La RSE: Un cache misère intellectuel pour se donner un genre, dans le bâtiment.
Mot de la rédaction : En dehors de toute notion industrielle (R&D), la RSE est soit une escroquerie intellectuelle, soit un moyen d’exister socialement autrement que dans des pratiques devenues « insensées », sans qu’aucun ne les remette nommément en cause.
Dans les deux cas, elle est inexorablement un buzz pseudo intellectuel et social, qui ne vise qu’à polir les angles proprement, quand au bout du bout, il n’y a plus rien de tangible à justifier.
Serge USTUN.
Dans ce texte je n’aborde pas les notions importantes de R&D sur les matériaux par exemple, seul véritable axe d’amélioration à mon sens sur l’aspect durable et environnemental de la RSE. Quant à la notion même d’environnemental, c’est le retour d’une guerre fratricide entre économie et écologie. Sur ce point, la véritable RSE serait de ne plus construire du tout, tant le problème est hors de notre portée et de notre entendement. La pénurie de sable à venir viendra étayer, je l’imagine, mes propos.
J’évoque uniquement la RSE en ce qu’elle nous interpelle, cadres moyens ou cadres supérieurs, dans le questionnement sur les améliorations possibles qui sont « à notre portée », petites rustines de ci et de là, pour légitimer des actions dont le sens est clairement plus « commercial » qu’environnemental.
J’aurai très certainement pu rédiger cet article avec un concept clair et factuel qui se résumerait en deux actions : Arrêter d’imprimer tout et n’importe quoi, limiter les déplacements. Mais c’est mal me connaître que de croire cela. Allons un peu plus dans le détail.
Nous ne saurions parler d’axes d’améliorations en faveur d’une démarche RSE, sans évoquer ce qui est notre tronc commun à tou(te)s : La compétence professionnelle Bâtiment.
Je donnerai des axes d’améliorations à suivre en fin de texte.
Introduction à la RSE
La Responsabilité Sociale ou Sociétale des Entreprises (RSE) désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes.
C’est un concept clé dans le monde des affaires modernes, visant à équilibrer les performances économiques, sociales et environnementales.
Définition académique propre et pleine de sens.
Si je devais transposer cela au bâtiment, je dirai qu’il s’agit pour mon entreprise de faire au mieux pour ne pas gaspiller, garder mes employés et être économiquement viable. Tout cela en gardant un œil sur l’environnement.
Nous savons tous et toutes qu’environnement et performance économique ne font généralement pas bon ménage. J’écarte donc de fait cette assertion illégitime dans l’énoncé.
Il ne reste par conséquent que deux éléments, ou axes, distincts au tableau:
- Ne pas gaspiller
- Garder ses employés & avoir une renommée
Or, ces deux éléments sont littéralement les principes de base des entreprises artisanales depuis des siècles.
Aucun artisan ne gaspille. C’est l’essence même du métier. Savoir s’approvisionner strictement, savoir débiter ses matériaux et savoir réutiliser les chutes de coupes. Par extension et déformation de langage, « faire bonne mesure » n’a jamais signifié de consentir à des largesses. C’est très exactement la signification contraire :
- Faire bonne mesure, c’est faire la « bonne » mesure. Point.
Il reste donc la notion plus sociétale qu’environnementale, consistant à consolider la fidélité de ses équipes et assoir sa notoriété.
De fait, si gaspi il y a, c’est que la première condition basée sur le postulat qu’un artisan est un économe n’est pas remplie : Ce n’est donc pas un artisan mais un intervenant qui œuvre par « défaut ».
Que veut donc nous enseigner la RSE ?
Quel est donc ce message si clairement énoncé, sans jamais cibler précisément une action ?
Évidement, l’artisan n’est pas désigné. Car il n’y a pas plus économe que lui, et ses équipes. Il en va de sa survie. Si l’artisan n’est pas visé alors, qui se distingue par son manque d’engagement ?
Soyons clairs et précis.
Si je dois reprendre 12 mètres carrés de plafond, que je sois dans une démarche RSE ou non, je dois reprendre 12 mètres carrés de plafond, point à la ligne. Je ne peux ni économiser sur la peinture, ni sur le plâtre ni sur les heures passées.
C’est un acte qui ne nécessite ni moins ni plus que le strict nécessaire à sa propre exécution.
Je devrais appliquer suffisamment de peinture pour être un bon artisan, et pas plus que nécessaire pour éviter d’être « gaspilleur », ou simplement un idiot.
