Avec le développement exponentiel des toitures terrasses, la décennale étanchéité est devenue incontournable.
Aussi difficile à obtenir pour les couvreurs que pour les piscinistes, cette garantie est pourtant le sésame pour pouvoir débuter et facturer des chantiers.
En revanche, la notion d’étanchéité est très large, et englobe bien des activités n’ayant pourtant aucun lien entre elles.
Ainsi, un carreleur qui réalise un SPEC (Système de Protection à l’Eau sous Carrelage) est techniquement en train de réaliser une étanchéité. Il en va de même pour le zingueur qui réalise une noue.
Par conséquent, il s’agit de centrer le présent article sur ce qu’il est commun d’appeler : « Les étancheurs ».
La décennale étanchéité est l’une des plus difficiles à obtenir dans le bâtiment : Qu’est ce qui explique son coût et pourquoi fait elle partie des garanties les plus difficiles à décrocher ?
Je vous explique tout ici, point pat point.
Décennale étanchéité : Un sésame obligatoire
Comme je l’évoque régulièrement, la décennale est obligatoire pour tous les entrepreneurs du bâtiment, c’est la fameuse loi SPINETTA qui en dispose.
Par conséquent, c’est évidemment le cas en ce qui concerne les étancheurs, ou plus généralement tous les travaux d’étanchéité.
Lorsqu’on évoque le sujet, on pense naturellement aux toitures terrasses, or ce ne sont pas les seuls ouvrages concernés. Dans ce cas, il est souvent question de décennale « TTE » pour Toiture Terrasse Etanchéité.
Cet acronyme situe mieux le contexte dans lequel intervient la dite garantie.
Les secteurs les plus en demande sont :
- Etanchéité des toitures terrasses d’immeubles collectifs
- Etanchéité des toits terrasses des maisons individuelles
Depuis peu, la demande converge également vers les nouveaux systèmes constructifs. Avec l’avènement des modules habitables de type studio de jardin, maisons containers et autres habitats de loisirs, la demande explose.
Indéniablement, ce secteur est en constante hausse, le sujet est donc parfaitement d’actualité.
Lire mon article sur la décennale obligatoire
Travaux nécessitant la décennale étanchéité
Un nombre important de travaux nécessitent la décennale étanchéité. Que cette dernière soit l’activité principale de l’entreprise ou une activité secondaire, fortement liée à la première.
Je reprends l’exemple du zingueur qui doit poser une couvertine sur un mur en acrotère revêtu en étanchéité bitumineuse.
Dans ce cas, le zingueur intervient sur un élément faisant étanchéité, il est donc nécessairement concerné par la décennale. En revanche dans ce cas, c’est un élément connexe à son activité principale qui n’alourdira pas le montant de sa garantie.
Ci-dessus : Exemple d’une de mes inspections de toitures impliquant la décennale étanchéité, Drôme. Crédit photo: S.USTUN
Si ce dernier pose des noues, alors cela devient un élément à part entière de son activité, c’est d’une logique implacable. En revanche, les éléments zingués n’étant pas amalgamés avec la structure, les interventions sont plus simples et moins coûteuses.
Par conséquent, ces activités « théoriquement » soumises à la décennale étanchéité ne sont que très peu concernées par ce dossier. Il faut vous reporter à la terminologie pour mieux comprendre si vous êtes dans le cas d’une décennale étanchéité, en consultant les NF DTU 43 (voir plus bas).
- Les couvreurs (activité secondaire ou principale) : Non concernés.
- Les zingueurs (activité secondaire) : Non concernés.
- Les étancheurs (activité principale) : Directement concernés.
- Les carreleurs (dans le cadre des SPEC par exemple) : Cas singulier / Je rédigerai un article dédié.
- Les piscinistes (activité principale) : Directement concernés cependant la garantie n’est pas la même que pour les étancheurs.
- Les cuveleurs (activité principale) : Directement concernés.
Lire mon article sur la décennale pisciniste
Les toitures terrasses nécessitent impérativement une étanchéité bitumée (ou revêtement bitumineux). Or ces dernières présentent de nombreux points faibles, comme nous l’explique l’Agence Qualité Construction dans un dossier très détaillé : Consulter le dossier de l’AQC ici
Ces points faibles engendrent des désordres, donc des coûts importants de réparation. Cette notion rentre en très grande partie dans l’explication de la difficulté d’accès à la décennale étanchéité.
La sinistralité des étanchéités en toiture terrasse
Le coût de la décennale étanchéité est sans aucun doute dû à la sinistralité qu’elle engendre. Non pas en termes de pourcentage, car ce dernier reste parfaitement acceptable, mais en terme de montant des réparations.
Crédit photo : Agence Qualité Construction. Source INFO 2024
Selon l’Agence AQC, la sinistralité des toitures terrasses avec étanchéité non accessibles est de 7,1 % pour le collectif et seulement 3,2 % pour les logements individuels (lien ci-dessus). Ces chiffres datent de Juin 2024, ils sont donc parfaitement à jour.
Par conséquent, ce n’est effectivement pas le pourcentage de sinistres qui est en cause dans la difficulté d’obtention de la décennale étanchéité, mais bel et bien le coût des travaux de réparation.
Dans le classement des travaux qui engendrent les plus forts montants de réparation, l’étanchéité de toiture terrasse prend la 4ème place pour le collectif, et devient presque inexistante pour les logements individuels.
