Parmi les malfaçons manifestes dans la construction, la garde à l’eau, et plus particulièrement son absence, est source de désordre. Impactant l’ossature, l’isolant, et finalement les parements intérieurs, ce cas de figure est sévère en termes de conséquences et de dégradations sur le bâti, maçonné ou en ossature bois.
Passes de toits, drainages périphériques, lisses de désolidarisation : Tous les moyens sont bons pour se préserver de ces pathologies.
Revenons sur des cas critiques en étudiant des faiblesses concrètes : causes et conséquences sur le bâtiment.
Cet article vient en complément des dossiers sur les pathologies du bâtiment. A destination des experts juniors, métreurs, et chargés d’affaires.
NOTA : Les évoquons ici les problèmes de garde à l’eau, ce qui implique naturellement de songer aux pieds de murs. Or ces sujets sont « de facto » aussi valables pour les terrasses, surélévations, extensions, etc.
Malfaçon : le désordre dû à l’absence de garde à l’eau
Nous reparlerons dans un article dédié du bien fondé de la création d’un couloir de drainage autour des constructions. Car oui, permettre un écoulement naturel de l’eau en périphérie du bâti est la première barrière contre les risques d’infiltrations en pieds de murs. Mais le couloir de drainage n’arrange pas tout, et la notion de garde à l’eau doit être comprise. Sur la maçonnerie traditionnelle, les problèmes existent mais demeurent plus marginaux, alors que sur les constructions ossatures bois, le non respect de cette distance de protection peut rapidement devenir catastrophique.
Nous n’y songeons habituellement pas, mais la meilleure façon de protéger ces pieds de murs (paradoxalement) demeure encore et toujours d’avoir de larges passes de toits ! Et oui, les conceptions modernes voulant limiter les passes de toits, par souci de design, viennent aggraver encore plus le phénomène.
Examinons les pathologies liées à l’absence de garde à l’eau.
Une mauvaise étanchéité des murs enterrés ou semi enterrés
Une mauvaise étanchéité des murs enterrés ou semi enterrés peut conduire à des désordre lorsque la garde à l’eau est rasante à la maçonnerie en pied de soubassement. Ce cas demeure peu courant mais il est factuel et chaque année se sont de nombreux signalements qui résultent de ce défaut dans le bâti. Nous parlons ici de maçonnerie traditionnelle, l’impact n’est donc pas sur les appareillages maçonnés mais plutôt sur les potentielles infiltrations dans le second œuvre.
Cas de figure : Dossier fréquence en dégât des eaux sur une reprise de sol en parquet mosaïque, la cause était une infiltration entre le haut nu de la dalle sur radier et le pied de mur maçonné.
Nous pouvons également noter que ces infiltrations peuvent très rapidement détériorer les corps d’enduits. Les cas les plus courants sont les extensions, ou la création d’un mur sur une dalle ancienne, comme par exemple la création d’une pièce supplémentaire sous un ancien auvent.
Solution : Créer des cunettes maçonnées avec ajout d’une trame étanche noyée dans la cunette.
Le soubassement mal dimensionné en ossature bois
Le principal défaut des conceptions de nombreuses extensions (ou constructions) réside clairement dans le mauvais dimensionnement du soubassement. Ce dernier n’est pas suffisamment rehaussé pour permettre une garde à l’eau suffisante et ainsi assurer la protection des ossatures.
Or, et nous le verrons plus bas, même si le soubassement est en cause, le maçon n’est quant à lui pas responsable. Ce dernier s’est contenté de suivre les plans qui lui ont été confiés. Un rang de parpaing en béton cellulaire aurait évité la malfaçon.
Solution : Démarrer l’ossature sur un rang d’appareillage maçonné.
Un trop faible garde à l’eau lors d’une isolation thermique extérieure
Lorsqu’on réalise une isolation thermique extérieure (ITE), il est important de positionner le départ de l’isolant au dessus du terrain fini. Généralement une quinzaine de centimètres avant de démarrer l’isolant. Cette précaution n’est pas optionnelle. Si l’isolant est en contact avec le sol, ou trop peu en retrait, l’absence de garde à l’eau va générer une remontée d’humidité par capillarité. Le désordre sera alors garanti.
