La reprise en sous oeuvre est un domaine noble dont le but est de préserver ce pour quoi les assurés ont travaillé toute leur vie : Leur maison.
Il agrège ce que la France compte de plus brillants intervenants, les ingénieurs structures, les bureaux d’études, et les opérationnels. Ces derniers étant sous le regard bienveillant et décisionnaire des experts IRD dont on salue le travail au quotidien.
En revanche, et même si je suis intimement persuadé que ce format est honorable et vertueux, je prédis que le schéma va dégringoler dans les 5 années à venir.
Les « majors » vont entraîner avec elles les seules entreprises réellement compétentes du secteur, dans ce qui s’annonce comme un tsunami de malfaçons et d’incompétence généralisée.
Il en résultera une fuite vers l’avant des donneurs d’ordres qui n’accepteront plus le seul coût d’une prise en charge, mais les déboires des malfaçons à venir. C’est inéluctable.
Avant propos
L’après sinistre est un domaine que nous maîtrisons au sein de la rédaction. C’est notre terrain de jeu. Et si j’utilise le terme de « jeu » pour désigner cette discipline, c’est que trop de « majors » de l’après sinistre prennent nos actions pour une discipline amusante, peu sérieuse, mais non moins très lucrative.
Cependant, comment imaginer que ces mêmes « majors » de la rénovation de l’après sinistre se lancent dans la RSO (Reprise en Sous Oeuvre) alors même qu’elles sont inondées de réclamations quotidiennes pour de la mise en peinture simple en dossier de fréquence ?
Tout ceci, et je l’avais déjà relevé dans un précédent article, est jugé à l’aune d’une vaste plaisanterie des entreprises « leaders » du secteur qui inaugurent, par leur volonté de faire de la RSO, un immense champ de bataille à venir.
Quand on ne peut pas gérer la mise en peinture d’un salon, on ne se lance pas dans la RSO. J’avais alerté sur ce sujet il y a déjà deux ans.
Je donne 5 ans aux « majors » du secteur pour emporter dans leur faillite les seules « niches » sur lesquelles elles étaient encore bénéficiaires. Autrement dit, elles vont balayer d’un doigt ce qu’elles ont construit d’une main.
Qu’est-ce que la RSO : Reprise en Sous Oeuvre ?
La reprise en sous œuvre (RSO) est la discipline du bâtiment qui gère la consolidation du bâti (fondations, murs, dalles, etc.) lors d’un mouvement de terrain. Principale cause : La sécheresse.
Le retrait et le gonflement des argiles (RGA) est souvent incriminé mais il y a deux nombreuses autres causes possibles comme par exemple, un sous dimensionnement des matériaux.
Il peut également s’agir d’une reprise ou consolidation suite à un séisme, ou bien suite à une explosion (exemple de la rue Tivoli à Marseille).
Lire mon article sur la reprise en sous oeuvre.
Pourquoi la faillite de la reprise en sous oeuvre est inévitable ?
Les majors qui investissent le segment de la reprise en sous oeuvre, aujourd’hui, font ce qu’elles ont toujours fait. Elle recrutent et improvisent. Or elles recrutent d’une part des « sachants » qui sont nécessairement issus d’autres entreprises, ou bien des jeunes diplômés qui devront faire leurs armes.
Elles ne forment pas en interne, et donc, elles sont systématiquement balancées entre celui qui dit qui y est, et celui qui ne coûte pas grand chose mais qui n’a jamais fait ses preuves.
Autrement dit : De l’intérim amélioré.
Pour la « barbouille » ça peut passer, mais pour de la RSO, c’est un challenge dangereux.
Pour correctement exécuter une reprise en sous oeuvre il faut disposer de 3 éléments :
- Un ingénieur solide, aguerris, et pédagogue.
- Un conducteur de travaux pointu, aiguisé, et rompu à l’exercice.
- Une équipe d’intervenants infaillibles, et le bon matos !
Ces 3 éléments, les majors n’en disposent pas. Elles exercent une méthode bien rodée, le métreur en peinture de la veille deviendra le spécialiste en RSO du lendemain après une visio explicative de 45 minutes sur WhatsApp.
C’est très exactement comme cela que ça va se passer.
Et quand bien même il s’agit de recruter un ingénieur, ce dernier ne sera jamais meilleur que le plus faible de ses collaborateurs : La norme en après sinistre.
A cela, il faut ajouter la structure, les bureaux, le « level » de ses assistants, et plusieurs dizaines de milliers (centaines plutôt) de matériel. Camions bennes, foreuses, fonceuses, pénétromètres, outils d’injection, mécanicien spécialisé, etc.
Or, rien de cela n’est dans l’ADN des majors. Elles vont donc faire ce qu’elles savent faire le mieux : Déléguer aux sous traitants.
Bonjour les ennuis.
Qui est le maillon faible ?
Le maillon faible c’est le process. L’incapacité à se remettre en question et à donner aux talents les outils de leurs ambitions communes, en interne.
Dans toutes les entreprises que j’ai audité la fracture est la même.
On vous charge de plusieurs millions d’euros de CA et de responsabilités, mais on ne pousse pas les murs. Vous devrez oeuvrer en RSO, comme vous oeuvrez en recherche de fuite. D’ailleurs, très rapidement on vous fera comprendre que ce serait « top » si vous pouviez faire les deux. Si par bonheur, vous pouviez vous même aller changer deux ou trois tubes de PER alors la boucle serait bouclée.
Vous riez ? Et bien c’est très exactement la politique interne de presque toutes les entreprises spécialisées en après sinistre.
Un désastre intellectuel autant qu’une hérésie stratégique.
Quand par bonheur, vous n’êtes pas soumis au bon vouloir d’une assistante aux achats, ou d’une responsable qui pense que mettre du wedi au sol dans un salon est une bonne idée, alors vous arriverez peut être à reprendre un poteau de jardin en sous oeuvre. Bravo.
La RSO implique d’immenses et indispensables connaissances, et du matériel coûteux. Ce qui indirectement implique que toute malfaçon sera plus coûteuse encore : Pour les assureurs.
Quel modèle doit-on adopter face à une RSO ?
Le modèle est simple. Former. Former. Former.
Les entreprises sérieuses spécialisées en après sinistre forment leurs collaborateurs en interne. Elles développent leurs compétences en interne. Elle font monter en compétence leurs collaborateurs fiables pour éviter qu’ils n’aillent dans une entreprise concurrente au risque de perdre cette connaissance indispensable.
Certaines entreprises spécialisées, très rares, sont sur ce modèle d’action, comme COREN par exemple.
Alors qu’en est-il de la voie à suivre ?
Et bien la réponse est simple : S’adresser aux BE, aux maîtres d’oeuvres expérimentés, aux contractants sérieux qui maîtrisent l’ingénierie structure tout autant que la conduite de travaux. Ces derniers ne promettent rien d’autre que ce qu’ils savent faire par excellence : Diriger un chantier.
Le rôle des « majors » dans le domaine de la RSO ?
Les entreprises spécialisées en après sinistre à fort volume et faible enjeu doivent se désintéresser de ce sujet au risque de le vicier.
Lire mon article sur le sujet des entreprises après sinistre.
Un processus intellectuel inexistant
Lorsque je suis arrivé a Marseille pour ma prise de poste, j’ai dû aller aider un collaborateur, peintre, pour déposer du parquet massif à l’aide d’un « burin » de cordonnier. Outillage inadapté, maque de vision globale des chantiers, non respect des métiers : C’est du vécu, et j’étais directeur.
Effrayé par ce « process » qui semblait n’inquiéter personne, j’ai mis de l’ordre dans tout cela, mais j’ai perdu ce précieux collaborateur qui visiblement était à bout. J’ai développé le CA, et élargi les domaines de compétences mais c’est ici que tout à commencé à bloquer. Une assistante aux achats incompétente décidait de mes fais et gestes, au point de devoir me battre pour une imprimante A3 ou un pointeur laser vert. Or je développais près de 2.4 millions d’euros de CA. Est-ce risible ? Oui.
C’est le processus intellectuel qui manque aux majors de l’après sinistre. Elles sont toutes, sans exception, issues de la décontamination (nettoyage) et ne comprennent pas l’essence même du bâtiment : Les hommes de l’art, et leurs outils adaptés.
Une entreprise qui souhaite faire de la charpente doit avoir un échafaudage, et un charpentier. Le peintre, quant à lui, doit exercer son art en peinture. A chaque ouvrage, son homme de l’art.
Les majors n’intègrent pas ce postulat, soit elles essaient avec ce dont elles disposent en interne, autrement dit un burin de cordonnier, soit elles sous-traitant. Or, là encore, avant de trouver le bon sous-traitant, combien de chantiers seront « bâclés ». En RSO, cela ne pardonnera pas !
En peinture, ça passe. En reprise en sous oeuvre, c’est la faillite garantie. Il est question de centaines de milliers d’euros par dossier, en cas de malfaçon, les donneurs d’ordres vont rapidement tourner les talons.
Les donneurs d’ordres vont tourner le dos à la RSO
La RSO est un sujet délicat. La raison est simple, c’est à la fois un sujet d’une grande technicité et un enjeu financier important sur chaque dossier. S’il est assez facile et peu coûteux de réaliser des agrafages pour reprendre des fissures sur les murs porteurs, il est beaucoup plus compliqué de renforcer les fondations.
L’injection de résine, longtemps mise en avant comme une solution miracle (et cependant très coûteuse) montre aujourd’hui chaque jour ses lacunes.
Dès lors, il est légitime d’imaginer que tôt ou tard les assureurs vont se détourner du problème en refusant de garantir le risque. Si les méthodes sont déjà défaillantes alors qu’elles sont mises en œuvre par des spécialistes, imaginez le désastre lorsque ce seront les « Réneurs » (REN = Réparation en Nature) qui vont investir le sujet : Une hécatombe à venir !
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.