L’autoconstruction a le vent en poupe, c’est un constat. Les autoconstructeurs se regroupent, se renseignent et sont de plus en plus nombreux à vouloir gagner en maîtrise et en autonomie.
Tout comme leur nombre, leur savoir-faire augmente également considérablement et pour cause : L’information et l’apprentissage des méthodes est aujourd’hui directement disponible en ligne.
Ajoutez à cela la qualité des matériaux et les nouveaux procédés de mise en œuvre et vous obtiendrez un secteur florissant : L’autoconstruction.
Cet article vient en complément de mon dossier sur l’autoconstruction.
Autoconstructeurs : Une nouvelle idéologie
L’autoconstruction existe depuis que le monde existe. Le procédé s’est peu à peu perdu jusqu’à devenir presque inexistant après les merveilleuses années du développement urbain.
A tel point que l’autoconstruction semble être une idéologie faussement moderne, alors même qu’elle est ancestrale par nature.
Le développement exponentiel des « constructeurs » a phagocyté les bonnes pratiques de l’autoconstruction. Jusqu’à la rendre soit caduque, soit illégale dans certains cas.
Le couperet final viendra du secteur bancaire. Ce dernier mettant définitivement fin à toute volonté de construire sa maison soi-même en refusant tout prêt pour ces projets dits « marginaux ».
Au détour d’un article je lis que le segment représente aujourd’hui 20% des constructions. Je suis bien incapable de confirmer ce chiffre qui me parait encore trop surévalué.
Personnellement, je dirais que le seuil se situe aux alentours des 7 à 8 %.
Au delà des difficultés financières inhérentes à l’augmentation du coût de la construction, véritable frein à l’accès à la propriété, il semble que ce soit aujourd’hui l’idéologie qui motive les autoconstructeurs.
Une idéologie (saine) qui tend à vouloir s’émanciper, créer, bâtir et s’enorgueillir de son travail. Et je valide ce mouvement à 100% !
Les autoconstructeurs sont en recherche de « sens » et de bien être, souvent minimalistes, et soucieux de leur environnement. C’est en grande partie grâce à eux que les matériaux naturels et biosourcés sont mis sur le devant de la scène. Tant mieux.
En d’autres termes, l’autoconstruction est en train de donner la mesure, en redonnant du sens au bâti.
La montée en charge de l’autoconstruction
Les chiffres sont diffus, et les données sont très aléatoires d’un site à un autre. Cependant il est possible de faire un ratio assez simplement, en regardant autour de soi. J’évoquais un chiffre de 7 à 8% plus haut dans l’article, et je pense être assez juste.
En revanche, ces dernières années voient de nouvelles modes se multiplier : Les maisons containers et Tiny Houses.
Ces méthodes sont-elles de réelles autoconstructions ou de simples « achats » ? Il n’empêche qu’elles sortent du viseur des constructeurs de maisons individuelles. Ce sont des « hybrides » qui échappent donc à la chasse gardée des professionnels du bâtiment.
Le budget des ménages compte pour beaucoup dans la montée en puissance de l’autoconstruction mais je pense que le phénomène est plus profond.
Il y a une véritable recherche d’harmonie et de minimalisme.
Les énergies renouvelables et les matériaux naturels sont ici plus qu’ailleurs mis en avant. Il est donc tout à fait raisonnable de dire que le budget seul n’est pas l’unique source de motivation des autoconstructeurs.
Par conséquent, il est possible de faire un constat simple : L’autoconstruction va monter en charge, et cela va se consolider dans les cinq années qui viennent. C’est une affirmation réaliste et tout tend à confirmer ce nouvel élan.
Les indices sont multiples :
- Adaptation de l’offre par les industriels qui acceptent dorénavant ce nouveau « segment ».
- Ouverture des informations techniques au grand public, via internet et les nombreux outils en lignes disponibles.
- Engouement des médias et des réseaux sociaux pour ce phénomène.
Lire l’article du Moniteur de 2015 sur l’autoconstruction.
En outre, les associations d’autoconstructeurs se multiplient tout comme les groupes et les forums. Les plus connues d’entre elles sont devenues de véritable « piliers » de la discipline. L’association des Castors en est la plus évidente manifestation.
Les choix de matériaux naturels et durables
Il n’est pas uniquement question de budget lorsqu’on évoque l’autoconstruction. Certes, c’est le levier le plus commun mais il y a là un biais de raisonnement trop vite emprunté. Ceux qui pensent que le seul financement est la principale motivation des autoconstructeurs se trompent.
C’est d’ailleurs pour cela que les industriels ont mis tant d’années à se « bouger » pour offrir un service réellement dédié à l’autoconstruction.
