Crise de la construction de maison individuelle : Le phénomène perdure.
En 2024, la France traverse une crise sans précédent dans le secteur de la construction de maisons individuelles.
Ce marché, qui a longtemps été un pilier pour les artisans, est confronté à une série de crises qui menacent sa stabilité et son avenir. Plusieurs facteurs, allant de la hausse des coûts des matériaux à l’évolution des attentes des consommateurs, ont convergé pour créer une tempête parfaite.
Augmentation des coûts des matériaux de construction
L’une des principales causes de la crise de la construction de maisons individuelles en France est l’augmentation des coûts des matériaux. Toutefois, c’est le principal élément mis en cause dans les reportages et les interviews.
Depuis la pandémie de COVID-19, les chaînes d’approvisionnement mondiales ont été perturbées, ce qui a entraîné une hausse des prix des matériaux de base tels que le bois, l’acier, le béton et les matériaux d’isolation.
Mais n’est-ce pas parfois exagéré ? La réponse est OUI.
La hausse de coût des matériaux a été longtemps utilisée comme simple prétexte, souvent non fondé, et ne justifie pas totalement les difficultés rencontrées par les constructeurs.
En 2024, cette tendance s’est intensifiée avec les tensions géopolitiques mondiales et les fluctuations des marchés financiers.
Selon les données récentes, le coût du bois a augmenté de plus de 20 % par rapport à l’année précédente, tandis que l’acier et le béton ont connu des augmentations similaires.
Pertinence de l’affirmation : Toute relative. L’augmentation du prix des matériaux est souvent exagérée.
Nouvelles règlementations environnementales
Les nouvelles réglementations environnementales, notamment la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), imposent des normes plus strictes en matière d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de carbone pour les nouvelles constructions.
Si ces normes sont essentielles pour lutter contre le changement climatique, elles ont également ajouté une pression supplémentaire sur les constructeurs.
Les coûts de mise en conformité avec ces nouvelles exigences, tels que l’isolation améliorée et les systèmes de chauffage écoénergétiques, ont augmenté le coût de construction d’une maison individuelle, rendant ces projets moins attractifs pour les consommateurs.
- Augmentation significative des « R » en sol, parois et plafond (Résistance Thermique)
- Nécessité d’utiliser des matériaux biosourcés
- Utilisation de « renouvelable » dans le mix énergétique qui alimente la maison (Photovoltaïque, pompe à chaleur, thermodynamique etc.)
Pertinence de l’affirmation : Oui, la règlementation est largement en cause. Mais est-ce un mal ?
Accès restreint au crédit immobilier
En 2024, l’accès au crédit immobilier s’est considérablement restreint en raison de l’augmentation des taux d’intérêt et de la prudence accrue des banques.
Avec des taux d’intérêt plus élevés, les prêts hypothécaires sont devenus plus coûteux pour les acheteurs potentiels. De plus, les banques ont renforcé leurs critères de prêt, ce qui a rendu plus difficile pour de nombreux ménages d’obtenir un financement pour la construction de nouvelles maisons.
Actuellement, la dynamique est plutôt à la baisse des taux (voir lien ci-dessous) mais au durcissement des conditions de prêts.
Cette restriction de l’accès au crédit a entraîné une diminution de la demande de nouvelles constructions.
Pour 2024 et 2025 les économistes annoncent une baisse des taux, certes. En revanche, même si les taux sont sur une dynamique à la baisse, les accords de prêts quant à eux sont en chute libre.
Article de « CAPITAL » sur les taux de crédits immobiliers et leur dynamique.
Pertinence de l’affirmation : Evident.
L’accès au crédit est un frein à la construction. Un effet néfaste de ce frein peut diriger les ménages vers des solutions plus précaire qu’intéressantes. C’est un risque non mesuré et potentiellement délétère.
Changement des préférences des consommateurs
Les préférences des consommateurs évoluent également.
Avec la prise de conscience croissante des questions environnementales et la recherche de modes de vie plus durables, de nombreux Français se tournent vers des logements plus compacts, partagés ou collectifs.
