Lors de mon voyage en Allemagne afin de comparer les systèmes constructifs de nos deux pays, je visite un chantier d’envergure dont les bâtiments sont érigés en brique monomur.
Cette méthode est très répandue en Allemagne, elle est omniprésente.
En France, il est plus rare de voir l’utilisation de la brique monomur d’une part, et un certain nombre d’autres éléments relatifs au BBC (Bâtiment Basse Consommation) divergent également.
Je vous invite à ce petit tour d’horizon rapide sur les particularités constructives Allemandes.
La construction en brique monomur
Dans cet article j’évoque le véritable système constructif en brique monomur. Il ne s’agit nullement de son amalgame commercial qu’on retrouve régulièrement en France. Le mot est pourtant simple : Monomur !
Ce dernier signifie clairement ce pour quoi il est destiné : Aucune couche de doublage ou d’isolant complémentaire n’est nécessaire, il se suffit à lui même.
Dans un article précédent (lien ci-dessous) sur la construction brique, je vous expliquais les atouts de cette dernière pour une construction. Ici, outre Rhin, j’ai la chance de pouvoir visiter un chantier de construction en monomur, de très haut standing, estampillé BBC pour Bâtiment Basse Consommation.
Ci-dessus : Je vous laisse apprécier la dimension des briques en proportion avec ma main ! C’est bluffant. Crédit photo : S.USTUN
La notion de « monomur », si elle est très équivoque en France, ne laisse aucune place au doute en Allemagne. La brique, juste la brique, et rien que la brique.
Autrement dit, aucune couche de doublage intérieur ou extérieur sur cette construction qui se veut pourtant BBC.
Lire mon article sur la construction de maison en brique
Il s’agit d’un ensemble immobilier gigantesque de plusieurs milliers de m2 (6 bâtiments de 6 étages au total).
Le choix des élévations s’est porté sur une brique monomur SCHLAGMANN POROTON. Cette brique dispose d’un isolant dans l’âme composé de laine de roche. La dimension des briques est impressionnante, je n’avais jamais eu l’occasion de voir un tel complexe jusqu’à ce jour.
Sur la photo plus haut dans l’article, je préfère simplement vous montrer la différence de dimension entre une brique standard et la POROTON monomur. En effet, généralement ma main est légèrement plus grande que l’épaisseur d’une brique. Ici, l’épaisseur de 44,5 centimètres est flagrante.
Visiter le site de la marque SCHLAGMANN
La question des ponts thermique sur la brique monomur
Lors de ma visite, j’ai l’occasion d’échanger avec mon homologue Allemand. Je lui pose la question de la gestion des ponts thermiques sur une construction en brique monomur.
Ci-dessus : Une image vaut mille mots, alors je vous laisse apprécier. No comment ! Crédit photo : S.USTUN
Mon homologue m’explique que c’est un judicieux mélange entre conception et emplacement des raidisseurs et du chainage. On ne construit pas une maison ou un immeuble « monomur » de la même manière qu’une construction standard.
Le bureau d’étude thermique est mis à rude épreuve, il doit impérativement trouver des « coupes » dans leur stock de calcul pour contrebalancer cet unique « point faible » du système constructif.
Il s’agit essentiellement des angles, du voile de contreventement et des jambages de menuiseries extérieures.
Par conséquent, pour contre balancer les performances, d’autres ouvrages sont isolés, comme les soubassements par exemple. Je vous en parle un peu plus bas.
Dans tous les cas, l’épaisseur « inouïe » de la brique laisse de la marge pour couler le béton structurel, et se garder un isolant totalement efficace, en « plein » dans la brique.
Particularités de la brique monomur
Première remarque qui me vient instantanément à l’esprit : L’absence de vide de construction.
En effet, qui dit « monomur » dit forcément absence de doublage en contre cloison (murs périphériques froids). Dès lors, et c’est un élément que je n’affectionne pas particulièrement, vous devez recourir aux « saignées ».
Autrement dit, tous les éléments techniques positionnés sur les murs non doublés devront être réalisés en saignée, notamment le réseau électrique.
Ci-dessus : Saignée permettant le passage du réseaux électricité, interrupteur, prises de courants etc. Vous remarquez l’isolant en laine de roche visible au droit de la saignée. Crédit photo : S.USTUN
Certes il est plus simple de réaliser une saignée sur une brique monomur que sur un mur en béton banché, car il suffit simplement de rainurer la première paroi en terre cuite.
C’est donc bien plus simple à réaliser que sur un complexe de type « murs béton + isolation thermique extérieure » tel qu’on le voit souvent en Savoie ou Haute Savoie par exemple.
En revanche, et c’est une opinion personnelle, le procédé me « bouscule » dans mes codes, et l’absence de vide de construction me gène très clairement.
Cela fera sans aucun doute débat.
Les soubassements isolés par l’extérieur
Chose étrange, les Allemands isolent également leurs soubassements.
En France cette pratique n’est pas à l’ordre du jour. J’ai donc été frappé de constater un doublage extérieur en polyuréthane ou en polystyrène sur les soubassements. Ce dernier est posé après la couche de bitume liquide d’étanchéité.
Vous noterez que le tout est protégé par un équivalent du Delta MS.
Il est question de juguler les éventuels ponts thermiques qui pourraient apparaître au droit des jonction entre le soubassement, la dalle et le « nu » intérieur habitable.
