Au vu des nombreuses crises qui ont secoué le secteur, se mettre à son compte dans le bâtiment peut sembler risqué. Pourtant, en France ce sont 729 000 entreprises enregistrées dans le BTP dont 96% sont constituées de moins de 9 salariés (Source: Observatoire des métiers du BTP).
72% d’entre elles sont des artisans solo et les chantiers sont là. Que ce soit en rénovation énergétique, en amélioration de l’habitat ou en après sinistre les opportunités sont nombreuses et locales. Autrement dit, les chantiers sont non délocalisables et vous tendent la main.
Se mettre à son compte dans le bâtiment:
Quels sont les secteurs les plus propices pour se lancer ? Quelles sont les démarches ? Autant de questions auxquelles je vais tenter de vous répondre appuyé de ma propre expérience et des retours de mes partenaires. Pour couper court au suspens, je peux déjà répondre clairement à cette question que tout futur entrepreneur se pose: est-ce toujours une bonne idée de se mettre à son compte dans le bâtiment ?
La réponse est clairement OUI.
Attention cependant à ne pas se tromper dans la formulation. Dans cet article je ne vous dis pas: « Comment se mettre à son compte dans le Bâtiment » quand on est comptable, boulanger, ou coiffeur. Rien de péjoratif sur ces derniers métiers. Le sujet concerne les personnes déjà formées et qualifiées.
Je n’expliquerai pas ici l’intérêt essentiel (sauf pour quelques autodidactes passionnés) d’être issu du bâtiment, d’une filière bâtiment, d’un CAP, d’un BEP.
Bref vous l’aurez compris, je m’adresse dans cet article à ceux qui connaissent déjà le bâtiment. Ouvriers, employés, apprentis ou cadres qui ont œuvrés dans le domaine et qui sauront instinctivement faire face aux difficultés. Car le biais façon « buzz » des récits enchanteurs du cadre de la finance qui se lance en tant que plombier est trop vite emprunté (et faux).
Ce ne serait pas honnête d’aller dans ce sens auprès de mes lecteurs.
Je n’ai pas à souligner ici que les métiers du bâtiment quels qu’ils soient sont des métiers difficiles.
Après cette dure période de COVID, en pleine inflation (nous sommes au 1er semestre 2023) et avec une crise du logement en vue, créer son entreprise dans le bâtiment reste une valeur sûre.
A consulter: Chiffres clés du BTP par Dataviz
Créer son entreprise artisanale: Le potentiel est énorme
L’activité est là, très clairement. Je n’ai jamais vu un artisan sans carnet de commande plein depuis plus d’une décennie. Mais pour garder ce flot constant d’affaire il faut que vous soyez très clairement positionnés tant en terme de choix de prestations, que de qualité.
Si vous démarrez votre activité j’imagine que vous êtes au fait des dernières techniques dans vos corps d’activités respectifs. Veillez à garder un œil sur les évolutions (produits nouveaux, nouvelles tendances etc.).
N’allez pas vous spécialiser dans le « granito » sauf si vous décrochez un contrat dans des immeubles de collectif par exemple. Etablissez une stratégie.
Tentez de proposer ce que les plus anciens sont réticents à tester:
- L’ITE (Isolation Thermique Extérieure)
- Construction en béton cellulaire
- Photovoltaïque,
- Bétons décoratifs
- Planchers légers
- Ossature bois
- etc.
Ce sont quelques exemples parmi les nombreuses niches d’activités en plein développement quand on souhaite se mettre à son compte.
Autant de « niches » qui vous démarqueront en tant que créateur d’entreprise artisanale.
Soyez toujours irréprochable. En cas de baisse d’activité, celles et ceux qui sont irréprochables ne sont jamais touchés. Et j’ose espérer que vous visez la place des premiers.
Un bon maçon, un bon carreleur, charpentier ou peintre, aura toujours un carnet de commande plein dès lors qu’il a du cœur à l’ouvrage et qu’il maitrise son sujet.
Première affirmation: Se mettre à son compte dans le bâtiment en 2023 ou 2024 est indéniablement un défi et indéniablement une valeur sûre (Ndlr Serge USTUN).
Soyez précis dans votre approche: Ciblez vos chantiers
Définissez clairement votre secteur géographique. Quelle sera votre zone de travail ?
Plus vous irez loin, plus ce sera risqué (route, charges, météo.. ) même si je vous comprends, au début de toute activité on veut prendre tous les chantiers.
Réfléchissez bien à votre secteur d’intervention et posez vous des limites de trajet. Si vous y êtes contraint, alors valorisez vos déplacements clairement sur vos devis, avec une ligne dédiée au transport.
Ciblez également vos prestations. Votre « niche » d’activité. Je ne vous dis pas de vous cantonner à une seule niche. Bien au contraire. Nous évoquons le parcours de ceux qui souhaitent se mettre à leur compte et dans le bâtiment cela sous entend matériel, matériaux: Achats ! Evitez donc de vous éparpiller.
