Assurance décennale obligatoire ? La réponse est définitivement oui.
Il est assez rare que les choses soient aussi affirmatives en matière d’assurance. Or dans ce cas, c’est « on ne peut plus » clair. Si vous œuvrez dans le bâtiment, quel que soit votre corps de métier : La décennale est obligatoire.
Ces dernières semaines, vous avez été nombreux à me poser des questions sur la décennale, j’en profite donc pour apporter des réponses dans ce nouvel article dédié.
Le principe de la décennale
Le maître d’ouvrage (généralement le client) peut engager une action pour tous les travaux effectués qui présentent une quelconque malfaçon ou désordre, pendant une période de 10 ans. Cette période débute à compter de la réception des travaux.
Autrement dit, vous êtes juridiquement responsables de vos chantiers pendant 10 ans en tant qu’entreprise du bâtiment.
Pour vous protéger, et pour protéger « indirectement » les consommateurs, la loi impose que vous soyez assurés afin d’exercer une activité, dès l’instant où cela concerne les métiers du bâtiment. C’est la loi SPINETTA de 1978.
Sur le site gouvernemental nous pouvons lire ceci :
« la loi Spinetta du 4 janvier 1978 (L. 241-1 du code des assurances) impose à toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut
être engagée sur le fondement de la responsabilité décennale de souscrire une assurance construction à hauteur de cette responsabilité. »
Sources :
- Site legifrance : Loi SPINETTA de 1978 relative à la décennale
- Site écologie.gouv.fr : Récapitulatif résumé et simple sur format WORD
Le but est donc de protéger l’artisan (et non le client qui lui est protégé par la Dommage Ouvrage), en prenant en charge les éventuels désordres qui pourraient résulter d’une malfaçon.
Comme pour toutes les garanties, la décennale est assortie d’une franchise, variable selon l’activité exercée et le chiffre d’affaire réalisé par l’artisan. L’obligation est établie dès le premier chantier, et tout au long de la vie de l’entreprise.
Assurance décennale obligatoire : Quels sont les métiers concernés
Comme je l’évoque dans le paragraphe d’introduction du présent article, tous les métiers du bâtiment sont concernés. Qu’importe le statut juridique. En d’autres termes, la décennale est obligatoire pour absolument toutes les entreprises artisanales sans aucune exception.
J’ai déjà écrit beaucoup d’articles sur le sujet, mais la question revient très régulièrement.
La décennale protège « indirectement » le client (car elle protège avant tout l’artisan) de toute malfaçon pouvant engendrer un désordre ou pire, toute malfaçon rendant le bien impropre à l’utilisation.
Cette garantie oblige le professionnel qui est à l’ouvrage à purger toute malfaçon ou défaut dans l’ouvrage : Autrement dit, elle oblige à un résultat.
Cela concerne absolument tous les professionnels du bâtiment dès qu’ils ouvrent leurs boîtes à outils, autrement dit pour tout chantier et dès qu’il débutent leur activité.
C’est valable pour le remplacement d’un robinet, au même titre que pour la construction d’une maison individuelle.
L’idée reçue d’une dispense de garantie pour certains métiers
Il n’y a pas de « petits travaux » qui ne soient pas soumis à la garantie décennale. Comme je l’évoquais dans un précédent article, même les jointeurs placo doivent être assurés. Cependant, les idées reçues sont tenaces et aujourd’hui encore, il n’est pas rare de se retrouver face à des professionnels non conscients de leurs obligations.
L’idée reçue qui concerne la dispense de garantie pour les peintres, par exemple, est totalement fausse.
Ce cas est évidemment courant, mais il concerne également les entreprises « multi-services » et les plateformes de travaux entre particuliers. Ces dernières, sur le plan juridique, ne sont pas exemptés d’obligation et doivent souscrire une décennale.
En bref, et uu risque de me répéter, la décennale est obligatoire, pour tous les métiers du bâtiment.
- Lire mon article sur la garantie décennale.
- La décennale étanchéité / étancheurs.
- Questions et réponses sur la décennale peinture.
- La décennale pisciniste / Un véritable sésame.
- Décennale maçonnerie : La plus accessible des décennales.
- La décennale charpente : Un cas singulier / Prix et détails.
Sont évidemment concernés :
- Les entreprises qui exercent dans le gros œuvre et/ou dans le second œuvre.
- Les bureaux d’études.
- Les maitres d’œuvres & les architectes.
- Les entreprises de services, même les « multiservices » en « petits travaux ».
En d’autres termes, l’obligation de garantie ne se base pas sur le métier exercé ou le volume de chiffre d’affaire (même si ces éléments influent sur le prix de la décennale). Du jointeur placo au constructeur de maison individuelle, tout entrepreneur du bâtiment doit être assuré.
Cette notion pose un problème éthique lors du recours à des plateformes de travaux entre particuliers, que j’évoque dans un dossier.
Les cas particuliers
Certaines entreprises, qui n’ont habituellement pas pour activité le bâtiment, peuvent tout de même nécessiter une assurance décennale obligatoire.
Je prends ici un cas très particulier pour exemple, qui définit parfaitement mon propos (question posée par un lecteur).
- Les métiers assimilés.
- Les fausses exceptions.
Cas numéro 1 : Les métiers assimilés
Un ferronnier dépend normalement de la métallurgie, non du bâtiment. Si ce dernier soude des gardes corps, il devient, par destination, soumis à la garantie décennale. L’assurance devient « de facto » obligatoire s’il facture son ouvrage sous le terme « garde-corps ».
Libre à lui de facturer un « ouvrage de ferronnerie d’art », auquel cas effectivement, la décennale ne s’applique pas.
Ce n’est évidemment pas une méthode légitime, et nous pouvons parier que le donneur d’ordre refusera le contrat.
Cas numéro 2 : Les fausses exceptions
La sous-traitance est souvent désignée comme exempte de garantie pour le sous traitant. C’est à la fois vrai, et faux.
Comme je l’évoque depuis le début de cet article, dès lors qu’une entreprise œuvre dans le bâtiment, la décennale est obligatoire. Vous tomberez inévitablement sur des articles qui prétendent que ce n’est pas le cas pour un sous-traitant, or c’est une erreur d’interprétation.
Dans le cadre de la sous-traitance, le « tiers » responsable sera effectivement l’entreprise contractante, donc le donneur d’ordre. Autrement dit, le recours sera exercé auprès de l’assureur du contractant général.
Cependant, cela ne dispense en rien le sous traitant d’être lui même assuré, bien au contraire.
La loi oblige tout entreprise, individuelle ou morale, à contracter une assurance décennale en fonction de son code APE, donc de son activité. La loi ne s’inquiète aucunement de savoir si vous travaillez en contractant principal ou en tant que sous-traitant.
En outre, si vous êtes sous-traitant et que vous n’avez pas de décennale, aucun donneur d’ordre sérieux ne vous signera une convention de sous-traitance.
Il y a donc clairement un sujet qui crée l’amalgame dans ce cas de figure.
Mon conseil, au risque de me répéter : Vous devez obligatoirement être assuré en décennale MEME en cas de sous-traitance.
L’assurance décennale est-elle obligatoire pour les auto-entrepreneurs ?
L’assurance décennale obligatoire concerne tous les métiers, comme nous l’avons vu plus haut, sans aucune notion de statut.
Le statut juridique sous lequel vous exercez ne rentre pas en considération dans l’obligation de s’assurer en décennale.
SAS, SASU, EURL, auto-entrepreneur : Toute personne morale ou physique doit être assurée.
La garantie décennale n’est pas « comptable », elle est une assurance matérielle. Elle ne concerne que l’ouvrage, qu’elle protège pendant 10 ans. Par conséquent, même si vous réalisez un « petit » chiffre d’affaire, ou que vous exercez en « appoint » de votre activité salariée, vous demeurez tenus de vous assurer.
La décennale ne concerne que les éléments immobilier ou immobiliers par destination. Je vous donne quelques exemples pour mieux saisir la nuance :
- Le remplacement d’un joint de machine à laver ne rentre pas dans le cadre de l’obligation
- Le remplacement du robinet de puisage qui alimente la même machine à laver, rentre dans le cadre de l’obligation
C’est une nuance subtile, qu’il faut bien appréhender. Autrement dit, les « petits travaux » qui concernent généralement les entreprises en « multi services », peuvent être soumis à une décennale obligatoire.
Obligatoire ou pas, la décennale demeure un passe partout
Vous devez une garantie minimale à vos clients. Même si vous êtes irréprochables, les produits que vous utilisez peuvent être défaillants.
La décennale est justement là pour vous protéger, autant qu’elle protège le client en garantissant l’ouvrage.
Or, ce n’est pas le seul élément à prendre en compte. Si vous démarrez comme artisan, sans fichier client existant, vous devrez trouver des chantiers. Dans ce cas précis, il n’est pas rare de se tourner, du moins les premiers temps, vers la sous-traitance.
Avec la décennale en poche, vous ouvrez grandes les portes des donneurs d’ordres :
- Agences immobilières, régies
- Sous-traitance (construction, tous corps d’état)
- Grandes surfaces de bricolage (pose en sous-traitance des équipements achetés par les clients)
- Assureurs (après sinistre, rénovation TCE)
- Marchés publics
La décennale n’est donc pas uniquement obligatoire dans le sens de « garantie », mais dans le sens d’une ouverture large sur les opportunités de chantiers.
Sans décennale, aucun des donneurs d’ordres cités plus haut ne vous confiera le moindre chantier.
La décennale est-elle rétroactive ?
