DTU obligatoire ? La réponse est non. Les DTU (Documents Techniques Unifiés) ne sont pas opposables à l’artisan. Il s’agit de dissocier la notion de préconisation de mise en œuvre de celle de l’obligation.
L’origine des DTU
1958 : Le groupe de coordination des textes techniques établis les Documents Techniques Unifiés. Le but du groupe est d’établir un certain nombre de textes, tous dédiés au bâtiment, en donnant corps à des règles de mise en œuvre, utilisables par tous les acteurs du secteur.
On voit alors s’imposer les concepts de CCT (Cahiers de Clauses Techniques) et autres préconisations, règles de calculs, clauses particulières etc.
Le CSTB est alors en charge de matérialiser ces données, sous forme de « Cahiers ».
En 1990, le groupe de coordination des DTU souhaite que ces documents deviennent une « norme » (le terme prête à amalgame). Le groupe se transforme alors en « Commission générale de Normalisation du bâtiment ».
Au sein de ce groupe, nous retrouvons un grand nombre d’acronymes bien connus des gens du bâtiment :
- CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment)
- CAPEB (Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment
- FNB (Fédération Nationale du Bâtiment)
- etc. (il en existe de nombreux autres)
Les DTU vont progressivement passer de simples « textes », à de véritables « normes ». Le fameux NF qui précède le terme DTU.
Retrouvez la liste des DTU ici.
Le respect des règles de mise en œuvre
C’est très naturellement que les DTU s’imposent comme de véritables règles de mise en œuvre. Et soyons clairs, c’est tant mieux. En revanche, le caractère normatif des textes semble avoir progressivement construit une espèce d’égrégore.
Le respect des DTU est-il obligatoire ? 98% des professionnels vous répondrons que « OUI ».
Et bien c’est faux.
En revanche, ces derniers sont « payants ». Cette simple notion de coût, pour accéder à un texte règlementaire, invalide de fait leur caractère obligatoire.
L’accès aux textes de lois, obligatoires, ne saurait, du fait de son caractère péremptoire, être payant.
Les DTU sont, par conséquent, des textes consultatifs qui revêtent la notion fondamentale de « volonté » de les appliquer. Attention, il existe des exceptions.
Respecter le DTU est obligatoire : NON « mais »
Les DTU sont des textes à caractère consultatif, et informatif. Ils ne sont absolument pas opposables aux artisans.
Il ne se passe pas une seule journée, sans que j’entende le sempiternel « double encollage obligatoire« , pour le carrelage. Cette assertion, comme je l’explique dans un article complet, est fausse.
Dans ce cas précis, le DTU est une « aide » à la mise en œuvre dont le but est de prévenir les « désordres ». Le cas de figure est également très courant (et similaire) pour le parement BA13 sur une ossature bois ou le respect du TH (taux d’humidité) pour le roulage d’une peinture sur un support.
Ce ne sont que des « préconisations » de mise en œuvre. Personne ne peut venir « chercher » votre responsabilité en cas de non respect du DTU. Cependant, cela ne signifie pas que vous soyez exempts de les respecter.
C’est ici qu’intervient toute la nuance, passablement « sanctionnable » en cas de non respect des textes.
En revanche, le respect des DTU est effectivement obligatoire pour les marchés publics (Etat et collectivités locales).
- Décret du 26 janvier 1984
- Circulaire du 4 juillet 1986
- Décret du 10 juillet 1990
- Décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation
Ainsi, dans l’article 13 (alinéa 3) du décret 84-74 de Juillet 1986, il est clairement indiqué que la norme (DTU) devient obligatoire pour :
« Des marchés d’un montant égal ou supérieur aux seuils prévus aux articles 123 (1°) et 321 (1°) du code des marchés publics passés par les personnes soumises aux dispositions des livres II et III de ce code (…) »
Ce texte ayant été abrogé à de nombreuses reprises, il convient de rester prudent et d’établir la notion d’obligation à minima sur les marchés publiques.
Une garantie entre professionnels : OUI
Respecter les DTU est légitime, et même fortement conseillé. Déjà parce qu’il est ici question de bon sens avant tout. Les industriels, même si c’est parfois exagéré, ne planchent pas sur ces textes sans raison. Il en va de se préserver de tout désordre rendant l’ouvrage impropre à son usage.
Le fait de respecter les DTU peut dans de nombreux cas, « intimer » les industriels à vous venir en aide.
Je vous donne un exemple personnel :
Lors d’un de mes chantiers sur la rénovation d’un restaurant dans la Drôme, la pose du carrelage (très difficile), s’est vue soldée par un soutien financier (inespéré) du fabricant. Il s’agissait d’une pose de carrelage de grand format, en pose à la française, qui laissait apparaître des « becs ».
Près de 80 mètres carrés que le client me demandait de reprendre.
Si je n’avais pas respecté les DTU, le négoce et l’industriel auraient littéralement fermé la porte à mes réclamations. Je savais qu’il était question d’une condition technique mais le client ne l’entendait pas de cette oreille.
J’ai d’ailleurs publié une vidéo sur le sujet, et je rédigerai un article dédié ultérieurement. CF: La contre flèche des carreaux grands formats
Cependant, au vu d’une pose qui respectaient strictement les règles de mise en œuvre, le fabricant s’est solidarisé de ma demande, et à dédommagé mon client. Les « becs » étaient effectivement dus à la contre flèche des carreaux.
Cet exemple démontre, par conséquent, le rapport de « garantie » et de solidarité entre l’homme de l’art (l’artisan) et l’industriel (le négoce). Si vous ne respectez pas les DTU, vous vous fermez la porte à toute forme de réclamation, même légitime.
La déchéance de la garantie décennale engagée : OUI
L’accessoire suit le principal en droit. Il est donc tout naturel, que des conditions évoquées dans le paragraphe précédent, découle les conséquences en terme de garantie décennale.
Le non respect des DTU est factuellement un élément aggravant en cas de sollicitation de votre décennale. L’assureur ne prendra aucun gant. Pour résumer, même si les DTU ne sont pas obligatoires, l’assureur est quant à lui formel sur leur non respect. La décennale est un contrat, pas une loi.
Ou, plus précisément, elle fait office de loi entre vous, et votre assureur.
En d’autres termes, en cas de désordre sur l’ouvrage, qui le rendrait impropre à son usage, l’assureur (par le biais de l’expert) va chercher toute forme de responsabilité, lui permettant d’établir son choix sur la prise en charge, ou non, de la demande.
Comme pour l’exemple précédent, si vous n’avez pas respecté les DTU, votre demande sera lourdement sanctionnée par :
- Augmentation de la franchise (indéniablement)
- Déchéance éventuelle de votre garantie (après coup)
- Difficulté à vous prévaloir de votre garant
Accéder au fil d’information continu sur la décennale (informations, règlementation et news)
Conclusion
Pour résumer les notions globales du sujet, je vous conseille simplement de respecter les DTU le plus souvent possible. Dans la rénovation, nous le savons tous, il n’est pas toujours aisé de respecter les règles de mise en œuvre, à la lettre.
Il est par conséquent nécessaire d’être au plus proche des normes, des textes et des préconisation de pose. Il en va très clairement de votre responsabilité, et vous ne serez pas épargné le cas échéant.
Les DTU ne sont donc pas obligatoires par disposition de la loi, ils le sont par précaution.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN