Pas de panique ! C’est un document de travail !
Le titre est malheureusement trop long pour être utilisé comme titre de l’article mais il définit clairement le sujet : Document de travail : Effets de l’isolation thermique des logements sur la consommation réelle d’énergie résidentielle.
Tout un sujet !
A la parution de ce document, il n’aura fallu que quelques jours avant que les retours n’abondent. En cause, la conclusion de l’étude réalisée par l’INSEE et ses rédacteurs. Seul élément retenu : 115 euros d’économie annuelle moyenne, pour 14 500 euros d’investissement.
De quoi en fâcher plus d’un, et de voir à nouveau ressortir les vieilles plaisanteries du type : « Isoler ne sert à rien ».
Cette affirmation, fût-elle proposée par l’INSEE ou tout autre organisme, semble si alarmante qu’elle soulève évidemment les curiosités. Nous sommes donc à deux pas d’affirmer que les ingénieurs thermiciens se trompent, que les industriels se trompent, que les artisans se trompent et pire encore, que Engie se trompe : L’isolation des logements est inefficace.
Du moins selon les conclusions du document.
Alors que vaut réellement ce document ? Est-il « scientifique » comme un Youtubeur le prétend dans sa vidéo ? Existe t’il des résultats factuels mesurables ou, est-ce ni plus ni moins qu’un travail de statistique, dont les critères sont peut être erronés ? Espérons que c’est le cas, car dans le cas contraire, les procès vont fuser !
A la rédaction, étant tous issus du bâtiment, cette affirmation nous à fait simplement rire. L’isolation thermique isole, de manière mesurable, et vérifiable. Nous le constatons chaque jour, et nous le mesurons chaque jour sur nos chantiers écoles.
Le document de travail de l’INSEE
Le document de travail qui est proposé en ce mois de Juillet 2025 par une équipe de chercheurs choque. Basé sur les relevés Linky (pour la consommation électrique) et Gazpar (pour la consommation de gaz) ce dernier évoque un grand nombre de statistiques, toutes cohérentes, mais dont les conclusions sont critiques envers l’isolation thermique des logements en rénovation. La question est donc simple : Est-ce que le rapport investissement/gains est pertinent en matière de rénovation énergétique ? Ce document conclu que non. Les gains évoqués sont de quelques petits pourcents pour l’électricité, et légèrement plus pour le gaz.
Je cite :
« En exploitant une variation temporelle de la consommation trimestrielle avant et après travaux, nous estimons une baisse moyenne de 5,4% de la consommation globale d’électricité pour les logements chauffés à l’électricité et de 8,9% pour le gaz pour les logements chauffés au gaz. »
Accéder à la page de l’INSEE sur l’étude réalisée.
Les gains annuels seraient en moyenne de 150 à 250 euros annuels en termes de facture (EDF et GAZ) pour les ménages rénovés selon les statistiques évoquées. Pour un investissement moyen de 14 500 euros, le document de travail est donc formel : Il faudrait une centaine d’années pour avoir un retour de bénéfice sur investissement. Cela paraît fou non ?
Cependant, à la rédaction, nous ne comprenons pas ces résultats et nous pensons qu’ils sont trop rapidement établis sur des bases non pas de vérification réelle sur un panel de ménages nominatifs, mais sur des données purement « prédictives ».
Mesures ou statistiques ?
Non, il n’est pas légitime de définir ce document de travail comme une preuve scientifique. Ce ne sont que, et uniquement que des statistiques. Certes, c’est une science, mais cette dernière n’est pas assimilable à la science de l’ingénierie thermique. Pour faire le buzz cela peut sans doute aider, mais cela reste un document qui n’est en rien vérifiable sur le terrain.
Alerté, j’ai lu le document dans son intégralité. Si vous n’êtes pas adeptes des « stats », vous n’y comprendrez rien.
Fait remarquable, les auteurs évoquent un travail réalisé sur 1 million de foyers raccordés, sur les tranches électricité et gaz. À chaque évocation de chiffres, les affirmations débutent par « prédictions ». Vous l’aurez compris, c’est une méthode qui tient plus de la modélisation que de la science. Période de confinement, changement des usages, hétérogénéité des mesures prises pour isoler : Rien n’est factuel, tout est statistique.