En théorie, l’assureur refusera d’assurer les travaux réalisés antérieurement à la souscription de l’assurance décennale. C’est parfaitement légitime.
Cependant, il faut rester objectif et considérer les cas de figure. Si vous êtes plaquiste, que vous avez effectué un petit chantier de 6 mètres carrés en Janvier et que vous souscrivez en février, votre assureur acceptera très certainement la rétroactivité de la garantie.
Si cela concerne un chantier de 200 mètres carrés que vous avez effectué l’année précédente, ce sera plus difficile à faire accepter au garant.
Ce sont des cas de figure qu’il faut considérer au cas par cas, en concertation avec votre interlocuteur.
Combien coûte une décennale ?
Cette question est revenue très régulièrement dans vos messages. C’est parfaitement naturel de s’inquiéter du coût d’une décennale, d’autant qu’elle est obligatoire.
Quand vous démarrez votre activité, dans la grande majorité des cas, une assurance décennale ne dépasse pas 100 à 150 euros / mois.
Pour les auto-entrepreneurs qui débutent, sans employé, avec une prévision de chiffre d’affaire inférieure à 70 000 euros, la décennale n’excédera pas 80 euros mensuel.
Discutez avec votre assureur, partagez très librement vos objectifs et vos prévisions raisonnables, et vous serez étonnés du résultat.
Une décennale obligatoire coûte plus cher si vous réalisez un chiffre d’affaire plus important, ou que vous embauchez des employés.
Consultez les sites des assureurs en exemple :
- Garantie décennale, évaluateur sur le site APRIL
- Etik assurance, page dédiée à l’assurance décennale
- MAAF, espace pro pour les garanties en décennale
- Page dédiée pour la demande d’un devis AXA
La formation est-elle importante pour obtenir une assurance décennale ?
La réponse est oui.
La formation permet à votre assureur de vérifier qu’il prend en garantie un professionnel qui connait et respecte les règles de l’art.
Plus vous êtes formés, que ce soit sur le terrain, fiches de paies à l’appui, ou par le biais d’un CAP, BEP, ou BAC PRO, plus l’assureur sera enclin à négocier la souscription d’un décennale, dans les meilleurs conditions. Ce critère influera évidemment sur le montant mensuel ou annuel de la garantie souscrite.
Une malfaçon, ou un désordre, dû aux travaux peut engendrer des coûts importants pour l’assureur. Ce dernier ne va pas vendre une assurance décennale, obligatoire ou non, au premier venu. Vous devez montrer « patte blanche » et offrir une garantie de savoir faire.
L’expérience sur le terrain est perçue par les assureurs comme un signe évident de compétence. Cependant il vous faudra apporter des preuves de vos différents postes occupés dans une ou plusieurs entreprises.
Puis-je sortir du cadre des travaux garantis par mon assurance décennale ?
Cette question est revenue assez régulièrement. La réponse est oui, « mais ».
Une assurance décennale couvre une activité « au principal » mais elle couvre également de nombreuses activités connexes qui lui sont associées. Je vous donne des exemples courants :
- Un plaquiste peut tout à fait poser un appareillage de type prise de courant, c’est une activité connexe à son activité principale.
- Un carreleur est en droit de déposer et reposer un mitigeur de douche, encore une fois c’est un acte « associé » à son activité principale.
En revanche, ces activités « hors cadre » ne doivent pas dépasser un certain volume de chiffre d’affaire, convenu avec votre assureur, pour ne pas devenir a posteriori votre activité principale.
Dans tous les cas, si vous avez un doute, appelez simplement votre assureur. Pour certains chantiers, votre assurance pourra être « modelée », ponctuellement, en terme de métiers garantis. Cela doit se faire en concertation et avec l’accord de votre gestionnaire.
Le cas « très » particulier des autoconstructeurs
Enfin, il existe un cas de figure très particulier qui soulève de nombreuses questions auprès des experts : L’autoconstruction.
Ce phénomène est en pleine croissance et stagne dans un « entre deux eaux » très ambiguë. Pour résumer, sachez qu’un autoconstructeur ne peut en aucun cas être assuré en décennale car par définition, il n’est pas une entreprise du bâtiment.
Or, et c’est ici que la singularité devient importante, si la construction est vendue à un tiers pendant la période des dix ans, c’est bel et bien l’autoconstructeur qui devient le tiers responsable. Autrement dit ce sera à ce dernier de garantir les quelconques potentielles malfaçons.
Ce sujet n’est pas anodin, il est ouvert à la réflexion et nous pouvons gager que les cas de figures seront nombreux dans les années qui viennent, compte tenu de l’augmentation du nombre d’autoconstructions.
En conclusion
Vous avez été nombreux à me poser des question sur l’aspect « obligatoire » d’une assurance décennale. Je continuerai évidement à noter vos futurs questionnements et les regrouper pour écrire une nouvelle mise à jour sur ce dossier d’importance.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN