Les départs de feu qui concernent la charpente, ou les éléments de charpente, sont nombreux et récurrents. Ce ne sont ni des cas isolés, ni des cas exceptionnels.
Loin des idées reçues, le risque incendie en charpente est omniprésent, plus présent encore depuis l’explosion des offres d’isolation par insufflation, toujours très mal maitrisées.
Ces dernières années, le photovoltaïque qui était régulièrement en cause, tend à se « tasser » du fait de la position des panneaux, en sur-toiture.
Je vous propose donc de réaliser un tour d’horizon des cas de figures les plus fréquent, en terme de sinistralité, et par ce biais, de vous aider à appréhender le risque incendie d’un œil averti.
Crédits photo de couverture : Aleks Magnusson
En France, les incendies représentent environ 300 000 cas de sinistres, pour près de 1.2 Milliards d’euros d’indemnisation. Outre l’aspect dramatique de l’incendie, qui contrairement au dégât des eaux, est souvent la cause de décès, l’enjeu est de taille.
La charpente n’est fort heureusement pas la principale cause des départs de feu. Les cas plus fréquents trouvent leurs origines dans la cuisine, au droit des appareils de cuisson ou des appareils électroménagers.
Comprendre les points faibles d’une isolation, d’une installation photovoltaïque ou d’un réseau électrique en lien direct avec la charpente, permet d’appréhender plus sereinement les éventuels travaux de rénovation que vous souhaitez engager.
Panneaux photovoltaïques : Un problème de moins en moins récurrent
Les départs de feu, ou incendies, dans lesquels les panneaux photovoltaïques sont incriminés n’étaient pas rares, mais ils tendent à se résorber. Une raison évidente, de ce bénéfique recul, tient à la législation.
Rappelez vous, il y a quelques années encore, les panneaux photovoltaïques devaient « faire office d’étanchéité ». Autrement dit, il fallait détuiler, poser des panneaux d’OSB à même les chevrons, poser les panneaux PV et advienne que pourra.
Une hérésie, certes.
Aujourd’hui, fort heureusement, les panneaux photovoltaïques se posent sur des longerons en acier galvanisé, au dessus des tuiles. De simple crochets de fixations viennent au creux des galbes de la tuile pour permettre le maintient des longerons. Ainsi, les panneaux PV ne font plus office de couverture, ils sont simplement en saillie sur la toiture.
Dans les premiers cas, lorsque le photovoltaïque était « flanqué » au nu des chevrons, les départs de feu était relativement fréquent, et pour certains catastrophiques.
En résumé, pour une rénovation ou lors d’un achat dans l’ancien, je vous conseille principalement de vérifier ce point. Dans le cas où votre maison, ou votre future maison, dispose de panneaux solaires, vérifier si ces derniers sont installés en lieu et place de la tuile.
Si tel est le cas, faites réaliser la modification par un couvreur ou un installateur de panneaux solaires professionnel.
Ce premier cas, très simple à appréhender, peut vous éviter un départ de feu.
Eléments de charpente directement impactés :
- Les chevrons (pour une charpente traditionnelle)
- Les arbalétriers (pour une fermette), et par extension les fiches et contrefiches.
L’isolation des combles : Le pire ennemi de la charpente
Les incendies, dont l’origine est identifiée comme mettant en cause l’isolation, sont nombreux. Très nombreux.
Ces derniers ne concernent pas nécessairement le procédé d’isolation par insufflation, qui lorsqu’il est mis en œuvre dans le neuf, n’est pas accidentogène. Ne prenez donc pas mes propos pour une attaque du procédé d’isolation, qui demeure très fiable lorsqu’il est correctement réalisé.
Les constructeurs de maisons individuelles (ou les entreprises générales du bâtiment) chevronnés, veillent à une mise en œuvre de l’isolation sans risque, avec des gardes fous parfaitement observés.
En bref, pour les maisons individuelles « neuves », dont l’isolation est réalisée lors de la construction, il y a peu de risques.
Le risque est cependant bien présent lorsqu’il s’agit d’une rénovation. Les sociétés qui proposent de réaliser une isolation par insufflation ont fleuri ces dernières années, elles ont littéralement poussé comme des champignons.
La grande majorité des départs de feu, au droit des charpentes, sont directement issus de cette méthode d’isolation.
L’insufflation doit être réalisée avec les plus grandes précautions. Les éléments techniques, électriques, doivent être identifiés et préalablement modifiés pour ne pas être à l’origine d’un potentiel départ de feu.
L’isolant doit être certifié selon une classe de résistance au feu, normative et inconditionnelle.
Dans la plupart des cas, les entreprises d’isolation par insufflation n’observent aucune de ces précautions.