Pour être factuel, sans aucune ambiguïté, il faut simplement prendre la facture énergétique de Mr et Mme Dupont avant travaux, et la comparer à la facture de Mr et Mme Dupont, sur une année pleine, après travaux. Pourquoi est-ce que cette simple méthode, qui relève du bon sens, fait place à des statistiques diluées au niveau national ?
Cela n’a aucun sens. Cela n’a aucune valeur.
Si la méthode est biaisée, alors les résultats le sont aussi. Nous invitons les rédacteurs de ce document de travail à nous fournir les éléments, et nous leur donnerons les clés pour réaliser une véritable étude d’impact, au cas par cas, sur un panel très large et vérifiable.
Hypothèses remises en question
L’étude ne doit pas être dénigrée, car le travail accompli demeure extrêmement riche en données. En revanche, nous nous posons cette simple question, au sein de la rédaction : Pourquoi ne pas prendre un panel plus réduit, de 100 ménages chauffés à l’électricité, et 100 chauffés au gaz. Il suffirait alors, après une année pleine d’usage, de climatisation l’été, et de chauffage l’hiver, de comparer la consommation réelle des ces derniers ?
- Avant travaux / Après travaux.
- Exclure les périodes atypiques tels que les confinements (non exclus dans la présente étude).
- Sans modification du nombre d’habitant.
- Sans modification d’usage (télétravail, changement des habitudes, vacance des locaux, etc.).
- Sur une même zone géographique, par exemple LYON.
En outre, il apparait que l’étude ne retient que les données pour les rénovations thermiques sur les maisons individuelles de plain pied. Or nous le savons tous, ce n’est pas cette typologie de logements qui est la plus mal isolée, mais bel et bien les passoires thermiques des copropriétés, maisons de rues, maison à étages qui sont de facto plus vétustes ! Il y a donc un « biais » évident de raisonnement. Ramener l’étude à des maisons dont le seuil de pertinence en termes de rénovation thermique est déjà très élevé renforce évidemment les conclusion du document.
L’étude survole les usages réels sur le terrain :
« Cependant, l’étude ne permet pas de confirmer cette hypothèse, faute d’informations sur les comportements des ménages. D’autres éléments explicatifs peuvent être envisagés, tels qu’une occupation du logement devenant plus régulière ou une évolution de la composition familiale entraînant une augmentation du nombre d’occupants. »
Le rapport consommation / coût ne peut pas être légitime car les coûts ont explosés sur la période :
« La réduction de la consommation de gaz s’accompagne d’une baisse de la facture annuelle de 91€ par an en moyenne sur l’ensemble des ménages. » Voir prix du gaz. / un gain réel de 0,9MWh PCI par an ?
Encore des estimations :
« Nous estimons qu’environ 16 % des logements de notre échantillon avaient une consommation élevée avant travaux, et pour ces logements
l’effet de la rénovation sur les consommations de gaz est nettement supérieur que pour les autres, atteignant une réduction de 16,6 % (Table 6 et Figure 8b). »
Voir aussi ce document de 2019 pour le mettre en comparaison.
MaPrimeRenov’ dans le collimateur
Alors se pose une question, qui au vu des derniers trimestres politiques semble avoir son importance. Cette étude est-elle sérieuse ou est-ce une simple attestation d’autorité pour confirmer la volonté des pouvoirs publics de négliger, voire supprimer toute action en faveur de la rénovation énergétique des logements ?
Est-ce si difficile à imaginer, quand on considère que MaPrimeRenov’ est, depuis 8 mois, dans le collimateur des différents gouvernements successifs ?
La cause semble donc produire ses effets, ou plus simplement, il semble qu’on recherche un manque d’effet à une véritable cause : La rénovation, nécessaire et indispensable, de nos logements.
L’appel est donc lancé, nous souhaitons vivement un entretien contradictoire avec les rédacteurs de cette étude, sous forme d’un dialogue constructif.
Lire aussi : MaPrimeRenov’ : Un nouveau coup dur pour le bâtiment.
Le sujet est ouvert aux commentaires et je vous laisse apporter vos éléments de réflexion pour que le sujet soit a minima contradictoire. Avez vous isolé votre logement ? Dans quelles conditions ? Sur quelle enveloppe ? etc.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.