Il y a une recherche idéologique forte, indéniable, et saine. Cette volonté de faire soi-même, donc de s’émanciper d’une part mais surtout d’être enfin « maître » de son logement. Cela va du choix de l’architecture, bien souvent trop « cataloguée » par les constructeurs traditionnels, au choix de matériaux durables et responsables.
L’écoconstruction ou « construction écoresponsable » pointe son nez.
Les autoconstructeurs ne sont pas dupes, ils se renseignent et font leur choix. C’est ainsi que des matériaux nobles voient à nouveau le jour, alors même qu’ils étaient « boudés » pendant des décennies.
Le bois, les laines végétales, les matériaux issus du recyclage sont au cœur des préoccupations de ces nouveaux bâtisseurs. Au risque de me répéter, c’est tant mieux !
Encore une fois, les industriels même honteusement lent à la réaction, ont fini par comprendre cet enjeu. C’est ainsi que de grands groupes développent aujourd’hui des « portails » spécialisés pour l’autoconstruction.
Les systèmes constructifs privilégiés des autoconstructeurs
Les systèmes constructifs sont nombreux et variés. J’en parle très régulièrement dans mes articles et vous connaissez ma passion pour le sujet. Certains procédés ou méthodes de constructions sont cependant privilégiés.
D’autres sont des phénomènes de modes dont on ne sait pas encore s’ils seront pérennes. Je vous propose ici une liste des principaux systèmes constructifs les plus courants :
- Maisons à ossature bois (MOB) : Clairement le principal procédé adapté à l’autoconstructeur aujourd’hui.
- Maisons traditionnelles en maçonnerie : Historique et « naturel » en France, la maison de maçon reste dans le haut du panier.
- Maisons en blocs de béton cellulaire : Le fameux Siporex, largement prisé pour sa facilité de pose et de manutention.
- Constructions en paille : Très courantes mais nécessitent cependant un très grand savoir faire.
- Dômes géodésiques et Yourtes : Plutôt dévolues aux bricoleurs qui souhaitent un habitat très atypique.
- Tiny Houses : Petits habitats généralement vendus « clé en main » mais qui commencent à intéresser l’autoconstructeur.
- Maisons containers : No comment, c’est le grand phénomène de mode actuellement, sera t’il pérenne ?
- Constructions de maisons minimalistes comme la maison en A par exemple ou les studios de jardins pour le prix notamment.
Parmi toutes ces méthodes ou ces procédés, la maison ossature bois (MOB) reste emblématique. Elle est aujourd’hui totalement maîtrisée, ce qui ne fut pas toujours le cas par le passé.
Les exemples se multiplient et les autoconstructeurs font très souvent le choix du bois comme système constructif. Bien que très technique, il demeure à la portée de toutes et tous.
Je vous invite à consulter mon dossier sur ce sujet car je l’ai développé longuement.
Lire mon article sur l’autoconstruction de maison en bois.
Les nouveaux modules de structures adaptés à l’autoconstruction
Il est indéniable que la R&D (Recherche et développement) fait office de levier dans l’augmentation du nombre de projets d’autoconstructions. Ces dernières années sont riches en nouveaux produits et ce que j’appelle dorénavant, des modules de structures.
Pour exemple, j’ai rédigé il y a peu de temps un article sur les technopieux. Ces derniers, utilisables dans presque tous les cas de figure, enlèvent une sacrée épine du pied des autoconstructeurs.
C’est simple, fiable, très pragmatique et de moins en moins coûteux.
Autrement dit, les historiques « barrières » techniques (telles que les fondations par exemple) sont en train de « sauter » les unes après les autres. Les technopieux en sont le parfait exemple.
Lire mon article sur les pieux vissés.
Mais ce n’est pas le seul exemple.
Les blocs de construction en brique sont aujourd’hui simples à mettre en œuvre grâce à la colle. Plus besoin de savoir gâcher du mortier. C’est également le cas pour les constructions en béton cellulaire ! Par conséquent, il n’est plus rare de voir des projets d’autoconstructions en maisons traditionnelles maçonnées.
Autant de freins qui se transforment aujourd’hui en exercices presque « ludiques » au dire de certains.
Enfin, et pour rendre les procédés encore plus simples, il existe aujourd’hui de véritables « usines » à panneaux préfabriqués, notamment pour les maisons ossatures bois.
Avec un bon logiciel d’architecture, il est aujourd’hui possible de faire « débiter » sa maison en usine, en quelques clics.
L’accès simplifié aux outils de conception
Justement, parlons de ces outils qui se sont démocratisés au point qu’ils soient devenus omniprésents en ligne, parfois gratuitement. Lorsque j’ai commencé dans le bâtiment, je réalisais mes plans « à la main ».
