Dommages-ouvrage : À qui s’adresse cette garantie ?
La question est importante car mal appréhendée et cependant essentielle lors de l’exécution d’un chantier ou d’une construction. Vous me contactez régulièrement sur ce sujet et je vous propose donc un résumé clair quant à la fameuse « DO ».
Dommages-ouvrage : À qui s’adresse cette garantie ?
Lorsqu’on entreprend des travaux de construction ou de rénovation, la question des assurances devient incontournable. Parmi les garanties obligatoires figure l’assurance dommages-ouvrage (DO), souvent mal comprise du grand public. Pourtant, cette couverture est essentielle pour sécuriser un projet immobilier. Mais alors, à qui s’adresse réellement cette garantie ? Quels sont ses bénéficiaires, ses obligations, et dans quelles situations intervient-elle ?
Cet article vous guide à travers les méandres de cette assurance particulière, indispensable dans le secteur du bâtiment. Je vous proposerai également un entretien avec un spécialiste du sujet avec une vidéo YouTube (en cours de tournage) que j’intégrerai dans le présent article.
Qu’est-ce que l’assurance dommages-ouvrage ?
L’assurance dommages-ouvrage a été instaurée par la loi Spinetta du 4 janvier 1978. Elle vise à protéger le maître d’ouvrage – c’est-à-dire la personne qui fait réaliser les travaux – en garantissant une indemnisation rapide des désordres relevant de la garantie décennale.
Concrètement, elle permet une prise en charge rapide des réparations nécessaires en cas de malfaçons ou de dommages affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, sans attendre qu’un tribunal ne statue sur les responsabilités.
Pour rappel :
- Garantie décennale : doit être souscrite par le professionnel.
- Garantie dommages-ouvrage : doit être souscrite par le client (même s’il est professionnel par ailleurs).
Pour mieux comprendre la subtilité, je vous renvoie à mon dossier thématique sur la décennale. L’amalgame entre ces deux garanties est courant.
Les points clés de cette assurance
- Obligatoire pour toute personne qui fait réaliser des travaux de construction.
- Couvre les malfaçons de nature décennale.
- Prise d’effet à l’issue de la garantie de parfait achèvement (1 an après la réception des travaux).
- Durée de couverture : 9 ans (pour couvrir les 10 ans de garantie décennale).
À qui s’adresse l’assurance dommages-ouvrage ?
Contrairement à une idée répandue, l’assurance dommages ouvrage ne s’adresse pas exclusivement aux professionnels du bâtiment. En réalité, toute personne, physique ou morale, qui fait construire ou rénover un bien immobilier pour son propre compte est concernée.
Les particuliers maîtres d’ouvrage : DO obligatoire !
Ce sont les premiers concernés. Si vous faites construire votre maison individuelle, une extension, ou réalisez des travaux lourds de rénovation (comme la surélévation d’un toit), vous êtes tenu de souscrire une assurance dommages ouvrage.
Même si la loi n’impose pas de sanction directe pour les particuliers qui ne s’assurent pas, l’absence de cette garantie peut poser de graves problèmes en cas de revente ou de sinistre. Le notaire exigera souvent une attestation de dommages ouvrage au moment de la vente, et son absence peut freiner la transaction.
Les promoteurs immobiliers
Les promoteurs construisant des logements pour la vente en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) sont également dans l’obligation de souscrire cette garantie. Elle protège les futurs propriétaires qui bénéficieront de la couverture même s’ils n’ont pas souscrit eux-mêmes l’assurance.
Les constructeurs de maisons individuelles (CMI)
Les CMI (Constructeurs de Maisons Individuelles) doivent inclure une assurance dommages ouvrage dans leur contrat de construction, conformément à la loi du 19 décembre 1990. C’est un argument de confiance pour les clients, et une obligation légale pour exercer cette activité.
Pour information, il est littéralement impossible de signer un CCMI sans l’obtention d’une DO.
Lire mon article sur le CCMI : Le Contrat de Construction de Maison Individuelle.
Les entreprises et collectivités
Les entreprises privées ou publiques, les collectivités territoriales, ou encore les bailleurs sociaux qui construisent ou rénovent des bâtiments sont également tenus de souscrire cette assurance en tant que maîtres d’ouvrage.
Les syndicats de copropriétaires
Lorsque des travaux importants sont entrepris sur les parties communes d’un immeuble, le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, doit souscrire une assurance DO pour couvrir les éventuels sinistres décennaux affectant ces espaces.
