Le sapiteur est le « sachant ». Quel que soit le domaine d’activité, il est le pilier des réflexions et des conclusions qui permettent à l’expert de statuer.
Son rôle est hautement stratégique, or il est malheureusement trop sous-estimé et sous-coté. Il est donc nécessaire de définir ce qu’est un sapiteur, et replacer son exercice au coeur de toute décision en matière d’expertise du bâtiment.
Avant propos
Le terme, au demeurant totalement inconnu du grand public, ne concerne pas spécifiquement au bâtiment mais tous les métiers. De la comptabilité à la médecine. Un sapiteur est un « sachant ». Il donne des avis, il agence éventuellement des données techniques ou financières, mais il est avant tout là pour aiguiller le raisonnement des décisionnaires.
Même si j’affectionne le mot et la fonction, je ne l’utilise par ailleurs jamais et pourtant, j’en suis un. Car l’expert que je suis ne tranche pas sur les états des pertes, mais bel et bien sur le fond. En d’autres termes, au même titre que dans le droit, il y a le fond, et la forme. Le sapiteur ne travaille que sur le fond et c’est sa neutralité, sa vivacité d’esprit, sa connaissance du domaine qui lui donnent son autorité. Un sapiteur est donc « par nature » un expert, or un expert n’est pas nécessairement un sapiteur.
Ce qui nous concerne ici, vous l’aurez compris, est le métier de sapiteur dans le bâtiment, plus particulièrement en après sinistre et dans le cadre des expertises.
Sapiteur : Quel est son rôle ?
Une expertise au service de la vérité
Le terme sapiteur est souvent méconnu du grand public, bien qu’il occupe une place importante dans de nombreux domaines techniques, juridiques et notamment dans le secteur du bâtiment. Sollicité ponctuellement pour son savoir spécialisé, le sapiteur apporte une expertise précieuse dans le cadre de procédures judiciaires, d’expertises amiables ou après sinistre.
Aujourd’hui, nous allons analyser de manière exhaustive la définition du sapiteur, son rôle général, ses interventions dans le domaine du bâtiment, après sinistre, ainsi que ses responsabilités et missions spécifiques, pour vous aider à mieux comprendre cette fonction essentielle mais discrète.
Qu’est-ce qu’un sapiteur ? Définition
Le mot sapiteur provient du latin sapere, signifiant « savoir ». Il désigne un expert technique spécialisé auquel un expert judiciaire fait appel de manière ponctuelle dans le cadre d’une mission nécessitant des compétences très pointues.
Le sapiteur n’est pas un expert judiciaire inscrit sur les listes des cours d’appel, mais un professionnel reconnu pour sa compétence dans un domaine pointu. Il intervient à la demande d’un expert (judiciaire ou amiable) qui souhaite s’appuyer sur son savoir-faire pour éclairer un point technique.
Par exemple, dans un cadre de malfaçon dans une installation électrique, un désordre de maçonnerie , un fléchissement de panne, un expert bâtiment généraliste pourra faire appel à un sapiteur pour analyser la conformité de l’ouvrage.
Définition de « Sapiteur » sur wikipédia.
Rôle général du sapiteur
Appui technique à l’expert
La fonction principale du sapiteur est d’apporter un éclairage technique très spécialisé à l’expert qui le missionne. Il n’est pas autonome dans sa mission : il travaille sous l’autorité de l’expert.
Dans le bâtiment, le sapiteur est généralement un technicien de très haut niveau (ingénieur ou technicien hautement qualifié) ou bien un homme de l’art confirmé : Compagnon, maître d’œuvre, artisan spécialisé.
Transmission d’un rapport
Le sapiteur rédige un rapport ou une note technique qui sera annexé au rapport final de l’expert. Il ne communique jamais directement avec les parties ou les juridictions. Ces avis sont dits « précieux » et font office de base de réflexion non équivoque. Cela peut être du point de vue technique mais également financier (en terme d’approche).
En général, les bureaux de contrôles agissent très exactement dans cet esprit et leur rôle est similaire.