Avec la montée en puissance des outils informatiques, tous mes confrères et moi-même sommes passés sur des logiciels d’architecture, très complexes pour certains mais surtout très coûteux.
Bref, en aucun cas ces outils n’étaient disponibles pour les particuliers.
Aujourd’hui, avec le plus simple des ordinateurs portables, il est possible de créer des plans, sortir des vues photoréalistes, et déposer un permis de construire en toute simplicité.
- Archicad : Pour tout type de projet / Logiciel professionnel.
- Revit Architecture : Egalement pour tout type de projet / Logiciel professionnel.
- Sketchup : Grand public, adapté à tous les projets également / Disponible en ligne.
- SEMA SOFT : Pour les autoconstructions de maison en bois essentiellement. Un must mais cela reste un outil très professionnel.
Les exemples sont multiples et une simple recherche en ligne vous mènera à de nombreux outils supplémentaires. Ces outils de conception sont devenus très simples à utiliser, même sans un ordinateur professionnel et surtout, à des prix attractifs.
Encore un frein qui disparait et qui ouvre les portes grandes à l’autonomie des particuliers en terme de construction. D’ailleurs, les permis de construire ne sont plus une exclusivité des constructeurs de maisons individuelles, ni même des architectes !
Lire mon article sur le dépôt de permis de construire en autoconstruction.
L’ouverture des communes aux projets des autoconstructeurs
Pour suivre ce cheminement de pensée, il apparait également clairement que les communes ne sont plus opposées aux constructions en bois ou autres types de procédés. Les administrations sont de plus en plus ouvertes aux projets novateurs, vertueux et autonomes.
Lorsque j’ai débuté dans la construction, je me voyais opposé 3 permis de construire sur 5. Fort heureusement, aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Les pouvoirs publics semblent donc prendre la mesure de l’enjeu qui se joue aujourd’hui autour du logement.
Par conséquent, la boucle est presque bouclée avec un dernier frein qui semble s’estomper dans les faits.
Le « Boom » de l’autoconstruction est donc bel et bien un élan idéologique et pragmatique qui aura fini par séduire les plus récalcitrants : L’urbanisme !
La nécessité d’un cadre juridique plus précis
Je finirai cet article par une hypothèse de réflexion sur l’autoconstruction en terme juridique.
En effet, depuis quelques années déjà, il semble que le « flottement » juridique qui entoure l’autoconstruction finisse par devenir pénalisant. Principalement au détriment de l’autoconstructeur.
Nous le savons, dans ces cas de figure il est impossible d’obtenir une DO et encore moins une quelconque garantie. Or ce n’est pas le sujet que je soulève ici. Ma principale inquiétude, du point de vue expertise, réside dans la faible (ou inexistante) indemnisation en cas de sinistre.
En effet, j’aurai l’occasion de vous proposer sous peu un cas concret de refus d’indemnisation, qui fait débat. Il s’agit de ces fameuses « maisons containers » dont vous savez que je ne suis pas très friand.
L’autoconstructeur passionné qui fait ce choix aujourd’hui, avec beaucoup d’enthousiasme, risque de voir sa vie entière s’effondrer lorsque l’expert de compagnie lui signifiera un refus d’indemnisation.
La raison est simple : Un container n’est pas une maison, et ne répond à aucune règle de mise en œuvre officielle.
Autrement dit, le « flou » ou « vide » juridique qui entoure certains types de constructions (apparentées à des maisons) permet de minimiser l’indemnité à sa plus simple expression : Le prix de l’acier !
Cela mérite un dossier complet, que je vous proposerai à la lecture sous peu.
Conclusion
Le boom de l’autoconstruction est là.
Nous y sommes, soyez en certains ! Je suppose même que nous sommes sur la première marche de l’escalier, ce qui laisse présager un avenir radieux pour le secteur.
Au delà des questions de coût (car les terrains restent chers quoi qu’il arrive et les matériaux flambent), il y a un véritable élan à vouloir se réapproprier ce qui pendant des siècles fut parfaitement naturel : Construire sa maison soi-même.
Enfin, et pour finir, le grand travail effectué par les industriels en matière d’outillage et d’offre joue également pour beaucoup dans cet élan. Les outils sont fiables, faciles à utiliser, et les « produits » sont devenus courant, au point de pouvoir trouver ses menuiseries chez Leroy. Menuiseries qui pendant longtemps étaient une chasse gardée des constructeurs, et qui aujourd’hui sont disponibles à chaque coin de rue.
Une page s’ouvre, soyons présents pour aider les autoconstructeurs en leur apportant notre expertise de terrain et nos bons conseils.
Merci pour vos lectures et bon chantier.
Serge USTUN.
Crédit Photo de couverture : Bidvine.