Lire mon article sur l’isolation par insufflation
Eléments de charpente directement impactés :
- Les entraits (pour une fermette)
- Les fiches et contrefiches
- Les arbalétriers, si le départ de feu ne se maîtrise pas à temps
Le réseaux électrique : Idéal pour un départ de feu en charpente
Les boites de dérivations
Les cas sont assez rares, les boites de dérivations remplissant, la plupart du temps, correctement leur rôle. Les cas de sinistralité concernent encore une fois les rénovations, avec l’ajout de flux dans les combles.
Certaines boites de dérivations sont trop « petites » pour supporter le rajout de flux électriques. Il n’est pas rare de les retrouver « ouvertes » (sans le capot protecteur) et surchargées, avec des « WAGO » dans tous les sens.
Lorsque ces dernières sont défaillantes, le départ de feu peut surgir. En outre, un capot de boite de dérivation ouvert n’est pas la meilleure protection contre les rongeurs.
1er réflexe :
- Identifier les boites de dérivation (en suivant les câbles)
- Sortir les boites de dérivations qui « baignent » dans l’isolant (danger évident)
- Positionner les boites de dérivation en hauteur, bien visibles, « pendante » avec un feuillard sur la charpente.
- Fermer les capots, ou éventuellement refaire une boite de dérivation supplémentaire pour éviter de la surcharger
Les spots encastrés
Les spots encastrés sont un sujet récurrent, que j’aborde très souvent en conférence. Ces derniers sont évidement de plus en plus « efficaces », notamment du fait de l’apparition des spots LED, qui ne dégagent plus de chaleur.
Cependant, ce n’est pas l’aspect « thermique » qui nous intéresse ici, mais l’aspect électrique.
Lorsque les spots sont encastrés en plénum, autrement dit affleurants au BA13 (plaque de plâtre) et libres dans le vide construction induit par les fourrures et les suspentes, il doivent impérativement être protégés par une « cloche ».
Rappelez vous, nous mettions des pots de fleurs inversés sur les spots pour éviter tout contact avec l’isolant. Cela « vaut ce que ça vaut », pour être un brin malicieux. Le principal problème étant évident : C’est « très moyennement professionnel ».
En outre, j’ai vu des « pots de fleurs », relativement lourds, peser sur le placo et générer, de fait, des fissurations au droit des bandes à joint.
Efficace, le pot de fleur reste une méthode amusante, mais peu responsable.
Il existe des cloches spécialement dédiées à l’écart au feu des spots encastrés, peu coûteuses, et qui se fixent avec un cordon de silicone. Evitez les cloches en « pieuvres » dont les lamelles s’écartent pour créer une sorte de rosace au dessus du spot. Ces dernières ne sont pas fiables.
Le risque concerne tous les types d’isolants, cependant l’insufflation est un facteur aggravant.
Pour éviter tout risque, les industriels proposent dorénavant des spots totalement protégés qui selon moi, devraient être rendus obligatoires.
1er réflexe :
- Identifier tous les spots encastrés
- Vérifier qu’un moyen de protection quelconque, faisant « écart au feu », équipe chacun des spots
- Le cas échéant, protéger ceux qui ne le sont pas.
Risque avéré :
- Défaut de contact au droit de l’alimentation des spots pouvant engendrer un départ de feu
- Dégagement de chaleur pour les spots non LED
Eléments de charpente directement impactés :
- Les entraits, dans la plupart des cas
Les anciens transformateurs d’éclairages
Comme pour les spots encastrés (non LED), les transformateurs d’alimentation des éclairages, posés en combles, sont à proscrire. Ces appareils sont de véritables niches à incendie.
1er réflexe :
- Procéder à la dépose d’ABSOLUMENT tous ces dispositifs, et les remplacer par des éclairages sans transformateurs.
L’écart au feu des conduits de fumée : Un problème de mise en œuvre
Très certainement l’un des cas les plus courants, les départs d’incendie dus à un défaut d’écart au feu sont nombreux. Le risque est concomitant à une mauvaise mise en œuvre de l’isolation par insufflation. C’est bien souvent un facteur aggravant.
Encore une fois, le risque est présent quel que soit l’isolant, et la charpente sera la première impactée en cas de départ de feu.
Potentiellement salvateur : (et inattendu)
Un élément pouvant potentiellement être salvateur en cas de départ de feu au droit d’un conduit : La présence d’anciens boisseaux en terre cuite ou en agglo.
C’est un paradoxe, mais je l’ai souvent constaté lors de mes interventions en après sinistre. La présence d’éléments maçonnés, tels que les boisseaux ou les chevêtres coulés au mortier, tendent à limiter (un temps) la propagation d’un incendie naissant.