Certains se tournent vers la rénovation de bâtiments existants plutôt que vers la construction de nouvelles maisons individuelles.
Les maisons individuelles, souvent situées en périphérie des grandes villes, sont perçues comme moins attractives en raison des besoins de transport accrus qu’elles impliquent.
Ce « rêve » pour certains et parfois un cauchemar pour d’autres.
Dans « l’entre deux », se développent de nouvelles « solutions » très marginales, qui ont pourtant le vent en poupe.
- Maisons containers
- Tiny Houses
- Extensions ou habitats modulaires
- Etc.
Ces nouveaux usages sont à étudier de près, car même s’ils font rêver, ils ne sont pas dépourvus de défauts, tant structurels qu’en terme de pérennité.
Impacts de la crise sur les acteurs du secteur
Constructeurs et promoteurs immobiliers
Les constructeurs et les promoteurs immobiliers sont les plus directement touchés par la crise de la construction de maison individuelle.
Avec la baisse de la demande pour les nouvelles constructions de maisons individuelles, de nombreuses entreprises du secteur sont confrontées à une réduction significative de leur activité.
Cela a entraîné des licenciements, des réductions de personnel, et dans certains cas, la faillite de petites entreprises.
Les grandes entreprises, bien que plus résilientes, ont également dû revoir leurs stratégies, en se concentrant davantage sur la rénovation et la construction de logements collectifs.
Pour BATIACTU, il s’agit d’une véritable « Descente aux enfers ». Le magazine ne nuance pas ses mots et décrit une situation catastrophique pour les CMistes (Constructeurs de Maisons Individuelles).
Quelques chiffres : (Source Batiactu)
- – 9,4 % de permis de construire délivrés
- – 25 % de baisse en comparaison avec l’année précédente
Lire l’article de BATIACTU sur le premier trimestre 2024.
Crise de la construction de maison individuelle : Impact sur l’emploi
La crise de la construction a également un impact majeur sur l’emploi.
Le secteur de la construction (BTP plus généralement) est l’un des plus grands employeurs du pays. La réduction de l’activité dans la construction de maisons individuelles a entraîné, ou va entraîner une augmentation du chômage.
Les artisans, les ouvriers de la construction, les architectes, et d’autres professionnels liés à ce secteur ressentent les effets de cette crise, avec des pertes d’emploi et une précarisation accrue de leurs conditions de travail.
L’impact sera plus visibles sur les process industriels tels que :
- Fabrication des charpentes industrielles (fermettes).
- Fabrication et pose des systèmes de chauffage au sol (difficiles à mettre en œuvre en rénovation).
- Industrie de la brique : A la fois pour la brique de construction mais également les tuiles en terre cuite.
- Marchands et négoces de matériaux spécialisés pour le neuf.
Consommateurs et ménages
Les consommateurs sont également touchés par cette crise.
Avec la hausse des coûts de construction et les restrictions d’accès au crédit, il est devenu plus difficile pour de nombreux ménages de réaliser leur rêve de posséder une maison individuelle.
Cette situation a exacerbé les inégalités, car seuls les ménages les plus aisés peuvent encore se permettre de construire de nouvelles maisons.
En conséquence, beaucoup se tournent vers le marché de la location ou choisissent de rénover des biens immobiliers existants, ce qui peut également être coûteux et compliqué en raison des réglementations environnementales.
Conséquences Économiques et Sociales
Ralentissement économique
Le ralentissement de la construction de maisons individuelles a des répercussions sur l’économie française dans son ensemble.
Le secteur de la construction est un moteur important de l’économie, et sa contraction peut entraîner un ralentissement économique plus large.
Moins de nouvelles constructions signifie moins d’achats de matériaux, moins de contrats pour les sous-traitants, et moins de consommation dans les secteurs connexes tels que les produits accessoires à la construction :
- Terrasses, dalles.
- Piscines et accessoires.
- Clôtures et éléments de fermeture extérieurs.
- Tonnelles, Carports, etc.
- Tout l’univers du jardin.
Impact sur le marché de l’immobilier
Le marché immobilier est également affecté par cette crise.
Avec moins de nouvelles maisons disponibles, l’offre sur le marché de l’immobilier est réduite, ce qui peut entraîner une augmentation des prix de l’immobilier existant.
Cela pourrait rendre le logement encore moins accessible pour les ménages à revenu moyen ou faible, exacerbant les problèmes de logement déjà existants dans de nombreuses régions de France.
La raréfaction des constructions individuelles neuves peut, par effet de rebond, avoir un impact sur la hausse du prix dans l’ancien.
Impact social
La crise de la construction de maisons individuelles en France a également des implications sociales importantes.
L’accession à la propriété a longtemps été un rêve pour de nombreux Français, symbolisant la stabilité et la réussite économique. La difficulté accrue d’atteindre ce rêve peut entraîner une frustration croissante et un sentiment de précarité chez les jeunes ménages et les familles.
En outre, le ralentissement de la construction dans les zones rurales et périurbaines pourrait exacerber le déclin de ces régions, accentuant les déséquilibres territoriaux.
Solutions et perspectives d’avenir
Encourager la construction durable
Pour surmonter cette crise, il est essentiel d’encourager la construction durable.
Cela implique non seulement de respecter les normes environnementales, mais aussi d’innover dans la conception et la construction de maisons qui répondent aux attentes des consommateurs.
Le développement de maisons à faible impact environnemental, utilisant des matériaux écologiques et des technologies de construction innovantes, pourrait aider à relancer le secteur.
En revanche, cette volonté de construire durable est intimement liée aux coûts des matériaux, souvent plus onéreux dans ce segment.
Assouplir l’accès au crédit
Un autre levier potentiel est l’assouplissement de l’accès au crédit.
Les autorités financières pourraient envisager de réévaluer leurs critères de prêt pour faciliter l’accès au crédit immobilier, en particulier pour les primo-accédants.
Pour tous les spécialistes du secteur, ce levier est clairement la seule solution pour sortir de la crise de la construction de maison individuelle en France.
Des taux d’intérêt plus bas et des conditions de prêt plus favorables pourraient stimuler la demande de nouvelles constructions.
Favoriser la rénovation et la réhabilitation
La rénovation et la réhabilitation de l’immobilier existant devraient être encouragées comme une alternative viable à la construction de nouvelles maisons individuelles.
Ces initiatives non seulement préservent le patrimoine bâti, mais elles peuvent également être plus respectueuses de l’environnement et moins coûteuses.
Des incitations fiscales et des subventions pourraient être mises en place pour encourager les propriétaires à rénover plutôt qu’à construire de nouvelles maisons.
Repenser l’urbanisme et l’aménagement du territoire
La crise de la construction de maison individuelle appelle au questionnement.
Un réexamen des politiques d’urbanisme et d’aménagement du territoire pourrait être nécessaire pour répondre aux changements dans les préférences des consommateurs et les réalités économiques actuelles.
Encourager des formes de logement plus denses et des quartiers mixtes pourrait non seulement réduire l’empreinte carbone, mais aussi créer des communautés plus vibrantes et résilientes.
Le principal risque de cette crise est de voir les ménages se tourner vers des constructions marginales, telles que les maisons containers et les Tiny Houses.
Ces constructions posent cependant plus de questions qu’elles ne proposent de réelles réponses :
Conclusion
La crise de la construction de maisons individuelles en France en 2024 est un vrai sujet.
Cependant, avec des stratégies réfléchies et une adaptation aux nouvelles réalités économiques et environnementales, il est possible de transformer cette crise en une opportunité de renouvellement et de croissance durable pour le secteur.
Les solutions résident dans l’innovation, la flexibilité financière et un engagement envers des pratiques de construction plus durables et inclusives.
Delphine Giroud, journaliste et analyste de la construction.
Article invité pour Monbatiment.fr : Delphine Giroud, Analyste construction (CAA) Dijon.