Que signifie une reconstruction à l’identique après sinistre ? Quelles sont les règles de réparation en matière d’assurance, et d’indemnisation des assurés, suite à un sinistre de type dégât des eaux ou incendie ? Je vais tenter de vous expliquer, dans les grandes lignes, ce à quoi correspond exactement la réparation après sinistre.
Les travaux pris en charge pour une reconstruction à l’identique
La reconstruction à l’identique après sinistre suppose plusieurs principes simples :
- L’assureur ne peut pas prendre en charge une amélioration de l’existant
- Votre assurance vous doit, à minima, une reconstruction à l’identique donc des matériaux et procédés équivalents
- Vous ne pouvez pas transférer la destination de l’indemnité sur un support différent de celui qui est impacté
Sur le même sujet : Délai avant travaux suite à un sinistre
1 – Aucune prise en charge visant à l’amélioration après sinistre
Ce principe est simple. Il concerne tous les supports.
Une reconstruction à l’identique après sinistre signifie que vous ne pouvez pas exiger du STUCCO sur un mur simplement peint en acrylique. C’est un exemple évidemment. Dans ce cas il s’agirait d’une amélioration de l’existant, ce que votre assureur refusera catégoriquement de prendre en charge.
Si le bien assuré était simplement mis en peinture, l’assureur vous doit une remise en peinture, point. Et c’est clairement naturel et légitime.
En revanche, rien ne vous empêche de faire réaliser un STUCCO suite au sinistre, et ce, en ajoutant la somme supplémentaire nécessaire pour faire du stucco.
Pour être plus clair, voyons un exemple concret :
Votre dégât des eaux concerne 30 mètres carrés de peinture estimée à 800 euros. Si votre peintre vous demande 1200 euros alors il vous faudra ajouter 400 euros sur l’indemnité que votre assureur prend en charge.
Dans ce cas, les assurances ne s’opposent pas à une amélioration de l’existant, car l’indemnité reste calculée sur la base d’une simple mise en peinture. Vous pouvez décliner cet exemple sur tous types de prestations :
- Peinture
- Sols, carrelage, parquet
- etc.
Pour mieux comprendre, avec un second exemple : Si le sinistre a impacté vos sols, en parquet stratifié flottant, l’assureur vous remboursera un parquet stratifié flottant mais en aucun cas un parquet massif à coller.
2 – Reconstruction à l’identique
Un autre principe règne en terme de reconstruction à l’identique après sinistre : La prise en charge des supports anciens.
En effet, si votre logement est ancien, quelque peu vétuste, la prise en charge concerne les supports tels qu’ils se trouvaient avant le sinistre. En d’autres termes, si votre plafond était bosselé, grossièrement plâtré et que les corniches moulurées étaient craquelées de toute part, absolument rien n’oblige votre assureur à rendre votre plafond parfaitement plat et sans défauts.
Les défauts antérieurs au sinistre ne sont jamais pris en charge par l’assureur.
Un mur tordu restera tordu, un sol qui n’est pas de niveau restera tel quel. L’assureur ne prendra pas en charge un ratissage complet du support.
Cette règle est très claire, or, elle est mal appréhendée par les assurés qui imaginent que la reconstruction après sinistre va remplacer les défauts existants.
Il existe cependant des cas particuliers, et des exceptions à cette règle :
- Sinistre incendie : Dans ce cas, il est évident que les supports vont être mis à neuf, par exemple en placo. Or si les murs n’étaient pas doublés et isolés, encore une fois, rien n’oblige l’assureur qui ne vous « doit » pas l’isolant.
- Mise en conformité : Dans certains cas, lorsque les matériaux ou appareillages ne sont plus conformes, l’assureur prendra en charge une mise en conformité, donc une amélioration de l’existant, dans une certaine mesure.
- Coût moins important : Si la reconstruction à neuf est moins onéreuse que la reconstruction à l’identique, alors il est évident que l’assureur acceptera une amélioration de l’existant. Exemple pour des contre-cloisons en briques plâtrières, dont la réalisation sera plus onéreuse, que de monter un doublage placostyl isolé.
3 – Interdiction de déplacer l’indemnité sur d’autres supports que ceux impactés
Dans le cadre d’une indemnisation directe ou d’un gré à gré, vous faites ce que bon vous semble. L’assureur a respecté sa part du contrat et vous avez touché l’indemnité. Libre à vous d’en faire ce que vous voulez. Attention cependant, car si vous décidez de ne pas réparer le support, vous ne pourrez pas demander un nouveau dédommagement ultérieurement. Pour l’assureur, ce sinistre est clos.
Quand il s’agit de faire intervenir une entreprise partenaire, la règle est différente. Dans ce cas, il est strictement interdit de transférer le coût des travaux, donc de l’indemnité, sur un support différent de celui qui est impacté.
Pour vous donner un exemple plus parlant :
Si l’indemnité du sinistre concerne un plafond, vous devez faire réparer le dit plafond. Vous ne devez en aucun cas embellir un mur ou des sols dans la même pièce, ou dans un pièce différente. Si le sinistre porte sur le sol de la cuisine, et que l’assureur mandate une entreprise partenaire, cette dernière ne pourra pas intervenir sur le sol de la cuisine, et non sur celui de la salle de bain.
Aucune entreprise partenaire sérieuse n’acceptera de modifier une prestation mandatée par l’assureur. Elle risquerait de se voir rayée de la liste des entreprises partenaires.
En d’autres termes, une reconstruction à l’identique après sinistre concerne les supports d’une même paroi, dans une même pièce.
Vous pouvez tout à fait demander une moquette, en remplacement d’un parquet. Votre assureur ne s’y opposera pas si le coût est identique, et que cela concerne le support réellement impacté.
Reconstruction à l’identique après sinistre : Le bon sens
Il s’agit également de faire preuve de bon sens.
Bien souvent, les exigences des particuliers (ou professionnels) sont abusives. Lorsqu’il s’agit par exemple d’une couverture, et que seules quelques tuiles nécessitent un remplacement, il est légitime que l’expert ne prenne pas en charge la réfaction complète du toit.
S’il est nécessaire de remplacer une dizaine de tuiles, alors vous devez accepter une réparation partielle. De la même manière qu’il ne vous viendrait pas à l’esprit de remplacer votre voiture, pour un simple pneu crevé.
Les experts sont bien souvent face à ces volontés, non légitimes, des assurés. Sachez également que les experts ne chiffrent pas le montant des travaux « au hasard », ils se basent sur les prix réels du marché.
En revanche, ce qui marche dans un sens, marche également dans l’autre. Si le sinistre porte sur un revêtement de très haute qualité, vous ne devez pas accepter l’indemnisation, pour un revêtement de qualité inférieure.
Exemple :
Le dégât des eaux impacte un parquet massif en point de Hongrie. Vous ne devez pas accepter le remplacement par un stratifié courant. Ici, le montant de l’indemnité doit prendre en compte :
- Le coût d’un parquet massif très supérieur à un parquet stratifié
- Le tarif de pose de l’artisan pour une pose en point de Hongrie très largement supérieur au tarif de pose d’un parquet flottant
Reconstruction à l’identique signifie équivalence de matériaux et de qualité des prestations.
La REN : Réparation en nature
Il faut bien comprendre la notion de « réparation en nature » (REN). Ce terme est trompeur dans son énonciation. La réparation en nature est la doctrine en matière d’indemnisation suite à un sinistre, dégât des eaux ou incendie. Pour comprendre cette doctrine il faut retenir ceci :
Une réparation en nature consiste à redonner l’usage des biens de l’assuré, tels qu’ils étaient avant le sinistre, sans recourir à une indemnisation financière.
Par conséquent, il est plus facile de comprendre la notion de reconstruction à l’identique. L’assureur prend en charge l’ensemble des travaux pour permettre à l’assuré de jouir à nouveau de ses biens. L’assurance ne doit donc pas « moins » que la valeur réelle des travaux à effectuer, mais elle ne doit pas « plus ».
J’évoquais plus haut la notion de mise en conformité. Or, dans la plus pure acceptation des règles d’indemnisations, la mise en conformité devrait rester à la charge de l’assuré. C’est une largesse (tout à fait honorable) des assureurs dans leur relation avec leur clients. Ce qui est évidemment largement au bénéfice de l’assuré.
Vous pouvez naturellement demander des matériaux, couleurs, marques différentes si cela n’engage pas de coût supplémentaire !
L’indemnisation en matière immobilière
En matière immobilière (murs, sols, revêtements, peintures etc.), la vétusté ne s’applique généralement pas. Vous verrez la mention inscrite sur le rapport, mais elle n’est pas applicable. Elle sera considérée comme du « différé », ce sujet fera partie d’un article dédié.
L’indemnisation peut se faire sous trois formes distinctes :
- Le gré à gré : L’assureur vous indemnise selon un montant défini entre vous et lui
- L’assureur vous indemnise sur la base d’un devis d’un artisan et vous diligentez vous même les travaux
- L’assurance vous propose l’intervention d’une entreprise partenaire
Dans le cas du gré à gré, globalement, rien ne vous oblige à reconstruire à l’identique. Pour l’assureur le dossier sera clos car vous avez été indemnisé.
Dans le second cas, l’assureur vous versement un montant immédiat pour faire intervenir l’entreprise de votre choix. Vous recevrez le reste à réception de la facture de l’artisan.
Dans le troisième cas, vous n’avez absolument rien à faire, votre assurance prend tout en charge. Vous pouvez cependant choisir entre une délégation de paiement, ou un versement direct sur votre compte. La délégation est le choix le plus « pratique », dans ce cas vous n’avez strictement rien à anticiper.
Dans le cadre d’un bâtiment entièrement détruit
Fort heureusement plus rares, les cas d’une reconstruction complète peuvent se présenter. Dans ce cas, il est évidemment question de montant d’indemnisation mais également d’autorisation administrative.
Il apparait légitime, de prime abord, qu’une reconstruction totale soit à l’identique de l’existant.
La maison, ou plus généralement le « bien » détruit, ne saurait être remplacé par une construction résolument différente. Me Verdier-Villet nous donne un avis parfaitement clair dans son billet de blog, que je vous invite à lire (lien plus bas).
En revanche, il est ici intéressant de noter que la notion « identique » est à relativiser.
Au risque d’être répétitif, le chiffrage de l’expert, sur lequel se basera l’indemnisation, doit être le reflet précis de l’existant. Cependant, il est clair qu’au moment de la reconstruction, les matériaux mis en œuvre seront différents.
Exemple :
J’interviens pour une reconstruction suite à un sinistre incendie sur une maison dans le département 84. Les murs étaient doublés en brique plâtrière, les plafonds en nergalto, etc. Par conséquent j’établis mon devis avec les mêmes matériaux.
Cependant, lors de la reconstruction, l’assuré préfère passer sur un doublage BA13 Placo et des faux plafonds BA13 : C’est légal.
Dans ce cas, le budget n’est pas modifié, et la modification de prestation ne porte que sur la nature des matériaux, sans alourdir le montant de l’indemnité. Il peut en être de même pour des menuiseries extérieures en bois, vétustes, qui seront favorablement remplacées par du PVC, plus performantes en isolation.
Pour ce cas précis, ainsi que sur tous les éléments qui portent sur l’aspect extérieur du bien, les modifications devront être validées par l’urbanisme.
- Nature des menuiseries
- Teinte et nature des enduits
- Forme et modèle des tuiles
- Présence d’une véranda ou d’une loggia
- Etc.
L’expertise après sinistre
Les travaux se définissent sur la base du chiffrage de l’expert.
C’est l’expert d’assurance qui définit ce montant. Il ne chiffre pas les dégâts au hasard. L’expert prend en considération les tarifs réels du marché, selon le type d’ouvrage et la qualité des matériaux.
L’expert est un professionnel, il sait donc différencier un STUCCO d’une simple peinture, comme je l’ai évoqué plus haut.
Après un ou plusieurs passages sur le lieu du sinistre, l’expert établit un rapport chiffré. L’assureur se basera sur ce rapport pour établir le montant de l’indemnité. En conséquence, il est impératif pour l’expert de statuer sur une reconstruction à l’identique, étant tout à fait légitime de statuer sur l’existant.
Les marges de manœuvres sont cependant larges, rassurez vous. Reconstruire à l’identique ne signifie pas que tout doit être absolument pareil.
Cela signifie simplement que vous ne pouvez pas demander une indemnisation pour une piscine de 12 mètres, si elle ne fait que 8 mètres de long. Ou bien encore, vous faire indemniser un studio de jardin alors qu’il ne s’agissait que d’un cabanon en bois sommaire.
L’expert, par nature empathique, n’est pas là pour minimiser les dégâts, mais pour donner un rapport des pertes, le plus fidèle possible, à l’assureur.
Une fois les indemnités chiffrées, libre à vous de définir sur quels types d’ouvrages vous allez investir les sommes dues. Attention je le répète, ce n’est pas possible dans le cadre d’une REN : Réparation En Nature.
Lire également mon article sur l’après sinistre
Article en lien
Un article très intéressant est également disponible sur le site Village Justice. Rédigé par Me Emma Verdier-Villet, avocate, l’article aborde un aspect plus règlementaire et plus technique sur le plan juridique. Dans mon article, j’aborde ce qui est « d’usage », au sens des faits constatés sur le terrain.
Je vous invite à lire le billet de Me Verdier-Villet qui est tout particulièrement pertinent.
Lire le billet de Me Verdier-Villet sur la reconstruction à l’identique après sinistre
En conclusion :
Pour conclure cet article, le rendre plus intelligible, je souhaite le simplifier au maximum avec ces quelques raccourcis :
- Reconstruction à l’identique après sinistre = L’assureur doit se baser sur l’identique pour calculer l’indemnisation
- Vous n’êtes pas « tenu » de réaliser les travaux à l’identique, si l’assureur vous verse l’indemnité
- Aucune entreprise partenaire n’acceptera de modifier les travaux si cela concerne une réparation en nature
- A l’identique ne signifie en rien que tout doit être remis à l’identique, vous pouvez tout à fait changer les matériaux, couleurs, etc. Si le coût est supérieur, c’est à vous de financer la différence.
Merci pour vos lectures et bon chantier !
Serge USTUN
Crédits photos: Yan Krukau