En d’autres termes, tant qu’une peinture ne permettra de couvrir 20 mètres carrés par litre, ce n’est pas ici que nous devons chercher une voie d’amélioration.
Bien.
Ce ne sont donc pas les chantiers, qui nécessitent irréductiblement des « minimas » de mise en œuvre, qui posent problème.
Si ce n’est pas le gaspillage, ni les chantiers, c’est donc « en dehors » du chantier que le problème réside. Il reste, par conséquent, trois éléments distincts qui règnent en dehors du chantier :
- les dépenses pour obtenir un chantier : Communication, conventions, rendez-vous, métrage, administratif
- les dépenses pour aller sur un chantier : Travaux, signature des documents, réception de chantier, réclamations, sav
- les dépenses pour que les chantiers soient fédérateurs de compétence et agrégateur de notoriété : Formation et grille salariale
Ces trois points singuliers sont porteurs d’axes d’amélioration d’une démarche RSE. Mon postulat étant qu’un chantier est intrinsèquement irréductible, les actions doivent être menées en périphérie de ce dernier. La gestion des dossiers, la prise de rendez-vous, le rapport au client, le rapport à l’art, et enfin la concaténation de l’ensemble pour obtenir le confiance et l’adhésion de ses collaborateurs, et la notoriété : RSE.
Pour cela, il n’existe que deux options précises et distinctes :
- Chasser le gaspillage
- Chasser l’empirisme
Or, ces deux notions sont intimement liées à la notion fondamentale de compétence. L’intervenant compétent sera toujours plus économe que son homologue peu qualifié, en tous points : Dépense d’énergie, de temps, de matériaux et de considération critique. Economie de papiers imprimés, en une forme d’orgie administrative totalement désuète mais pourtant tenace. Rapidité des prises de décision et fiabilité des mesures engagées.
C’est valable de l’assistante administrative, en passant par le métreur ou le chargé d’affaire, pour finir par l’intervenant en production, le tout sous la direction d’un cadre « conscient » de ces réalités.
Par nature, la compétence délivre de facto les reflexes d’économie, de pragmatisme et d’efficacité ce qui apporte : Notoriété et leadership, indispensables pour cocher la case « sociale ».
La formation des individus est la meilleure forme de RSE
Aux antipodes de la médiocrité intellectuelle, qui règne dans nos métiers, il subsiste son pendant : L’excellence (en dehors de toute notion d’élitisme).
L’excellence, qui n’est pas ici inscrite dans un sens élitiste, est une forme de combat quotidien contre le gaspi et en faveur d’une reconnaissance sociétale et humaine. Un employé qui collabore avec un cadre compétent n’a pas envie de partir. Il veut « s’abreuver » au maximum de la qualité de ces interactions.
Un artisan « excellent » ne se trompe pas dans ses coupes, il maîtrise ses achats, il gère au centimètre carré près le réemploi. Un métreur « excellent » ne s’embarrasse pas de 20 ou 30 menuiseries en « rebus » dormant dans un atelier sous la poussière, il effectue son métrage avec précision : Zéro rebus, zéro déchets.
Un chargé d’affaire compétent prendra soin de son véhicule, il planifiera ses trajets pour éviter les allers et retours inutiles, il sera suffisamment concis et rassurant pour éveiller la confiance nécessaire à une gestion pragmatique des dossiers dont il a la charge.
Un conducteur de travaux « excellent » règlera les problèmes avant même que ces derniers ne se produisent, là où son homologue ajoutera une surcouche de problèmes supplémentaires inexistants au demeurant.
Comprenez bien ceci, la compétence annihile tous les axes critiques cités plus haut, elle est la base de la RSE.
Un homme de l’art compétent & exigeant, c’est :
- Deux fois moins d’allers-retours sur les chantiers (Un homme de l’art compétent décèle et anticipe les problèmes)
- Trois fois moins de rebus, déchets, gaspi (mesure twice, cut one)
- Deux fois moins de perte de temps (un intervenant compétent réalise plus de travaux en 1 heure qu’un incompétent en 10 jours)
- Deux à trois fois moins de stress pour lui et ses collaborateurs (personne ne suit un incompétent)
- Deux fois moins de temps d’exécution pour tous les actes, qu’ils soient opérationnels ou administratifs.
Bref, je pourrai continuer ainsi à lister point par point les éléments qui nous amènent au seul constat : La RSE c’est le niveau de compétence des individus. Ce n’est rien d’autre que cela.
La compétence comme arme majeur face au défi
Pour résumer ma pensée et la signification de ce texte, considérons que la première arme majeure en matière de RSE réside dans le niveau de qualification des intervenants.