Cibler son cœur d’activité et son secteur géographique sont une clé pour réussir comme artisan
Si vous ouvrez trop large le champs de vos activités, vous devrez assumer. Ainsi il vous faudra une circulaire le lundi, une défonceuse le mardi, une scie radiale le mercredi, un poste TIG ou MIG le jeudi et une table d’assemblage le vendredi.
Impossible pour un jeune créateur d’entreprise, ce serait trop de frais à engager. A chaque nouveau chantier capitalisez sur du nouvel outillage mais toujours en rapport avec le même métier. Dans le cas contraire vous ferez tout, mais vous le ferez mal ou à perte.
Les métiers traditionnels du bâtiment ne sont jamais en crise (pour une entreprise de taille humaine):
- Maçonnerie
- Charpente et couverture
- Zinguerie
- Plâtrerie & Peinture
Le point sur vos compétences propres: L’homme de l’art
Sachez analyser vos compétences, les enjeux, les défis. Refusez les chantiers qui vous semblent ingérables à votre niveau, (soit par acquis de compétence, soit par la volumétrie et le manque de personnel dont vous auriez besoin). Vous les accepterez plus tard, dans de meilleurs conditions et quand vous serez mieux entouré.
Savoir dire « non » à un client pour un chantier dont vous doutez est une qualité. L’homme ou la femme de l’art doit savoir où commencent et où finissent ses compétences. C’est encore plus vrai quand vous démarrez comme jeune créateur d’entreprise.
Quand on à décidé de se mettre à son compte dans le bâtiment on veut prendre tous types de chantiers: C’est une erreur.
Quelle clientèle allez vous cibler ?
Ce chapitre à lui seul mériterait un article complet.
Encore une fois posez vous, et réfléchissez. Particuliers ? Professionnels ? Longtemps décrié, la sous-traitance est un excellent tremplin les premières années. Cela vous assure un carnet de commande régulier et sûr.
Nul besoin de démarcher et de vous battre sur les devis. Tous ceux qui vous prétendent que la sous-traitance est une hérésie ont tort. Même les « gros » artisans en place continuent à prendre des chantiers en sous-traitance quand bien même ils ne le disent pas.
Encore une fois il est important de faire la part des choses, vous ne serez bientôt plus salarié, il faudra remplir votre carnet de commande.
N’hésitez donc pas à vous rapprocher des « gros » donneurs d’ordres. Les entreprises qui ont pignon sur rue et qui pourront combler vos plannings.
Lire mon article sur la sous-traitance et ses limites: Suivre le lien
Prendre conscience des contraintes
Se mettre à son compte dans le bâtiment ce n’est pas prendre des vacances.
Si par « égo » mal placé vous pensez qu’être entrepreneur c’est être libre vous vous trompez. Vous êtes entrepreneur donc lié à vos clients. Qu’ils soient des particuliers ou des professionnels. A vous de sortir votre épingle du jeu et vous rendre indispensable.
Si toutefois vous souhaitez axer votre activité sur les particuliers, alors vous devrez être rapide et vif dans la rédaction de vos devis. Avoir un vivier de départ. 2 voir 3 ou plusieurs autres chantiers vont vous mettre le pied à l’étrier selon vos besoins en trésorerie. Cela va vous permettre de vous faire connaître par le « bouche à oreille » qu’on appellera plus volontiers « la recommandation ».
Si vous décrochez un chantier chez le particulier, soyez professionnel jusqu’au bout des ongles. Protégez les sols, les abords, soyez à l’heure tapante. Arrêtez vous entre 12h et 14h : les gens déjeunent, les voisins déjeunent. Taper du marteau piqueur à 12H30 n’est jamais bon si on souhaite se faire apprécier.
Soyez professionnel, et bientôt tout le voisinage viendra vous solliciter. J’écrirai un article uniquement dévolu à ce sujet.
Vous devenez patron, soyez professionnel jusque dans votre tenue !
Le choix d’un statut:
Sur ce point je resterai très lacunaire car il doit y avoir autant d’articles sur le statut d’artisan que d’artisans en France. Donc renseignez vous soit chez un comptable, soit auprès de gens qui ont réussis.
Quel que soit votre statut ce n’est pas ce critère qui va définir si vous vous lancez ou non.
Si votre projet est de vous mettre à votre compte dans le bâtiment, il faut accepter que le choix du statut sera un point de réflexion, mais pas une condition.
Un statut se modifie, rien n’est figé.
Il n’y a aucune honte à démarrer son activité en auto-entrepreneur et considérer la suite selon la progression financière et sociale de votre entreprise. Dans tous les cas, consultez un expert comptable.
Vos besoins pour démarrer:
Une question qui a toute son importance.
Quels sont mes besoins pour démarrer ? Certains métiers du bâtiment ne demandent que peu d’apport. En général ce sont le métiers très techniques (paradoxalement).
Se mettre à son compte dans le bâtiment c’est aussi comprendre qu’on devient patron. Il faudra très certainement y mettre du vôtre. Votre propre outillage, votre propre véhicule. Un plombier ou un électricien pourra débuter avec presque rien. Un perfo, 2 ou 3 forets, de l’outillage courant, un combi gaz et le tour est joué.
Plus tard vous aménagerez un véhicule dédié et propre, avec tout le matériel nécessaire mais rien ne vous empêche de démarrer « à zéro ».