La source des désordres est multiple :
- Décollement du bitume
- Défaut d’encollage ou de soudure (manque de formation des intervenants)
- Arrachement
- Dégradations dues aux intempéries
- Epaisseur du bitume trop faible ou de mauvaise qualité
J’ai souvent œuvré dans le cadre de désordres d’une étanchéité de toit terrasse, mais uniquement dans le cadre de la décennale. Il peut également résulter des défauts d’étanchéité dus à un sinistre extérieur (incendie ou grêle).
Dans ces cas de figure, ce sont les conventions de droit commun qui entrent en vigueur.
Les DTU qui règlementent les travaux d’étanchéité
- DTU 43.1 : Étanchéité des toitures-terrasses / toitures inclinées avec éléments porteurs en maçonnerie en climat de plaine
- DTU 43.11 : Étanchéité des toitures-terrasses / toitures inclinées avec éléments porteurs en maçonnerie en climat de montagne
- DTU 43.5 : Réfection des ouvrages d’étanchéité des toitures-terrasses ou inclinées
Comme je l’évoquai plus haut dans l’article, c’est bel et bien le DTU dont dépend votre activité qui va diriger la décennale adaptée, et donc son obtention.
Ci-dessus : Sondage d’une étanchéité lors d’une de mes inspections de toitures. Crédit photo: S.USTUN
La garantie sera différente selon s’il est question de cuvelage ou de zinguerie. Faites réaliser une étude auprès d’un gestionnaire pour connaître précisément le type de garantie dont vous avez besoin pour vous protéger, et protéger vos clients.
Sujets en lien direct :
- Consulter la liste des DTU ici
- Lire mon article sur l’étanchéité des toitures terrasses
Prix d’une décennale étanchéité
Comme je l’évoque dans mes précédents articles en lien avec la décennale, le prix de cette dernière varie selon le Chiffre d’Affaire, le nombre d’employés et l’ancienneté dans le métier que pratique l’artisan.
Attention, une des grandes particularités de la décennale en étanchéité relève également d’une limite de surface. En d’autres termes, plus vous devez traiter de surface de toiture à étancher, plus votre prime sera élevée.
Cette limite de surface peut s’appliquer à l’activité complète de l’étancheur, mais également pour un chantier donné. Pour exemple, on peut vous refuser d’étancher une maison de plus de 200 m².
Evidemment, cette notion est indissociable de la notion de chiffre d’affaire (CA).
Exemple générique :
- CA annuel 65 000 euros : 1200 euros
- CA Annuel 150 000 euros : 2150 euros
- CA Annuel 450 000 euros : 6000 euros
Chez CM :
- Auto entrepreneur prime de base : 3300 euros TTC avec une limite de surface
- Pour un CA de 400 000 euros HT : 5500 euros TTC de prime
Les travaux d’étanchéité étant très coûteux, la première tranche semble hors sujet. Vous atteindrez les 65 000 euros de chiffre d’affaire en deux ou trois chantiers seulement. La deuxième tranche semble déjà plus réaliste mais cela reste un exemple.
Dans la réalité, pour un chiffre d’affaire de 150 000 euros, il est plus juste d’envisager un montant de garantie proche de 3000 euros. Je ne fais que reporter ici les nombreux exemples que j’ai recueillis par ailleurs.
Pour la Champenoise par exemple, la prime « démarre » à 4000 euros TTC même dans le cas d’un CA de 40 000 HT. Il faudra négocier durement pour obtenir le meilleur prix.
Certains courtiers jouent également sur le montant de la franchise pour faire fluctuer le prix de la décennale. Il est donc nécessaire de bien comparer les offres.
Selon Etik Assurance, « L’activité d’étancheur souffre d’une pénurie d’assureur qui s’intéresse à cette activité depuis plusieurs années« , fin de citation. Le sujet est réel et l’enjeu est à la hauteur.
Le courtier a également développé une décennale étanchéité spécifique et vous connaissez mon avis sur ce dernier : Très professionnel. Je vous renvoie à mon article sur Etik en lien ci-dessus.
Expérience nécessaire pour obtenir la décennale étancheur
S’il est un métier qui ne pardonne aucune défaillance c’est clairement celui de l’étanchéité.
Je rappelle que dans son rapport annuel, l’Agence Qualité Construction met en lumière les principales causes de désordres en étanchéité : Le défaut de mise en œuvre et/ou d’encadrement.
Par conséquent, l’erreur humaine est plus souvent en cause que la défaillance des supports ou des produits.
La plupart des compagnies exigeront que vous ayez une expérience justifiable d’au moins 3 ans. Elles vous demanderont les justificatifs (fiches de paies, attestation de l’employeur, CV, etc.)
- Pour aller plus loin sur le métier d’étancheur : Consulter la fiche du CIDJ
- SOPREMA : Dossier « métier » très intéressant par le leader de l’étanchéité
Conclusion
Comme pour tous les métiers du bâtiment, la décennale est un passage obligatoire et son coût peut parfois en rebuter plus d’un. Cependant, c’est une vraie recommandation que je vous donne dans le cadre de l’étanchéité car les enjeux sont trop importants.
S’il est vrai que vous pouvez vous passer de la garantie en cas de sous traitance, ne soyez pas dans le déni, et faites vous accompagner par un professionnel du secteur qui selon votre niveau de compétence pourra trouver une solution adaptée à votre activité.
Crédit photo de couverture : SOPREMA
Merci pour vos lectures et bon chantier !
Serge USTUN.