Solution : Respecter la garde à l’eau.
Sujet de discussion : Question de la pertinence de l’isolant si ce dernier est absent en pied de mur. Création d’un pont thermique au droit du manque.
Ossature bois : La lisse basse en cause
La lisse basse est effectivement en cause car cette dernière fait « le pont » permettant la remontée par capillarité de l’humidité. Cependant, encore une fois cette dernière est en cause mais n’est pas coupable. La lisse basse, dans ce cas, subit son positionnement au contact de l’eau.
Cette dernière est correctement positionnée sur une membrane de désolidarisation mais cela ne suffit pas dans ce cas.
Après vérification, la lisse basse est dans un bois de classement adéquat (classe 3) et peut donc supporter un contact à l’eau par nature. Bien que ce ne soit aucunement souhaitable.
L’isolant en revanche ne remplit plus son rôle, et ce dernier vient impacter les parements intérieurs, cause de la moisissure sur les murs.
Lire mon article sur la lisse basse.
L’impact de la malfaçon sur les matériaux
- Perte de l’efficacité de l’isolant.
- Risque de dégradation définitive de l’isolant.
- Risque de dégradation des montants d’ossatures.
- Apparition de moisissures sur les murs.
- Dégradation et desquamation des parements et de la peinture.
- Détérioration des enduits extérieurs.
Dans notre cas, tous les matériaux vont subir l’humidité et se dégrader progressivement. L’apparition des moisissures sur les murs étant à ce stade un ultime « signal d’alarme » pour rapidement mettre en œuvre une correction.
Les avantages techniques en phase conception
En phase conception, en « APD » (avant projet définitif), il est judicieux de prévoir une garde à l’eau la plus efficace possible. Ce qui est évidemment valable à la fois en construction bois, mais également en construction maçonnée.
Pour les éléments de maçonnerie traditionnelle il faut évidemment soigner l’étanchéité des murs enterrés mais également les finitions d’enduits.
La meilleure des solutions demeure évidemment la construction sur vide sanitaire comme je le répète presque systématiquement dans la majorité de mes articles.
En ossature bois, la problématique est strictement identique donc les solutions le sont également. Plus la structure bois est protégée via la garde à l’eau, plus elle sera pérenne.
Là aussi, on peut tout à fait imaginer un soubassement sur vide sanitaire mais également des solutions plus légères comme les pieux vissés par exemple. Dans ce cas, nous ne parlerons pas de lisse basse mais de semelle d’implantation. Cette dernière, comme la lisse, sera a fortiori mieux protégée si elle est considérablement plus haute que le terrain naturel.
Vos bois vous remercieront !
En résumé, lorsqu’on est en phase conception, il est important de réfléchir à la garde à l’eau pour éviter de sérieux problèmes après les travaux.
Prévoir des larmiers sur les constructions bois
Quand c’est possible, il est sage de prévoir des larmiers sur les pieds de murs, essentiellement en construction bois. J’avais été confronté à ce problème sur un chantier à Val Thorens, car même si la garde à l’eau était très largement suffisante, je n’avais pas songé à l’enneigement. Aux premières fortes neiges, l’eau s’est infiltrée entre la maçonnerie et mon premier rang de madrier, même si ce dernier était correctement calfeutré. Dans ce cas, et comme dans tous les autres d’ailleurs, un larmier aurait préservé d’une infiltration.
Solution : Créer une protection mécanique adaptée en pied de mur avec un larmier (comme pour un solin en définitive).
Les conséquences techniques et la garantie
Les conséquences techniques sont évidemment catastrophiques lorsque l’eau pénètre ou imprègne les soubassements ou les pieds de murs. Les actions en cuvelage sont déjà un premier pas correctif mais ne sont malheureusement pas la panacée. Pour l’expert, il s’agira de définir d’une part la cause avérer pour pouvoir effectuer un recours (dans le cadre de la DO) ou bien une solution de reprise technique adaptée. Les dégâts seront très certainement couverts mais pas la cause (en dehors d’une éventuelle couverture en décennale). Autrement dit, la solution de reprise sera à charge client.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.