Doit-on valoriser les accès difficiles et les contraintes d’acheminement dans les BPU (Bordereaux de Prix Unitaires) ?
Ma réponse est OUI !
Les difficultés d’accès aux chantiers, les heures perdues à trouver un stationnement et parfois l’impossibilité d’acheminer les matériaux est un sérieux problème pour les entreprises du bâtiment.
Je fais le point.
Avant propos
Vous le savez si vous me lisez régulièrement, dorénavant j’intègre dans mon magazine une dimension éditoriale qui tient de la doctrine.
Ne fuyez pas, ce mot n’est en rien sectaire !
En droit, la doctrine est la concaténation des mouvements de pensées qui sont à l’ouvrage pour « bâtir » le raisonnement juridique.
J’entends, de fait, participer à cette forme de réflexion collective en ce qui concerne nos métiers, véritable ligne médiane qui se doit d’être bénéfique pour les hommes et femmes de l’art (bâtiment) ainsi que pour nos donneurs d’ordres.
Dont acte.
BPU accès chantier : Valoriser les accès difficiles
Valoriser les difficultés d’accès à un chantier par les bordereaux (BPU), ou hors bordereau, à toujours été un sujet.
Cependant, la contrainte pèse de plus en plus sur les entreprises, notamment en après sinistre, et doit d’être « comprise » et « justifiée ».
Dans certaines régions, l’accès au chantier est devenu un art à lui seul, rendant le travail de l’artisan si ce n’est a minima difficile, parfois impossible.
Par conséquent, la question de la valorisation financière de la difficulté d’accès à nos chantiers est légitime.
J’évoquerai des cas pratiques et réels en exemple tout au long de cet article.
Lire mon article sur la définition des BPU.
Doctrine : le point de vue ontologique
Sans essayer de faire de l’humour, car le sujet est sérieux, je participe à la doctrine en ces termes :
L’homme de l’art, ou l’entreprise artisanale, n’est pas une entreprise de livraison ou un coursier.
L’accès, l’acheminement des matériaux, et le stationnement sont anormalement contraints pour l’exercice de la profession, dans une société où les véhicules sont devenus des « charges » lourdes, impactant l’exercice.
De là même manière qu’il apparaît évident pour tous qu’un échafaudage est nécessaire pour la réalisation d’une charpente, l’accès au chantier ne l’est pas moins.
Or, s’il est évident que la valorisation financière de l’échafaudage ne surprend personne, pourquoi en serait-il différemment pour l’acces au chantier, si ce dernier est rendu difficile ?
Mon postulat est donc non équivoque :
Si en droit, il est d’usage de dire que l’accessoire suit le principal, je dirai qu’ici, le principal ne peut exister sans l’accessoire :
L’accès au chantier.
Par conséquent, ce qui de prime abord est considéré comme accessoire, devient dans certains cas le principal.
Les donneurs d’ordres doivent impérativement prendre en compte cette charge par la création de nouvelles lignes au BPU.
Fin de la doctrine. Reprenez votre souffle.
Les contraintes de stationnement : Un vrai sujet
Dans ce qui représente les difficultés d’accès au chantier, le stationnement prend sa part belle.
Toutes les grandes agglomérations étaient concernées par le passé, or les petites communes ne font plus exception à la règle aujourd’hui.
Le stationnement est devenu un véritable problème technique et financier pour les artisans.
Dès lors qu’il est question de « rue », et notamment d’immeuble de rue, la question se pose.
Accès réglementés, stationnement éloigné ou très éloigné du chantier, et paiement de ce dernier sont autant de contraintes qu’un artisan ne doit pas supporter seul.
La limitation « horaire », outre son prix, oblige l’intervenant à stopper son chantier pour aller alimenter le parcmètre, c’est une hérésie.
- Marseille
- Lyon
- Valence
- Montélimar
- Avignon
- Nimes
- Montpellier
- Toulon
Et j’imagine qu’il en va de même pour toutes les grandes agglomérations.
La CAPEB avait tenté tant bien que mal de créer une carte de stationnement Artisan, excellente initiative qui a visiblement été enterrée.
Acheminement des matériaux : le casse tête
Une fois la difficulté de stationnement réglée, vient son corollaire, la difficulté d’acheminement des matériaux.
Ici encore, les nombreux freins à l’activité première de l’artisan ne motivent pas.
Quand la manutention grève l’entreprise de son efficacité, cette dernière doit ouvrir une contre partie financière à la hauteur de la perte que génère le temps d’acheminement.
Une heure de perdue, est définitivement perdue !
Il existe un certain nombre de donneurs d’ordres qui acceptent volontiers cette inclusion de ligne tarifaire dans le devis.
Certains l’intègrent également déjà dans leur BPU (attitude trop marginale encore).
En revanche, ces derniers sont l’exception et la plupart des BPU ne valorisent que très peu, voir pas du tout, la ligne « difficulté d’accès ou de stationnement ».
Quand elles le valorisent sur le BPU, elles l’invalident dans les faits. Il est donc nécessaire de créer une ligne « BPU accès chantier » valide et pérenne.
C’est une mauvaise pratique qui nuit à la profession toute entière.
Il existe un risque certain à ne pas considérer le déplacement et l’accès au chantier comme des lignes intégralement légitimes dans les BPU :
Cela se traduira par le refus d’intervention des entreprises concernées à terme.
Ceci, assez paradoxalement, est le plus courant en ce qui concerne les dossiers de fréquence, qui sont très exactement ceux qui le nécessitent le plus, car ils sont faiblement valorisés.
Pour les dossiers à fort enjeu, l’appréhension de cette contrainte est « naturellement » acceptée.
Exemple :
Pour un dossier en forfait minimum d’intervention dont vous connaissez le montant, les frais de parking peuvent représenter 5% du montant de la mission, et autrement plus coûteux lorsqu’ il a un PV.
Plus value pour des accès « hors entendement »
Il y a quelques années, je me vois « retoqué » pour une ligne de plus value que j’intègre au devis pour une difficulté cumulative de stationnement, d’acheminement et d’accès.
Nous sommes dans la traverse du moulin à Marseille, où ma mission consiste à remplacer des portes de garages.
Le simple métrage est déjà un exploit en soi, car il m’aura fallu 15 minutes pour métrer, et 2 bonnes heures pour accéder au lieu du sinistre.
Le dossier, s’il était accepté dans l’état, m’aurait très certainement coûté de l’argent, au lieu de m’en rapporter.
- Impossibilité de stationner, donc, de surveiller le camion.
- Impossibilité d’avancer rapidement car les outils ne se déchargent pas tous au même moment.
- Allers et retours incessants.
- Risque, stress, coups de claxons.
- Contravention.
J’ai refusé le dossier.
Tous les « freins » mis bout à bout rendent le dossier déficitaire, au regard du coût horaire, mais également au vu de la dénégation de l’intervenant qu’on ne peut clairement pas récompenser financièrement.
On perd un employé pour une porte de garage ? Non.
Dans un cadre de sous-traitance, le résultat sera le même. Votre sous traitant, par loyauté et fidélité vous dira oui une fois, mais pas deux
La valorisation de ces difficultés par une plus value permet donc d’avertir l’intervenant et de le motiver financièrement, par une prime ou par l’ajout d’un intérimaire par exemple.
Nous sommes en 2024, nous nous devons d’être « justes ».
La ville de Lyon met en place un « tarif » spécial artisans avec une carte de stationnement dédiée. Au regard de la liste, le deal semble correct, mais en y regardant de plus près, les « peintres », par exemple, n’y apparaissent pas !
C’est un non sens.
Lire l’article de la chambre des métiers de Lyon.
Argumenter en cas d’audit
Consciencieusement, vous avez valorisé une ligne pour difficulté de stationnement ou d’accès au chantier, et le donneur d’ordre valide votre devis.
Certes.
Or, dans ce cas, cela ne vous libère pas de toute obligation de justification, ce qui paraît légitime au demeurant.
En cas d’audit, il faudra évidemment être à même de justifier non seulement la raison de la plus value appliquée, mais aussi son montant !
Ici, il sera question de sérieux et de pragmatisme pour l’entreprise après sinistre, et par conséquent : Ne pas être incohérent !
Un parking se calcule en terme de coût journalier ou hebdomadaires, un intérimaire se justifie par le calcul d’un débours horaire.
Il faut faire la part des choses.
Ne pas exagérer quand on est « entreprise partenaire », surtout pour les entreprises après sinistre, et ne pas être pingre quand on est donneur d’ordre.
Conclusion
La question de valoriser ou non les difficultés d’accès à un chantier est un sujet ontologique, au delà d’être un large support de mécontentement.
Oui, les BPU (Bordereaux de prix unitaires) doivent aujourd’hui intégrer, légitimement, des lignes permettant aux artisans d’équilibrer cette perte nette de productivité.
Nous devons imposer un ligne « BPU accès chantier« , avec la même légitimité que les autres lignes d’un bordereau.
Il s’agit d’axer nos réflexions sur des critères parfaitement factuels que sont les zones urbaines, les grandes agglomérations et les cas hors normes que sont les « traverses » à Marseille, par exemple.
Je vous invite à participer sur le sujet.
Merci pour vos lectures et bon chantier
Serge USTUN.