Lorsqu’il s’agit de rédiger un devis, ou de répondre à un appel d’offre par le biais d’un « quantitatif-estimatif » (DQE), il est souvent nécessaire de faire appel à une bibliothèque de prix bâtiment.
Les entreprises chevronnées n’ont généralement pas besoin de consulter ce type de bibliothèque. Le mot « bibliothèque » est d’ailleurs très largement dévoyé et ne correspond plus réellement au sujet.
Le BPU, ou Bordereau de Prix Unitaire, est plus adapté dans le contexte actuel, où les prix du BTP sont très « serrés » et fluctuants.
Cependant, les BPU ne sont pas « stricto sensu » des bibliothèques tarifaire du BTP. Je vous donne toutes les informations dans cet article, ainsi que mes conseils personnels pour établir votre propre base de donnée, adaptée à votre activité.
Avant propos
Consulter une bibliothèque de prix nécessite avant tout de connaitre et maîtriser les différents ouvrages. Un prix, seul, n’est absolument pas pertinent et peut induire en erreur.
Par exemple :
Si vous cherchez le prix d’un solin sur une bibliothèque de prix, vous trouverez un montant au mètre linéaire de fourniture, de pose et de vente. Cependant, si vous ne savez pas poser un solin, vous ne pourrez pas identifier les éléments nécessaires à la mise en œuvre. Vous risquez de donner un prix, sur votre devis, qui ne reflètera pas la réalité.
Le risque :
Le risque d’utiliser une base de données tarifaire, quand vous ne maîtrisez pas les actes, est de surévaluer ou sous-évaluer les prestations. Il s’agit, en effet, d’utiliser ces nomenclatures comme de simples supports. Il faut les apprécier comme une « aide » à la rédaction et non comme une stricte donnée universelle.
- Surévaluation : Vous perdrez le chantier
- Sous-évaluation : Vous perdrez votre marge.
En résumé :
Pour être tout à fait clair, faire appel à une banque de données de prix du bâtiment est un danger pour celui qui ne connaît pas l’ouvrage. Par ailleurs, et paradoxalement, la bibliothèque devient inutile pour ce dernier, du fait qu’il connaît son métier, donc les prix à appliquer.
Pour un artisan spécialisé sur un unique corps de métier, les bibliothèques tarifaires ne présentent aucun intérêt.
Ceci dit, passons au cœur de notre sujet.
A lire également sur le même thème : Le respect des BPU dans le bâtiment
Qu’est ce qu’une bibliothèque de prix bâtiment ?
Comme son nom l’indique, une bibliothèque de prix est un document papier ou digital, qui recense l’ensemble des prix qui s’appliquent dans les métiers du bâtiment. Dans la grande majorité des cas, les banques de données tarifaires sont classées par corps de métier.
Tout le monde se souvient de « Batiprix » !
La bibliothèque de prix est destinée à établir les tarifs, à l’acte, en quantité ou en heure, des artisans du bâtiment. C’est ce qui la différencie du BPU (Bordereau de Prix Unitaire).
Il y a quelques dizaines d’années, nous parlions de « bible » du bâtiment. Internet n’existait pas, il était nécessaire d’avoir un support papier fiable, souvent mis à jour, dans lequel nous pouvions trouver les prix pour rédiger un devis. C’est du vécu, j’ai passé mes plus jeunes années à décortiquer les lignes de ces ouvrages parfois très copieux.
Les bibliothèques concernent généralement un unique corps de métier, chaque métier ayant son propre ouvrage.
En d’autres termes, pour les artisans qui débutent leur activité, la bibliothèque permet de se positionner en terme de prix. Cependant, pour les plus étoffées d’entre elles, c’est également un excellent support pour rédiger les « désignations » exactes des ouvrages, sans commettre d’erreur de terminologie.
Dans cette utilisation, ces ouvrages sont de véritables mines d’or. Pour le reste, il s’agit de prendre des pincettes.
