Au delà du désastre humain, les conflits génèrent des impacts sur l’industrie et plus particulièrement sur l’industrie du bâtiment.
Le conflit en Ukraine est encore plus impactant que tout autre conflit dans le monde, en ce qui concerne le secteur du bâtiment en France, déjà totalement sinistré depuis 5 ans.
En quoi devons nous nous attendre à une aggravation de la condition des entreprises du bâtiment en 2024 et 2025, je vous explique tout dans ce nouveau dossier : Conflit en Ukraine, un terrible impact pour le bâtiment.
2024 : La crise s’enracine dans le secteur du bâtiment
Déjà cinq années de diète pour le secteur du bâtiment et la crise n’est pas prête de s’éteindre. Les entreprises du bâtiment dénoncent leurs chantiers avant même de les avoir commencé, les fermetures administratives s’empilent, les défaillances se multiplient.
150 000 emplois sont directement menacés en 2024 selon les propos tenus par Mr Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment. A demi mot, il avoue également que ce chiffre est très en dessous de la réalité à venir.
Ce constat est déjà terrible en soi. Avec 1 273 000 salariés du secteur du BTP, c’est en toute logique plus de 10% des emplois du secteur qui sont menacés. Ce chiffre, alarmant, ne semble inquiéter personne au regard de ce que le conflit en Ukraine pourrait l’aggraver.
Car c’est très exactement ce qui « pend au nez » du secteur BTP en France. Le conflit en Ukraine va être dévastateur et je vous explique pourquoi :
Les matériaux de construction nécessitant du gaz pour la fabrication
La Russie est le deuxième fournisseur de gaz pour la France avec 22% d’import en volume. Juste derrière la Norvège avec 32% de volume d’import.
Ces derniers jours, la France à clairement pris position sur le conflit, devenant par « zèle » inconsidéré le meneur de file d’une guerre contre la Russie. Russie qui nous livre 22% du volume total de gaz importé en France.
Pour que l’industrie du bâtiment survive, qu’elle génère de la marge et qu’elle soit prospère, il faut que les matériaux soient aux prix les plus contenus. Matériaux fongibles mais également les produits finis.
Au premier trimestre 2023, les coûts de production avaient augmenté de 6,6 %.
Selon une enquête de Capital.fr, en 2023 les coûts des matériaux ont subis une hausse de 14.4 %. Les bétons prêts à l’emploi ont quant à eux augmenté de 21%. La CAPEB tire la sonnette d’alarme.
Ces sont étrangement tous les produits qui nécessitent du gaz pour leur fabrication qui sont le plus impactés :
- bétons et mortiers
- Tuiles, céramiques (toitures, carrelages, faïences)
- Brique de construction
- Ciment
- Liants
- Produits dérivés (colle, ragréages, enduits etc.)
Or, ces produits là ne sont pas remplaçables, ils sont nécessaires à tout type de construction.
L’année 2025 sera en toute logique plus difficile encore pour les entreprises du bâtiment en terme d’achats de matériaux.
Un coup d’opinel pour l’industrie du bois :
Avec la mise en œuvre du 5ème train de sanctions visant la Russie, le bois de construction est également sur la sellette.
Depuis le 8 mars 2022, en représailles aux différentes sanctions instituées par l’UE, la Russie interdit l’export de ces bois de construction. L’UE de son côté, interdisant le commerce (l’import ou le transit) des bois d’origine Biélorusse.
Sur ce point, la rédaction de Monbatiment.fr ne peut que se satisfaire car nous prônons de développement de l’industrie sylvicole française.
Mais !
De quelle quantité de forêt d’exploitation disposons nous en France, car là est la question, au même titre que pour le GAZ.
- France (y compris Guyanne) : 8 159 125 ha (PEFC)
- Ukraine : 44 000 ha (PEFC) et 3 700 000 ha (FSC)
- Biélorussie : 8 600 000 ha (PEFC) et aucune info pour le bois certifié FSC
- Russie : 31 950 000 ha (PEFC) et 61 500 000 ha (FSC)
La Russie, c’est 815 millions d’hectares de forêts, soit 20% de la superficie mondiale.
Au global, sur une première lecture le bois russe ne représente que 3% de la consommation totale française. Or pour le bois du nord, spécifiquement utilisé pour la construction, le ratio monte à 25%.
La France « consomme » près de 9 millions de mètres cube / an (résineux).
Pour les bois de charpente de type Sapin, Mélèze, Pin et Epicéas, l’importation nette de bois russe est de 10%. Ici s’arrête la première lecture. Car en effet, il est tout à fait possible de se priver de ces 10% d’import.
« L’impact sera nul sur les échanges France/Russie mais cela risque de créer un manque en Europe et donc d’accentuer l’augmentation des prix en sciages résineux dans un marché déjà très volatil » Source: FrenchTimber
Or, le paradoxe du bois en France n’aura échappé à aucun professionnel du bâtiment. Nous sommes un acteur incontournable de la filière bois mondiale, du fait de notre exploitation du secteur nous portant à la 4ème place européenne.
Seulement voilà, seuls les exports bénéficient de cette position dominante, nos propres artisans devant, quant à eux, faire la queue devant les scieries.
Le plus gros de l’export se faisant évidemment au bénéfice de la Chine, alliée de la Russie.
Ai-je besoin de vous alerter sur le « bug » que la filière va devoir affronter quand la Chine va « bouder » le bois d’origine France ? Car le bois est une denrée cotée en bourse, soumise aux marchés.
Nous sommes en train de détruire la seule filière sur laquelle nous avons une position dominante !
Ainsi, même si nous avons de quoi produire 5 fois la demande en construction, les marchés vont mathématiquement faire grimper les prix du mètre cube.
Les scieries, et les usines de transformation, vont devoir faire face aux colossaux investissements qu’elles ont réalisé ces dernières années, sans garantie les faire fonctionner à plein.
Toute la filière sera impactée, et par effet rebond, l’industrie du bâtiment, pénalisant ainsi nos propres entreprises en ayant tenté de pénaliser la Russie. Cette stratégie va nous coûter notre filière.
La baisse des investissements collectifs
Seul levier qui permet encore aux entreprises du bâtiment de combler un carnet de commande : Les constructions en collectif.
La volonté confirmée du ministre de l’économie semble cependant vouloir « étriller » les budgets des collectivités locales. A n’en point douter, le bâtiment sera le premier à souffrir de ces économies.
La politique d’économie sur l’économie bat donc son plein. Toute l’industrie du bâtiment va souffrir des conséquences de nos prises de décisions.
En résumé, le bâtiment doit s’attendre à une année 2025 plus terrible encore que celle que nous entamons. Aux 150 000 suppressions d’emplois qu’annonce Mr Olivier Salleron, il conviendra d’ajouter très certainement un wagon de 50 ou 60 000 licenciements supplémentaires.
Ce manque de vision sur le long terme va accroitre la précarité d’un secteur qui se veut pénible par nature, et les contrats courts vont se démultiplier.
Enfin, et c’est sans aucun doute l’effet le plus pervers de notre positionnement, nous allons sacrifier la filière bois Française au profit des filières sylvicoles de la Suède et de la Lituanie. Et qui sait, peut être même au profit d’une nouvelle filière Ukrainienne qui était jusqu’à lors peu prégnante sur le marché sylvicole.
Sources :
Bon à savoir :
France: Deuxième pays producteur de béton en Europe