Aucune responsabilité juridique directe
Le sapiteur n’endosse pas la responsabilité de l’expertise. C’est l’expert qui demeure responsable du rapport final et de l’usage fait des analyses du sapiteur.
Le sapiteur dans le secteur du bâtiment
Dans le domaine du bâtiment, le recours à un sapiteur est fréquent, notamment lorsque les litiges sont complexes et impliquent plusieurs corps de métier.
Exemples d’interventions :
- Malfaçon sur une charpente : le sapiteur charpentier analysera la conception, les plans, le choix des matériaux et la réalisation.
- Désordre sur un revêtement de sol : le sapiteur peut être un spécialiste en matériaux de revêtement ou en humidité.
- Affaissement de terrain : un géotechnicien sapiteur peut être requis pour diagnostiquer les causes (argile gonflante, tassement différentiel, etc.).
- Problème électrique ou domotique : le sapiteur électricien vérifie les normes en vigueur et le bon fonctionnement des installations.
Dans tous ces cas, l’expert judiciaire ou amiable reste l’interlocuteur principal, et s’appuie sur les analyses ciblées du sapiteur pour trancher.
Polémique :
Sur certains dossiers « lourds », et je songe notamment à un dossier qui m’a été soumis récemment, aucun sapiteur n’est diligenté alors que c’est le cas pour une simple recherche de fuite par ailleurs. Ce manque de « lucidité » des donneurs d’ordres devient de plus en plus courant. Nous essaierons de comprendre ce « défaut » de prise de décision dans un dossier dédié.
Rôle du sapiteur après un sinistre
Le rôle du sapiteur est tout aussi important dans le cadre d’une expertise après sinistre. Qu’il s’agisse d’un incendie, d’un dégât des eaux, d’un effondrement ou d’un vice de construction.
Missions typiques :
- Déterminer l’origine d’un sinistre : par exemple, après un incendie, un sapiteur en électricité pourra identifier si le feu est d’origine électrique.
- Évaluer l’étendue des dommages : un sapiteur structure ou béton peut analyser la solidité résiduelle d’un bâtiment après un effondrement.
- Chiffrer les réparations nécessaires : des sapiteurs économistes de la construction peuvent intervenir pour estimer les coûts de remise en état.
- Identifier des responsabilités techniques : dans une logique de recours contre un professionnel ou un assureur, la technicité du sapiteur permet de mieux attribuer les responsabilités.
Ces interventions peuvent avoir lieu dans un cadre amiable (entre assurances, entreprises, particuliers) ou dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Consulter mon dossier sur l’après sinistre.
Voir aussi : (Si vous souhaitez aller plus loin)
RCCI : Recherche de causes et circonstances incendie.
Les domaines d’expertise des sapiteurs
Le champ d’intervention des sapiteurs est extrêmement large. On peut citer quelques exemples de spécialités courantes :
- Génie civil, béton armé, fondations
- Charpente, couverture, zinguerie
- Électricité, plomberie, chauffage, climatisation
- Thermique, acoustique, ventilation
- Peinture, carrelage, enduits
- Matériaux de construction (bois, métal, pierre, etc.)
- Pathologies du bâtiment (humidité, fissures, champignons, etc.)
- Géotechnique et étude de sol
- Sécurité incendie
- Architecture, urbanisme
- Accessibilité PMR (Personnes à Mobilité Réduite)
- Domotique, objets connectés, normes NFC 15-100
Ce maillage de compétences permet à l’expert gestionnaire du dossier de bâtir une vision globale et techniquement fondée du litige ou du sinistre.
Exemple concret :
Lors d’un de mes dossiers à La Seyne sur Mer, un incendie avait déstabilisé une partie d’un bâtiment. L’expert ne sachant pas s’il devait demander la démolition et reconstruction d’un linteau, il a sollicité un technicien spécialisé pour déterminer l’intégrité du linteau.
Statut et responsabilités du sapiteur
Statut juridique
Le sapiteur n’a pas de statut officiel dans le Code de procédure civile ou pénale, mais son usage est admis et encadré par la jurisprudence. Il ne peut se substituer à l’expert et n’a aucun lien direct avec les parties au litige.
Il peut s’agir de :
- Un homme de l’art reconnu par ses pairs.
- Un économiste de la construction.
- Un bureau d’étude structure.
- Un bureau de contrôle.
- Etc.
Responsabilité professionnelle
Le sapiteur ne signe pas le rapport d’expertise. Il n’engage pas sa responsabilité personnelle, sauf cas d’erreur manifeste ou faute professionnelle reconnue. C’est toujours l’expert judiciaire qui est responsable de la qualité et de la rigueur du rapport final.
Neutralité et indépendance
Le sapiteur doit faire preuve de neutralité et d’objectivité. Bien que recruté par l’expert, il est tenu à une stricte impartialité dans ses analyses.
Pour mieux comprendre, je vous renvoie chez CoCreata dont une partie des missions concerne très exactement ce sujet. Nous échangeons régulièrement sur des dossiers, cette entreprise composée d’ingénieurs agit dans ce domaine.
Cas pratiques d’intervention d’un sapiteur
Cas 1 : Affaissement de plancher
Dans une maison ancienne, un plancher présente des déformations. L’expert judiciaire en bâtiment missionne un sapiteur structure bois. Celui-ci constate un défaut de portée des solives et un affaissement lié à l’humidité ascensionnelle. Son analyse technique permet de conclure à une malfaçon imputable à une entreprise de rénovation.
Cas 2 : Incendie d’origine inconnue
Un sinistre incendie survient dans un local professionnel. L’expert missionne un sapiteur électricien qui identifie un défaut dans un tableau électrique mal installé. Cela oriente le rapport vers une responsabilité partagée entre l’installateur et le fournisseur du matériel.
Cas 3 : Conflit sur des fissures en façade
Un litige oppose un particulier et son promoteur sur des fissures survenues un an après la livraison. L’expert missionne un sapiteur géotechnicien qui identifie une mauvaise adaptation du bâtiment aux caractéristiques argileuses du sol. Cela permet de déterminer les responsabilités de manière plus précise.
- Lire mon article sur l’agrafage des fissures.
- Lire mon article sur les fissures sur maison neuve.
Nous reviendrons sur ce cas de figure lors d’une analyse concrète sur un dossier qui m’a été confié, et pour lequel j’agirai comme expert d’assuré.
Pourquoi faire appel à un sapiteur ?
- Bénéficier d’un avis technique hautement spécialisé.
- Éviter les erreurs d’interprétation technique.
- Renforcer la crédibilité d’une expertise.
- Accélérer la résolution des litiges.
- Mieux définir les responsabilités des acteurs (entreprises, assureurs, collectivités, etc.).
On ne doit pas confondre cet expert technique avec le contre-expert, autrement dit l’expert d’assuré. L’expert d’assuré est l’homologue de l’expert de compagnie et ces deux professionnels débattent ensemble. Le sapiteur, quant à lui, apporte ses lumières à l’un ou l’autre, indifféremment des intérêts en cause.
En revanche, un expert d’assuré peut également avoir la casquette de sapiteur, rien ne l’en empêche. Dans ce cas, il n’agira pas en tant que conseil pour une des parties, mais en tant que technicien neutre.
Lire mon article sur l’expert d’assuré : Le guide.
Conclusion
Le sapiteur est un acteur discret mais indispensable dans le monde de l’expertise, notamment dans les secteurs techniques comme le bâtiment, les travaux publics ou encore l’assurance après sinistre.
Sollicité pour son savoir spécifique, il enrichit l’expertise par une analyse fine et circonstanciée, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des situations complexes et à une prise de décision éclairée.
Si vous êtes confronté à un litige technique ou à un sinistre, sachez que la présence d’un sapiteur peut faire toute la différence entre une évaluation superficielle et une expertise solide, précise et incontestable.
Merci pour vos lectures et bonne expertise.
Serge USTUN.