J’apprécie particulièrement la définition de la CAPEB : « Outil de consultation simplifiée de la bibliothèque technique (…) constituée d’ouvrages du B.T.P, (…). Paramétrage de vos coefficients (fourniture et main d’œuvre) ». SOURCE: CAPEB
Cette définition est pertinente, car elle indique sans ambiguïté la notion « d’aide » à la rédaction d’un devis.
Qu’est ce qu’un BPU ?
Le « BPU« , ou Bordereau de Prix Unitaire, est selon moi la terminologie actuellement la plus adaptée (en lieu et place de « bibliothèque » de prix). A l’inverse de la bibliothèque, le BPU est généralement imposé à l’artisan par le donneur d’ordre. Ce ne sont donc pas les tarifs d’usage de l’entreprise qui produit, mais les tarifs « à ne pas dépasser » de l’entreprise qui passe la commande.
Les BPU permettent donc de s’assurer que l’artisan reste « dans les clous ».
Bien souvent, les BPU, comme les bibliothèques sérieuses, sont scindés en « zones » géographiques. Le coût d’un acte est nécessairement différent selon que l’entreprise œuvre en Ile de France ou dans la Drôme.
Une bonne base de donnée doit être géographique !
A qui s’adressent les bibliothèques de prix ?
- Architectes ou maîtres d’œuvres : Pour effectuer une première approche financière d’un projet
- Artisans : Pour peaufiner son positionnement et éventuellement élargir ses domaines d’intervention
- Economistes du bâtiment : Seul cas véritablement pertinent, un économiste doit posséder une solide base de donnée tarifaire en BTP
- Métreurs : Comme pour les économistes du bâtiment, le métreur en TCE (Tous Corps d’Etat) peut s’appuyer sur une bibliothèque tarifaire
- Experts IRD : Pour certains ouvrages complexes ou marginaux, cela peut avoir une utilité.
Où consulter une bibliothèque de prix PTB ?
- Bâtiprix : Une excellente source, certainement la plus étoffée pour le BTP / Service payant
- Collectif Batichiffrage : Aux excellentes éditions Eyrolles / Livre ou PDF / Ouvrages payants
- La librairie de l’ADEME : Incontournable, la librairie de l’ADEME pour les prix dédiés à la rénovation énergétique (tendances, fourchettes de prix très fiables)
- Fédération Française du Bâtiment : Egalement incontournable, il s’agit ici de thématiques et de synthèses très pertinentes pour l’établissement des prix.
La plupart des accès aux bases de données sont évidemment payants. Soit sous forme d’un enregistrement unique avec téléchargement des sources, soit sous forme d’un abonnement annuel ou mensuel.
Vous pouvez très naturellement souscrire à une bibliothèque quelconque pendant une année, puis requalifier les lignes les années suivantes en fonction de l’évolution des prix et des indices du BTP.
Pour cette raison, mon conseil est de privilégier les bases de données sous formats téléchargeables (PDF, EXCEL etc.) plutôt que les abonnements à un logiciel dédié. Dans le cas d’un logiciel, vous devrez payer « ad vitam » pour avoir accès aux lignes.
Une source à télécharger est toujours plus pertinente qu’un abonnement mensuel.
Créer sa propre bibliothèque de prix sur EXCEL
Je vous conseille très vivement de vous créer une bibliothèque personnelle, sur un fichier EXCEL ou sur une feuille Google Sheets. Vous pourrez l’abonder tout au long de votre activité, en ajoutant les nouveaux « actes » ou ouvrages que vous proposez.
C’est, selon moi, le meilleur réflexe que puisse avoir un artisan, ou une entreprise du bâtiment.