Un artisan, un sous traitant, un interne productif qualifié :
- limite l’entropie,
- limite les chutes de coupes,
- limite l’emploi inconsidéré des matériaux,
- limite les réclamations, donc les allers et retours sur chantier
- Suscite l’intérêt de ses collaborateurs
- Renforce l’adhésion et limite les arrêts ou départs de ses collaborateurs
- Améliore la notoriété de l’entreprise qui l’emploie, de sa propre entreprise, de l’image de marque du réseau au sein duquel il œuvre.
Un chantier n’est jamais bon pour personne. Personne ne souhaite bruit, poussière, intrusion dans l’intimité pendant des semaines. En revanche, tout le monde se félicite d’un agréable « c’est fini ».
Seule la compétence mène à cocher toutes ces cases. Il n’existe aucun autre moyen d’y parvenir différemment.
La compétence, obtenue par une solide formation & un revenu adapté, est la seule véritable action RSE qui soit dans le bâtiment. Tout le reste n’est que gesticulation, si l’on considère que plus aucune action ne peut être menée sur la qualité des produits (arrivés à maturité) et leurs quantités (irréductible pour un chantier donné).
Les axes à suivre pour améliorer sa démarche RSE dans l’après sinistre :
Après ces quatre années passées dans l’après sinistre, je ne peux que poser dans le réel les constats suivants :
- Trop peu de réalisme dans la gestion des dossiers
- Des actes non nécessaires
- Mauvaise appréhension des métiers
S’il est légitime de rechercher une démarche RSE, cela doit se traduire dans le réel. Aussi factuellement que possible, et à chaque étape de la vie d’un dossier.
- Eviter d’imprimer les devis s’il ne sont pas « Ut ordo peragatur ». C’est valable dans la quasi totalité des entreprises en après sinistre. On imprime les devis quand bien même ils ne sont pas acceptés. Certainement pour justifier de brasser des « trucs ». C’est 6 à 8 devis par métreur et par jour. Et évidemment, on en profite également pour imprimer l’attestation de TVA, le bon de commande, la réception de chantier etc. Une fois avec les prix, une fois sans les prix. C’est une hérésie. Un devis (ainsi que les documents associés) ne devrait être imprimé que la veille de la réalisation du chantier.
- Limiter les secteurs d’interventions à une zone « acceptable » et ne pas répondre aux donneurs d’ordres sur des zones éloignées, qui à n’en point douter, sont pourvues d’artisans.
- Limiter les rendez-vous de métrage à des chantiers qui nécessitent réellement un métrage. Un plafond de salle de bain ou un plafond de cuisine doivent être métrés à distance. Certaines entreprises réalisent des téléchiffrages et ça, c’est une démarche réellement RSE !
- Stopper les mesures provisoires écocides. L’onduline, la mousse PU, les plaques d’OSB grossièrement taillées sont des méthodes d’un autre siècle. Une mesure provisoire doit pouvoir être gérée de façon pérenne avec des matériaux réutilisables & non polluants.
- Eviter les biais cognitifs dus à une mauvaise maîtrise de l’art. Remplacer seulement ce qui doit être remplacé, en prenant la parfaite mesure de ce qui l’est ou non : C’est une notion d’excellence.
- Savoir formaliser le sujet ci-dessus en termes suffisamment professionnels pour ne pas se voir opposer le doute client, donc le refus.
- Former les individus à tous les niveaux de la gestion d’un dossier, terrain & administratif.
- Etre compétent. La compétence limite l’entropie, la gesticulation, les va-et-vient et les réunions qui s’empilent pour justifier les gesticulations précédentes.
Tous ces éléments, sauf la partie « impression de documents », est sous-jacente à la notion de compétence.
Un chargé d’affaire, qui se déplace sur un dossier, qui réalise un métrage « à la louche », qui n’est pas en mesure, faute de compétence, de réaliser le chiffrage va envoyer un intervenant par lot pour combler ses défaillances. Sur un sinistre incendie, c’est donc une petite dizaine de personnes qui vont se déplacer, autant de véhicules et de frais et parfois même, deux artisans pour « mettre en balance » en cas de doute du chargé d’affaire sur les montants.
Ce chargé d’affaire est donc au sens le plus stricte du terme : L’ennemi numéro 1 en matière de démarche RSE.
La palme d’or revenant aux mesures provisoires et à la recherche de fuite. Pour une RDF, dans la grande majorité des cas, le « coût » de la gestion du dossier et très largement supérieur au coût réel de la réparation. Entre enchainement de visites, de prises de RDV, de rapports, de retour pour métrage par un autre métreur etc. Une hérésie.