La dalle brute est également isolée avec des panneaux en double épaisseur croisée. Ce sera l’objet d’un autre article, car je souhaitais me concentrer sur la brique et non sur les éléments connexes.
C’est une démonstration de force que les Allemands me montrent lors de cette visite. Et ce n’est pas la fin du voyage !
Du chauffage au sol alimenté par la géothermie
Cette étape n’est en rien liée à la maçonnerie en monomur. En revanche, il est nécessaire d’évoquer ce point singulier.
Dans l’ensemble de bâtiments que je visite sur ce gigantesque chantier, tous les appartements sont réalisés avec un chauffage au sol lui même alimenté par une source géothermique.
Je n’ai malheureusement pas pu prendre les photos du puisage qui était quelques kilomètres plus loin, ce dernier étant totalement interdit au public.
Imaginez ce petit « village » de plusieurs milliers de m² de logements dont la principale énergie est la géothermie ! C’est magistral.
Les menuiseries à très forts dormants et ouvrants
Rien n’est laissé au hasard et les Allemands nous font une belle démonstration d’usage de matériaux très isolants. Outre la brique, les menuiseries extérieures sont ici équipées d’un triple vitrage.
Cela a une incidence directe sur les menuiseries elles-mêmes, mais également sur tous les accessoires nécessaires à leur pose. En outre, la qualité de la maçonnerie doit être irréprochable pour accueillir les châssis en « tunnel », au nu de la brique.
Ci-dessus : Détail de la pose en tunnel des menuiseries extérieures sur de la brique monomur. La maçonnerie doit être parfaitement rigoureuse pour une pose règlementaire. Crédit photo : S.USTUN
L’épaisseur des dormants est proprement sans aucune commune mesure avec nos standards en double vitrage 4.16.4 ou même en 4.20.4.
Vous remarquerez également que les menuiseries sont posées en « tunnel ». Evidemment, le monomur ne disposant pas de doublage intérieur, il est impossible de poser les menuiseries en applique avec des tapées d’isolation.
Je vous laisse juge quant à la pertinence du procédé qui nécessite une maçonnerie rigoureuse.
Les baies vitrées sont particulièrement étonnantes en rapport aux ouvrants à frappe. Plutôt que de vous faire un long discours technique, je vous laisse observer par vous-même la dimension impressionnante des ouvrants et des dormants.
Portez votre attention sur l’huisserie :
Ci-dessus : Nous sommes dans le bâtiment « jumeau » en voie d’achèvement sur lequel nous pouvons constater la dimension impressionnante des dormants d’une menuiserie triple vitrage. Cela ne « passerait » pas sur un mur d’épaisseur standard. Crédit photo : S.USTUN.
Je vous laisse imaginer à quel point il est important d’avoir des maçons très hautement qualifiés car ici, point de doublage. Si la maçonnerie est médiocre, la pose de la menuiserie sera littéralement impossible.
Les doublages en contre cloison permettent très régulièrement de « rattraper » une maçonnerie de basse qualité. Sur un monomur en brique, cette correction est impossible à réaliser.
L’utilisation systématique de stores extérieurs
La dimension impressionnante des briques monomur laisse place à toutes sortes d’aménagements. En l’occurrence, en plus des volets roulants habituels, toutes les menuiseries disposent de stores extérieurs.
Les Allemands sont très friands des stores, ces derniers étant omniprésents sur toutes les ouvertures vitrées, que ce soit en maison individuelle, en immeuble ou bien sur les bâtiments tertiaires et commerciaux.
L’industrie du store se porte à merveille ici !
Pour ne pas alourdir l’article je rédigerai un sujet en marge du présent article. La France n’étant pas une grande coutumière des stores extérieurs mais plutôt des stores intérieurs.
Les accessoires divers pour la brique monomur
Enfin, et pour achever cet article, je me devais d’évoquer les différents accessoires qui composent le chantier monumental en brique que je visite aujourd’hui.
Ci-dessus : Je vous montre le détail de la bavette en tôle laquée sur le monomur. En effet, il sera difficile voire impossible de trouver des appuis de fenêtre adaptés à une telle épaisseur de murs. Nous parlerons plutôt de « talon » ou « pièce d’appui » dans ce cas, auquel vient s’ajouter la « bavette ». Crédit photo : S.USTUN
Comme pour la brique standard, il existe des « accessoires » propres au monomur. Comme évoqué plus haut, les « angles » ou « poteaux » existent également en monomur. Ils sont spécialement conçus pour s’adapter à la construction.
Il existe également des briques de calepinage, tout comme pour une construction standard.
En dernier lieu, les coffres « titans » pour les volets roulants sont également de la partie et les appuis de fenêtres (ou bavettes dans ce cas) sont en tôle laquée.
Conclusion
Le sujet est si vaste que je pourrai écrire une dizaine d’articles sur la construction monomur. Cependant, j’ai voulu faire place au images dans cet article, plutôt que de vous écraser avec des chiffres.
La brique monomur c’est cher, voire très cher. C’est un fait indéniable.
En revanche, son utilité est indéniable car une fois les murs montés, ils ne demandent plus qu’à être enduis. Et l’enduisage se réalise directement à même la brique, c’est donc un gain incroyable de temps, de manutention et de co-activités.
Je vous proposerai une analyse de prix à mon retour en France, car évoquer les prix d’un monomur en Allemagne est sans intérêt tant usages sont différents.
Merci pour vos lectures et bon chantier !
Serge USTUN, en visite technique en Allemagne.