Pour un maçon, un charpentier le problème est tout autre. Un camion benne, une grue, une pompe, des tronçonneuses à béton ou bois, de quoi stocker (je reviendrai sur le stockage qui est une vraie plus value). Par conséquent les besoins vont être différents selon si vous êtes électricien ou charpentier.
Pour vous mettre à votre compte, ce qu’il vous faut c’est de la « trésorerie » ! De la trésorerie, qui vous donnera de quoi subsister le temps de la montée en charge de votre entreprise.
Vous n’êtes plus salarié, fini le salaire tous les 30 du mois. C’est sur ce point qu’il faudra mettre le paquet. Si vous êtes aux abois, le client le verra, les prix seront discutés et vous prendrez n’importe quel chantier même non rentable à 200kms de chez vous.
Le résultat sera sans appel: dépôt de bilan.
Ces dernières années le statut d’auto entrepreneur est devenu incontournable. Ce dernier vous permet de débuter votre entreprise en gardant l’ARE par exemple. Une bonne voie à explorer pour les jeunes créateurs d’entreprises qui souhaitent se garder une poire pour la soif. Vous aborderez vos chantiers plus sereinement. Un excellent article traite de ce sujet ici
Vos besoins pour réaliser vos devis en auto-entrepreneur
Vieux camion oui, camion sale non:
La première approche avant même de mettre les mains dans le PF3 c’est l’image que nous donnons en tant qu’artisan.
N’oublions pas que les artisans d’aujourd’hui descendent des maîtres artisans d’un lointain passé qui étaient recherchés pour leur savoir et leur compétences. Alors cette image du vieux camion prend son sens. On vous pardonnera volontiers un vieux Kangoo, mais on ne vous pardonnera pas une tenue sale et un comportement inadapté.
Votre véhicule doit être blanc. Pas jaune (la poste), pas noir, pas bleu (EDF): Blanc ! Quand votre entreprise aura pignon sur rue et que vous serez connu au niveau national vous pourrez vous permettre des excentricités.
La première et/ou la seconde année ne faites pas floquer votre véhicule. Déjà cela vous permettra de ne pas vous le faire voler (tous les voleurs savent que les artisans ne déchargent pas leur électroportatif le soir) et cela vous permettra de travailler en sous-traitance pour plusieurs entreprises. Bien souvent elles n’acceptent pas les véhicules logotés. C’est compréhensible.
Lorsqu’on a décidé se mettre à son compte dans le bâtiment il est naturel de vouloir faire de la « pub » mais gardez ça en tête. Vos outils le valent bien !
Votre tenue devra être blanche pour un peintre, propre, tee-shirt blanc sans marque, marron/noir pour un charpentier, un maçon, bluejean pour un plombier, verte pour un paysagiste etc.
Respecter ces codes signifie que nous avons conscience de nos acquis, de notre métier et que par conséquent nous sommes là pour faire notre travail. La tenue comme première approche avec vos clients est essentielle, primordiale. Si vous passez sur cet élément vous dénigrerez vos propres capacités à passer (être) pour un professionnel.
Être proche de ses fournisseur:
Je n’ai trouvé aucune mention pendant mes recherches pour structurer ce dossier sur la relation avec nos fournisseurs. Mais c’est pourtant si simple.
Quand on démarre, qui peut être de meilleur conseil que celui qui « deal » au sens vertueux, la quasi totalité des produits qu’on utilise chaque jour pour mener à bien nos chantiers ? Nos fournisseurs !
En effet, ces derniers sont la pierre angulaire de l’entrepreneur tant dans sa démarche de création que pour assoir son activité sur la pérennité. Le fournisseur est avant tout un garde fou qui connaît ses produits. Il peut apporter des solutions techniques et/ou financières, étant le premier de cordée des produits que nous mettons chaque jour en œuvre.
Un bon relationnel avec vos fournisseurs est une carte maîtresse à jouer. N’ayez pas d’ego mal placé quand vous êtes face à une difficulté technique et faites ouvertement intervenir les industriels. Votre client vous remerciera, vous en sortirez grandi.
En tant qu’artisan votre premier collaborateur est votre fournisseur ou négoce.
En conclusion:
En 2023 se mettre à son compte dans le bâtiment est aussi sûr et pérenne qu’en 2013 ou en 2003. Car c’est à vous de forger votre destin avec du professionnalisme, de la détermination et de l’assiduité.
Les chantiers sont là eux. Ils ne disparaîtront pas demain, et attendent l’artisan qui les mérite. Soyez bon, soyez pro, soyez honnêtes et votre montée en charge prendra deux ou trois mois maximum.
Les 2 premières semaines déjà les gens viendront vous questionner, car ils vous auront observés. L’heure tapante, le respect du client et du voisinage, la propreté, le cœur à l’ouvrage, et la mise en œuvre irréprochable quel que soit le prix payé. En moins de six mois vous serez « overbooké » si vous suivez à la lettre ces recommandations.
Alors bon vent jeunes gens, nous avons aujourd’hui besoin de compétences, à vous d’en faire votre métier.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN