La facturation électronique n’est pas une mesure historique, mais ne date pas d’hier pour autant. En effet, cette dernière est déjà rendue obligatoire pour les marchés publics depuis 2020.
Autrement dit, pour toutes les interventions réalisées par les entreprises du bâtiment en lien avec une quelconque administration, c’est un passage par CHORUS PRO obligatoire.
Jusque là, rien de bien contraignant si ce n’est peut être pour les solos artisans non préparés et qui, pris par la volonté de bien faire, ce sont vus sollicités pour un dépannage dans la mairie du coin.
Dès lors, le cauchemar de la facturation aura rapidement étouffé tout enthousiasme de répondre à l’appel de nos administrations, certains allant même jusqu’à « laisser tomber » cette facture impossible à transmettre.
Ce sera « cadeau » et tant pis pour l’intervention gratuite.
Ce schéma, tous les artisans y sont confrontés, et soyons tout à fait honnêtes, plus aucune petite entreprise artisanale ne souhaite intervenir pour un chantier public au vu des complications administratives que cela entraine.
Seules les grandes entreprises, rompues à cette gymnastique informatique et administrative sont encore en lice.
Or, ce gigantesque sketch qui est devenu « la norme » en France ne visait (depuis 2020) que les facturations en lien avec les marchés publics, et en aucun cas les factures entre professionnels (B2B) et particuliers (B2C).
Mais ça, c’était avant !
La facturation électronique obligatoire : Ce qu’il faut savoir
Le tout numérique est en marche, et la facturation ne passera pas au travers de cette volonté de tout dématérialiser. En Janvier 2026, la facturation électronique obligatoire sera donc étendue aux moyennes et petites entreprises et plus seulement dans le cadre du rapport privé/public.
Le but est affiché : Toute facture sera dorénavant numérique, quel que soit le chantier.
En France, cette obligation se généralise progressivement afin de simplifier la gestion comptable, de lutter contre la fraude fiscale et d’améliorer la transparence des transactions. Ces affirmations vont même jusqu’à préciser qu’il s’agit de « simplifier » la vie des entreprises.
Cette notion de « simplification » est cependant toute relative, car nous le savons bien, quand l’état met son nez dans les process cela se transforme rapidement en compétition sportive. Rappelons nous les règles d’obtention du crédit d’impôt rénovation qu’aujourd’hui encore personne ne comprend.
Il existe donc deux axes distincts qui composent ce nouveau process : La facturation électronique et le « reporting ».
- Lire l’article sur BPI France.
- Accéder au portail CHORUS PRO.
Qu’est-ce que la facturation électronique obligatoire
E-reporting, E-facturing, sont de bien jolis anglicismes qui ne cachent qu’une chose en réalité : La chasse aux fraudeurs. Il faut être réellement naïf pour croire que ces nouvelles dispositions sont faites pour simplifier la vie de l’artisan. Bien au contraire.
Mais il faut bien un prétexte pour imposer ce qui s’annonce déjà comme un cauchemar numérique pour les petites entreprises et notamment, les artisans.
Est-ce l’incroyable fraude à la TVA de F. Zaoui qui est à l’origine de cette révolution ? Sans doute.
La facturation électronique obligatoire impose aux entreprises l’émission, la transmission et la réception des factures sous format dématérialisé. Ce format doit respecter des normes précises (comme Factur-X, UBL ou CII) et transiter via une plateforme agréée par l’administration fiscale.
Comprenons nous bien, la facturation électronique n’est pas une facture sous format PDF, il s’agit bien d’un processus de transit des factures par une plateforme autorisée, qui elle seule est en mesure de transmettre le document.
Il y a fort à parier que les menuisiers ne soient pas touchés par ces modifications profondes de leurs habitudes car ces derniers, bien souvent, transitent déjà par des logiciels spécialisés comme Prodevis par exemple. Dans ce cas, l’opération sera « transparente » pour l’artisan.
Soit.
Masi qu’en est-il des autres corps de métiers ? Charpentiers et maçons, plombiers et zingueurs, et nos amis peintres qui généralement rédigent leurs devis & leurs factures sur Excel vont quant à eux devoir opter pour une solution logicielle : Payante !
La question est donc celle-ci : Quelle est la solution logicielle simple et faible, et à quel prix ?
Car oui, nos « progiciels » historiques les moins coûteux et les plus accessibles ne sont pas « taillés » pour réaliser ce type d’opération. Il y a donc fort à parier que les artisans devront modifier leurs habitudes et mobiliser une fois de plus, des fonds financiers.
Fraude à la TVA ou fraude tout court ?
Sur le papier, l’Etat souhaite endiguer la fraude à la TVA, ce qui est parfaitement louable. C’est le but affiché de la facturation électronique obligatoire.
Cette question ne se pose même pas et ne fait aucune polémique chez les artisans du bâtiment. Contrairement aux nombreuses idées reçues, nous ne sommes pas majoritairement des fraudeurs !
En revanche, est-ce réellement la fraude à la TVA qui est visée, ou plus largement tout type de fraude et je songe évidemment aux travaux de rénovation et d’extensions.
Encore une fois, une fraude est une fraude et doit être combattue par tous les moyens. Or c’est le format qui dérange. Car il serait plus simple de poser clairement les termes et de dire : Mr Dupont, je veux savoir si tu as isolé ton garage pour en faire une chambre supplémentaire !
