils peuvent se munir d’un mètre ruban.
Les entreprises partenaires à la peine
Ce qui semble parfaitement intégré par les experts du bâtiment, semble pour autant échapper aux entreprises partenaires en rénovation.
Cumuler rendez-vous sur rendez-vous pour enchaîner les visites techniques peut être une nécessité comme, parfois, une absurdité.
Utiliser un véhicule pour réaliser le métrage d’un plafond de salle de bain à Dignes les bains, quand votre bureau est à Marseille ou Valence est une hérésie.
Hors, contre toute attente, ce type de non sens intellectuel, économique et écologique semble perdurer sans que personne ne le remette clairement en cause.
Certaines grandes enseignes de l’après sinistre ont su relever le défi pendant la période COVID, en mettant en place des cellules de chiffrage à distance, efficaces et utiles.
Pourquoi ne pas avoir utiliser ce fantastique prétexte pour faire perdurer la pratique ?
Je suis bien malheureux de ne pouvoir répondre à cette question. Il semble d’après mes dernières recherches que le procédé reste à l’état larvaire. Des actions sont menées, timides et éparses, sans donner de réels résultats.
Chiffrage à distance ou en présentiel : Ne pas tout mélanger
Si toutefois le procédé de « télé-métrage » venait à s’installer sur la durée, il est primordial de ne pas se mélanger les mètres à ruban.
Une entreprise de rénovation après sinistre qui souhaite pérenniser le chiffrage distant doit créer une cellule spécialisée et dédiée.
Il s’agit de ne pas « ajouter » à la tâche des métreurs de terrain, les subtilités du métrage à distance, mais au contraire les soulager de quelques rendez-vous contraints et chronophages.
Le métrage à distance ne pouvant pas s’amalgamer aux réflexes d’un métreur de terrain.
Un bon métreur de terrain n’est pas nécessairement le candidat idéal en distanciel.
La constitution d’une cellule dédiée permet d’appréhender le métrage sous un angle spécifiquement adapté. Il s’agit de former des techniciens métreurs qui sauront poser les bonnes questions à l’assuré, pour compenser les réflexes habituels d’un métrage en rendez-vous physique.
En revanche, une mauvaise stratégie serait de :
Organiser une demi journée « métrage à distance » pour les métreurs de terrain.
C’est une très mauvaise idée. Un métreur qui se bloque du temps au bureau sera dérangé en permanence, il ne sera pas efficace.
L’appréhension côté client
Les clients ne sont absolument pas gênés par l’idée d’un télé-chiffrage. C’est même très exactement l’inverse.
Il n’y a que des avantages à opter pour un tel procédé :
- Le client ne se bloque pas de créneau horaire
- Tous les assurés ont un smartphone
- Personne n’aime qu’on perturbe son intimité
- Le technicien peut traiter les dossiers en « plusieurs » étapes s’il a des doutes.
- Excellent moyen d’assurer un rendez-vous annulé pour absence ou blocage d’un métreur en physique
C’est clairement « tout bénef ».
Les assurés ne pourront que vous remercier de ne pas être contraints de se bloquer une demi journée à patienter pour un métrage, qui prend tout au plus une dizaine de minutes.
Que des avantages, peu d’inconvénients
Vous l’aurez sans doute compris, je suis partisan du chiffrage à distance.
C’est sans aucun doute possible la démarche RSE la plus légitime et intuitive que nous puissions mettre en place dès maintenant.
Économie de trajets, de dépenses kilométriques, de temps mal utilisé, tout va dans le sens de cette méthode de chiffrage.
Les inconvénients existent, ils sont clairement identifiables :
- moins de précision sur les métrés
- impossibilité de réaliser un chiffrage distant sur certains supports
- manque de visibilité « globale » du sinistre
- nécessité de former des métreurs spécialisés
- impossibilité de prendre le TH
Moins de précision sur les métrés
La précision d’un métreur sur le terrain est primordiale. Il paraît évident qu’à distance, la question de la justesse des métrés se pose.
Or, comme je l’évoquais plus haut, il s’agit ici de « purger » en télé-chiffrage les dossiers les plus simples : une salle de bain, un toilette, un plafond de chambre.
Dans tous ces cas de figure, je peux vous assurer que je peux chiffrer aussi précisément sur photo qu’avec un télémètre, avec une simple vue d’ensemble.
Dans bien des cas, les assurés connaissent globalement les surfaces, et, pour les plus anciens d’entre eux, ils connaissent même les cotes précises !
Ce premier point n’est donc pas un frein.
Certains supports nécessitent un déplacement
Cette assertion est légitime. Certains supports ne permettent tout bonnement pas de faire un métrage à distance.
C’est la limite du procédé.
Manque de vision globale du sinistre
Le fait de réaliser un chiffrage au travers de photos va clairement « scléroser » la vision globale du sinistre. Cependant, nous parlons ici de dégâts des eaux simples, dont on sait que la cause est réparée.
Si le technicien métreur suppose une problématique tierce, libre à lui, dans le doute, de basculer la mission sur un rendez-vous habituel, en présentiel.
Ces cas peuvent également concerner le doute « admissible » de la légitimité d’un sinistre, l’éventuelle mauvaise foi de l’assuré ou simplement une cause tierce plus difficile à détecter (absence de VMC par exemple).
Nécessité de former des métreurs spécialisés
Cette notion de formation, dont vous savez qu’elle est omniprésente dans ma vision des métiers du bâtiment, est ici incontournable. Pas plus que pour les métreurs de terrain, mais différente de ces derniers dans son approche.
Un technicien formé, avec un niveau aiguisé de connaissances, pourra métrer n’importe quel sinistre sur la base de quelques photos.
Il saura identifier au premier coup d’œil la nature des matériaux en présence, et le cas échéant, il saura poser les bonnes questions pour lever tout doute. Métreur est un vrai métier.
L’approche doit donc être plus axée sur le bagage d’expérience ou de connaissance du métreur comme sa capacité à communiquer clairement. Il doit être pédagogue et communicant.
Le relevé du taux d’humidité : le TH
Le relevé du TH pose effectivement une barrière au chiffrage à distance. Or il existe de nombreuses solutions pour pallier à ce problème.
La plupart des entreprises partenaires ont déjà trouvé la solution pour une prise de TH à distance bien moins coûteuse que l’envoi d’un technicien.
En conclusion
Pour conclure cet article, j’apporterai une précision qui concerne l’évolution technologique galopante de nos smartphones.
J’ai eu l’occasion de « critiquer » le Lidar qu’utilise Apple sur certains de ces smartphones mais la technologie s’améliore. De mois en mois, les capteurs présents sur les téléphones sont de plus en plus performants.
Il est donc très naturel d’imaginer que sous peu, nos petits téléphones seront capables de mesurer les distances, mais également l’humidité d’un support. C’est déjà en développement sur de nombreux modèles.
Les quelques barrières qui empêchent le chiffrage à distance levées, cette méthode de reconnaissance après sinistre est sans aucun doute une voie d’avenir, plus respectueuse de nos engagements RSE.
Se préparer aujourd’hui activement au déploiement de ces nouvelles techniques sera un atout indéniable pour les entreprises qui œuvrent dans l’après sinistre.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge Ustun
Crédits photo de couverture : Andrea Piacquadio