Enfin, l’alinéa 2 ci-dessus est également un problème de compétence. Car envoyer « coûte que coûte » un métreur, une équipe, aux limites d’un département limitrophe pour « faire du chiffre » est un problème de compétence. Un cadre qui choisi cette option suggère une stratégie douteuse qui questionne sur sa compétence de cadre. Ca fonctionne très bien pour la vente de bouquins sur Amazon, c’est une hérésie dans le bâtiment. En terme de RSE c’est un non sens (et c’est la pire démarche à envisager).
En conclusion
Ma conclusion est donc non équivoque, vous l’aurez sans doute compris. Une démarche RSE peut tout à fait être basée sur des initiatives, petites ou grandes, en faveur des « piliers » qui la constitue MAIS, seule la compétence peut lui apporter du poids.
Nous sommes tels des électrons qui s’agitent en tout sens pour aller pécher de nouvelles idées et axes d’améliorations alors même que notre « tronc commun » est défaillant : Le savoir et la compétence dans les métiers du bâtiment.
Merci pour vos lecture et bon chantier !
Serge USTUN
Pour les lecteurs qui auraient quelques minutes à perdre, je vous glisse ici un résumé de la RSE.
Les origines et l’évolution de la RSE
Le concept de RSE a émergé dans les années 1950, mais il a pris de l’ampleur au cours des dernières décennies, à mesure que les préoccupations environnementales et sociales sont devenues centrales. Initialement axée sur la philanthropie et le bénévolat, la RSE englobe aujourd’hui une gamme beaucoup plus large d’activités, de la gestion environnementale à l’équité sociale et au développement durable.
Les principaux piliers de la RSE
La RSE repose sur trois piliers principaux : économique, social, et environnemental, souvent résumés par le concept de « triple bilan ». Le pilier économique concerne la viabilité financière et la contribution au développement économique. Le pilier social se concentre sur l’impact de l’entreprise sur ses employés, les communautés locales et la société dans son ensemble. Le pilier environnemental vise à minimiser les impacts négatifs sur l’environnement et à contribuer à la préservation des ressources naturelles.
Les avantages de la RSE pour les entreprises
Adopter une démarche RSE peut apporter de nombreux avantages aux entreprises, tels que l’amélioration de leur image de marque, l’attraction et la rétention des talents, et l’accès à de nouveaux marchés. La RSE peut également contribuer à la réduction des coûts par une meilleure gestion des ressources et à l’innovation en stimulant de nouvelles idées et approches. De plus, elle peut renforcer les relations avec les parties prenantes et améliorer la gestion des risques.
Défis et critiques de la RSE
Malgré ses avantages, la mise en œuvre de la RSE rencontre des défis, notamment la difficulté de mesurer son impact réel et le risque de « greenwashing », où les entreprises exagèrent leur engagement envers la durabilité pour améliorer leur image. De plus, la RSE peut être perçue comme un fardeau financier pour les petites et moyennes entreprises (PME) avec des ressources limitées.
La RSE dans un contexte global
Dans le contexte de la mondialisation, la RSE acquiert une dimension internationale, poussant les entreprises à adapter leurs pratiques à divers environnements culturels, légaux et économiques. Les normes internationales, comme les Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales et les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, fournissent un cadre pour guider les actions des entreprises à l’échelle mondiale.
Stratégies et pratiques de mise en œuvre de la RSE
Pour intégrer efficacement la RSE, les entreprises peuvent suivre plusieurs stratégies, telles que l’élaboration de politiques internes claires, la participation à des initiatives de durabilité sectorielles, et la collaboration avec des ONG et des organismes de réglementation. La transparence et la communication régulière sur les efforts et les réalisations en matière de RSE sont également cruciales pour construire la confiance avec les parties prenantes.
Conclusion et perspectives d’avenir
La RSE représente un levier important pour les entreprises qui cherchent à contribuer positivement à la société tout en poursuivant leurs objectifs économiques. À l’avenir, l’accent sera probablement mis sur l’intégration encore plus profonde des pratiques durables dans le cœur des stratégies d’entreprise, poussée par l’évolution des attentes des consommateurs, des réglementations gouvernementales et des défis mondiaux comme le changement climatique. La capacité d’une entreprise à innover et à s’adapter dans ce domaine sera un facteur clé de sa réussite à long terme.
EXCELLENTE analyse, elle est pertinente et bien fondée. Merci