Car oui, il est naturel d’imaginer que c’est à minima un outil qui permettra de suivre instantanément tous les travaux réalisés chez les particuliers ou les professionnels, qui modifieraient même un tout petit peu, la destination de leurs locaux.
La question est donc plus équivoque qu’il n’y parait. Finalement, ce sont très probablement les particuliers qui sont visés par cette nouvelle procédure, via l’entremise de l’artisan.
- Texte initial sur LegiFrance.
- FAQ du gouvernement sur le sujet (Question / Réponses) au format PDF.
Une forme de tromperie sur les termes
Sur le papier, la facturation électronique obligatoire ne concernerait que les travaux soumis à la TVA et ne concernerait pas, en théorie, les travaux en B2C : Travaux réalisés chez les particuliers.
Or, là encore, le sujet est fallacieux.
En effet, ne sont pas uniquement soumises à la facture électronique obligatoire les entreprises qui émettent une facture, mais également celles qui en reçoivent. Autrement dit : tout le monde !
En théorie, les travaux en B2C (pour les particuliers) sont donc exclus du dispositif, or l’artisan devant nécessairement se fournir en matériaux, il sera donc techniquement tenu d’avoir également un dispositif électronique lui permettant de générer son « e-reporting », pour les factures de son fournisseur.
Cela concerne évidemment les micro-enterprises, même si ces dernières ne sont pas redevables de la TVA.
On résume simplement : Personne n’échappera à l’obligation de souscription d’un service à minima sur une plateforme dématérialisée.
Une sanction bilatérale
- 15 euros par facture non dématérialisée (plafonné à 15000 euros par an).
- 250 euros pour non respect du E-reporting par facture (plafonné à 15000 euros par an).
Avec un « cadeau » de gratuité pour la première infraction. C’est assez risible.
L’artisan ne sera pas le seul à être sanctionné, mais l’opérateur également : Le PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire). En l’occurrence, la société (plateforme) qui est tenue de gérer les échanges avec l’administration fiscale.
Bien souvent, ce sont des opérations automatiques qui sont réalisées via des API (portes numériques qui permettent les échanges automatisés).
On imagine donc aisément les difficultés que cela pose en terme de sérieux des plateformes, et nous le savons, même les plus professionnelles d’entre elles ne sont pas à l’abri d’une coupure de serveur ou pire, d’une perte des données. Je vous renvoie au clash mémorable d’OVH en 2020.
Ces fameuses « API » sont lourdes et complexes à développer. Aussi, la bonne volonté de certains de nos négoces qui jusqu’ici nous offraient un service de DEVIS/FACTURE en ligne va en prendre un coup, c’est inéluctable.
Conséquence immédiate, ce seront nos artisans qui seront les premiers impactés.
Qui est concerné et à quelle échéance ?
- 1er juillet 2024 : obligation de réception pour toutes les entreprises et obligation d’émission pour les grandes entreprises.
- 1er janvier 2025 : obligation d’émission pour les entreprises de taille intermédiaire.
- 1er janvier 2026 : obligation d’émission pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les micro-entreprises.
Quels sont les avantages de la facturation électronique ?
- Simplification et gain de temps : automatisation des processus et réduction des tâches administratives / FAUX du moins en l’état.
- Amélioration de la traçabilité : suivi en temps réel des transactions et meilleure gestion comptable / VRAI mais pour qui ?
- Réduction des erreurs et des fraudes : sécurisation des échanges et limitation des risques de fraude à la TVA / VRAI.
- Impact environnemental réduit : suppression des factures papier et diminution des coûts d’impression et d’archivage / VRAI et FAUX car les entreprises imprimeront quoi qu’il arrive les factures en double, ou triple selon les cas.
Comment se conformer à cette obligation ?
Les entreprises devront :
- Choisir une plateforme de dématérialisation (Plateforme de Dématérialisation Partenaire – PDP ou le Portail Public de Facturation – PPF).
- S’assurer que leurs factures respectent les formats normés et intègrent les mentions obligatoires.
- Adapter leur logiciel de facturation ou adopter une solution intégrée conforme aux exigences légales.
- Former leurs équipes aux nouvelles procédures et outils pour garantir une transition efficace.
Quels risques en cas de non-conformité ?
Le non-respect de cette obligation pourra entraîner des sanctions telles que des amendes pour non-émission de factures conformes ou l’impossibilité de récupérer la TVA sur des factures non réglementaires. Je vous renvoie au paragraphe plus haut dans l’article.
De plus, un retard dans l’adoption des outils requis pourrait engendrer des difficultés opérationnelles.
Conclusion
Volonté de bien faire ? Chasse aux fraudeurs ? Ou bien volonté certaine de scruter toute transaction quelle qu’elle soit dans le bâtiment ! La facturation électronique obligatoire est encore une des ces multiples lourdeurs administratives dont l’utilité reste très largement à prouver.
L’Etat Français est friand de ces complications imposées, nous le savons.
La véritable question sera de déterminer si le prix mensuel ou annuel d’une solution logicielle sera accessible aux plus petites entreprises artisanales. Ce sera le sujet d’un prochain article.
En outre, et compte tenu du nombre grandissant de « bug » informatiques et autres « shutdown » des plateformes, il sera nécessaire de veiller aux sanctions injustifiées.
Tout un tableau !
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.