La simplicité d’EXCEL, pour réaliser des feuilles parfaitement nomenclaturées, est surprenante. Il convient évidemment de « segmenter » les actes et/ou les services. Vous n’êtes pas limités, vous pouvez créer une feuille par corps d’état ou par service :
- Maçonnerie : En surfaces, au m2 ou au mètre linéaire
- Charpente : Sur une seconde feuille avec des actes types
- Electricité : Idem, sur une feuille différente, avec les actes spécifiques au lot électricité
- Plomberie : Idem
- Etc.
Chaque fois que serez amenés à créer une nouvelle ligne, celle-ci pourra venir « enrichir » votre feuille de calcul. Les gabarits sont très nombreux et assez simple à trouver sur internet. Il est possible de les réduire à leur plus simple expression :
- Désignation : Descriptif de l’ouvrage, en plusieurs lignes avec les détails (fourniture et pose d’une prise 10/16 A de marque SCHNEIDER modèle ODACE etc.)
- Unité : L’unité n’est pas le nombre, c’est la nature de l’acte (mètre carré, mètre cube, unité, mètre linéaire, heure)
- Quantité : La quantité en mètre carré, mètre cube ou heures passées
- Prix unitaire HT : Comme son nom l’indique
- Prix total HT : Le rapport Prix Unitaire et Quantité
Il vous suffit par conséquent de créer une feuille de calcul avec 5 colonnes pour créer votre premier gabarit. Eventuellement, vous pouvez ajouter une colonne TVA avec les différents taux.
Lire mon article sur l’utilisation d’EXCEL ou GOOGLE SHEETS pour rédiger un devis
Les sources fiables pour une bonne bibliothèque de prix à jour
- La CAPEB : Bibliothèque de prix bâtiment dédiée aux artisans
- Les assureurs (pour l’après sinistre) dont les BPU sont sensiblement à jour
- Les fédérations de métiers (celles dont vous êtes issus)
- Les communes, Mairies qui communiquent parfois leurs bordereaux, excellente base pour établir sa propre bibliothèque.
La position du magazine sur ce sujet
Bien que ce soit un domaine que je maîtrise particulièrement, j’ai décidé de ne pas développer de bibliothèque de prix au sein du magazine Monbatiment.fr.
En effet, je propose déjà une solide base de données tarifaire automatisée, interne à mon logiciel L-ONE. Cela ne présente donc aucun intérêt pour mes collaborateurs, qui en disposent déjà sans surcoût.
Les BPU que je propose, lors de mes formations métreur en bâtiment, sont également une base fiable et très solide pour débuter dans le métrage et la rédaction de devis.
Il existe beaucoup de ressources par ailleurs, dont celle de la CAPEB, qui sauront parfaitement répondre à vos demandes. Dès lors, je ne souhaite pas aller sur un segment qui ne soit pas en lien direct avec le magazine.
Conclusion
Le sujet est délicat, car beaucoup d’éditeurs ont constitué leur revenus sur la vente de bibliothèques de prix. Je ne souhaite par conséquent aucunement venir dénigrer ces acteurs du bâtiment, qui par ailleurs, fournissent un excellent travail.
En revanche, l’utilité d’une bibliothèque est toute relative, pour la plupart des artisans. Seuls les économistes et les bureaux d’études « prix » peuvent réellement être concernés par ces ouvrages. Une entreprise générale du bâtiment, ou un artisan spécialisé, n’a aucunement besoin de ce type de service.
Certaines grandes entreprises de rénovation ont recours à ces nomenclatures, justement du fait qu’elles ne maîtrisent pas les ouvrages en interne, ce qui au demeurant est assez peu sérieux. Ces dernières seront par conséquent de « bonnes clientes » pour les sociétés d’édition.
Si vous êtes un professionnel du bâtiment, mon conseil est de vous constituer, petit à petit, votre propre base de donnée, dédiée à vos usages.
Au risque de me répéter, je déconseille les « abonnements », vous verrez qu’à terme, ce sont presque toujours les mêmes lignes qu’un artisan utilise dans 95% de ses devis.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.