A lire également : L’importance de la DO lors d’une ouverture sur mur porteur. Notamment en copropriété.
Quels sont les risques couverts par la garantie dommages-ouvrage ?
L’assurance dommages ouvrage couvre les désordres relevant de la garantie décennale, à savoir :
- Les vices ou malfaçons qui compromettent la solidité de l’ouvrage (ex. : fissures majeures dans les murs porteurs, affaissement de la dalle, etc.).
- Les désordres qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination (ex. : infiltrations d’eau rendant les pièces inhabitables, défauts d’étanchéité, etc.).
- Les équipements indissociables de la construction, c’est-à-dire ceux dont le retrait ou le remplacement entraînerait une détérioration de l’ouvrage (ex. : canalisations encastrées, chauffage intégré dans le sol, etc.).
À noter :
Ne sont pas couverts par la dommages-ouvrage :
- Les dommages esthétiques (microfissures, teintes irrégulières…).
- Les défauts d’entretien ou les malfaçons apparentes signalées à la réception.
- Les sinistres survenant avant la réception des travaux (ils relèvent de l’assurance décennale du constructeur, mais pas encore de la DO).
Pourquoi la DO est-elle si importante ?
L’assurance DO présente plusieurs avantages majeurs pour le maître d’ouvrage et les acquéreurs successifs :
Une indemnisation rapide
C’est l’un des principaux intérêts de cette garantie. En cas de sinistre, l’assureur indemnise le maître d’ouvrage dans un délai maximal de 105 jours, sans avoir besoin d’attendre une décision de justice sur la responsabilité du constructeur.
Une sécurité en cas de revente
La garantie est transmissible aux propriétaires successifs pendant les 10 années suivant la réception des travaux. Cela facilite la vente du bien et sécurise l’acquéreur.
Une couverture complémentaire à la garantie décennale
La DO complète la garantie décennale en la rendant opposable et opérationnelle plus rapidement, car elle évite les contentieux longs et coûteux entre les différents intervenants du chantier.
Que risque-t-on en cas de non-souscription ?
La loi prévoit des sanctions pour les professionnels (promoteurs, entreprises, collectivités) qui ne souscrivent pas la DO : une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 € et/ou 6 mois d’emprisonnement.
Pour les particuliers, il n’y a pas de sanction pénale directe. Toutefois, l’absence d’assurance DO :
- Empêche une indemnisation rapide en cas de sinistre.
- Retarde la vente du bien.
- Peut rendre difficile la mise en cause des constructeurs, en raison de délais procéduraux.
Comment souscrire une assurance dommages ouvrage ?
La souscription peut se faire auprès d’un assureur spécialisé ou via un courtier. Le processus peut être long, car les assureurs demandent un dossier technique détaillé comprenant :
- Les plans du projet.
- Les contrats avec les différents intervenants (architectes, entreprises, etc.).
- Les attestations d’assurance des professionnels.
- Le permis de construire.
- Le rapport de sol (étude géotechnique).
Il est fortement recommandé d’anticiper cette démarche dès le début du projet pour éviter tout blocage au moment du démarrage des travaux.
La dommages-ouvrage en expertise
Tous les experts ne sont pas spécialement aguerris aux particularités des recours en dommages-ouvrage. C’est une branche singulière de l’expertise bâtiment car elle induit un grand nombre de tiers responsables.
Vous pouvez évidemment avoir recours à une contre-expertise par le biais d’un expert d’assuré en cas de litige. J’ai longuement évoqué ce sujet dans mes différents articles sur l’expertise et j’oeuvre d’ailleurs moi-même dans ce domaine.
Conclusion : Une garantie incontournable pour construire sereinement
L’assurance dommages-ouvrage est bien plus qu’une formalité administrative. Elle constitue une véritable protection financière et juridique pour toute personne – physique ou morale – qui s’engage dans un projet de construction ou de rénovation.
En permettant une indemnisation rapide des dommages les plus graves, elle sécurise les investissements immobiliers, protège les maîtres d’ouvrage, et favorise la confiance dans le secteur du bâtiment.
Ne pas souscrire à cette garantie, c’est prendre un risque majeur en cas de sinistre, tant pour soi que pour les futurs propriétaires. Il est donc essentiel de bien comprendre ses obligations et de s’entourer de professionnels compétents pour mener à bien son projet.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.