Un autre élément singulier réside dans l’absence de pièces de bois au droit des boisseaux, dans de nombreux cas (à part les chevrons de coffrage de chevêtres). Cela limite l’apport de matière combustible et peut, dans certains cas, retarder une combustion totale de la charpente.
1er réflexe :
- Vérifier la présence d’un écart au feu règlementaire au droit des conduits (lire mon article en lien ci-dessous)
- Faire intervenir un « fumistier » professionnel et qualifié, le cas échéant.
- Vérifier la présence de plaques de plâtre FLAM (rose) en parement de plafond au droit de la cheminée ou du poêle
Eléments de charpente directement impactés :
- Presque tous les éléments de charpente seront à remplacer (par effet de léchage)
- Bien souvent à l’axe du faîtage, toutes les pièces de bois sont à risque, y compris la faîtière
- Les entraits, les chevrons, les pannes
- Les antiflambements (fermette) et les arbalétriers
- Les fiches et les contre fiches
Lire mon article sur le sujet des écarts de conduits
Le pire cas (et le meilleur) de figure : Le trilatte (ou caisson chevronné)
J’évoquerai en dernier lieu le cas des caissons chevronnés ou « trilatte », qui malheureusement, du fait de leurs singularités structurelles, sont un véritable casse tête en matière de départ de feu.
Avant propos :
Ces procédés sont rarement en cause dans les incendies. Les caissons chevronnés demeurent des procédés particulièrement fiables. Par conséquent, comment expliquer mon regard plutôt distant, en terme de départ de feu ?
Les rares cas de figures impliquant du trilatte, sur lesquels je suis intervenu, trouvaient leur origine dans la propagation d’un feu sur une charpente adossée ou mitoyenne, et/ou dans la présence d’un conduit de feu (un four à pizza en l’occurrence).
Paradoxe principal :
Le principal paradoxe, avec les solutions de couverture en trilatte ou « caissons chevronnés », tient au fait qu’ils prennent rarement feu. Ce qui, de prime abord est un excellent atout pour le procédé de toiture « tout en un ». Mais…
En revanche, le fait que le trilatte soit un « tout en un », comprenant structure autoportante, isolant, sous face et voligeage, lorsqu’un départ de feu se présente, il se propage et combure littéralement toute la structure.
Excellent coupe feu en sous face, le trilatte est extrêmement difficile à exposer au risque. Il est donc nécessaire que la cause soit entre la sous face et la volige.
Autrement dit, il est nécessaire que « l’étincelle » ait lieu directement dans la partie en polystyrène du caisson, ou qu’une braise vienne se poser en « sur-face » du trilatte (sous la tuile).
Les métiers directement concernés
Un certain nombre de métiers, donc de professionnels, ne peuvent se retrancher derrière l’ignorance de ces quelques règles sommaires, en matière de garde au feu.
- Electriciens (que ce soit pour les flux « élect » ou pour le sanitaire : VMC, etc.)
- Isolateurs (entreprises spécialisées dans l’isolation des combles ou des rampants)
- Charpentiers (bien que rarement en cause, plus généralement lors d’une rénovation ou de la pose d’un chevêtre par exemple)
- Fumistiers (au cœur du métier, ce sont naturellement les plus sensibilisés)
- Plaquistes (notamment pour les « cloches » et les spots encastrés) OU la réalisation des coffrage de cheminées
- Frigoristes (lorsqu’il s’agit de passer les liaisons frigo dans les combles)
- Installateurs de panneaux photovoltaïques (pour les éventuelles alimentations passant en combles)
Conclusion
Les départs de feu en comble impactent indéniablement la charpente.
Cette dernière est particulièrement exposée aux incendies, et ne dispose d’aucune protection naturelle particulière. Ce n’est pas seulement valable pour les charpentes en bois, mais également pour les structures métalliques.
Les cas les plus fréquents sont bien souvent engendrés (ou aggravés) par l’isolation, et notamment par son procédé de mise en œuvre.
Connaître, et savoir identifier les points que j’évoque tout au long de cet article, peut réduire drastiquement le risque. Que vous soyez artisan professionnel, ou simple particulier, suivez ces quelques règles de vigilance peut vous préserver d’un drame.
Les assureurs sont particulièrement « alertés » lors d’un départ de feu, sur le respect des règles de mise en œuvre. L’expert ne vous fera aucun cadeau, s’il constate que les écarts au feu ne sont pas respectés.
La pose des cloches, la réhausse des boites de dérivations ou plus simplement le respect des distances aux conduits peuvent vous épargner de longues et coûteuses procédures.
Le risque d’une perte de garantie décennale est grand pour les artisans, dans le meilleurs des cas, et si les dégâts ne sont que matériels. En cas de mise en cause, lors d’un drame plus important, ce sera évidemment du pénal.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN